Le Devoir

Le passé s’invite dans le duel Macron-Le Pen

- BÉATRICE LE BOHEC à Paris

La Seconde Guerre mondiale s’est immiscée vendredi dans le duel présidenti­el en France. Le parti de Marine Le Pen a dû remplacer son président, accusé de propos négationni­stes, tandis qu’Emmanuel Macron s’est recueilli dans un village martyr, devenu symbole de la barbarie nazie.

La chef du Front national a tenté de reprendre la main après l’éviction de Jean-François Jalkh, nommé lundi président par intérim. Dans des propos rapportés en 2005 dans une revue universita­ire, il avait évoqué le «sérieux et la rigueur» de l’argumentat­ion des travaux de l’universita­ire négationni­ste Robert Faurisson, régulièrem­ent condamné pour avoir nié la réalité de la Shoah.

Après avoir exhorté vendredi les partisans du tribun de la gauche radicale, JeanLuc Mélenchon, à « faire barrage » à son jeune rival centriste de 39 ans et obtenu le ralliement du souveraini­ste Nicolas Dupont-Aignan (voir encadré), Marine Le Pen a supprimé de sa profession de foi la mention de «la souveraine­té monétaire », et donc de la sortie de l’euro.

Depuis qu’elle a pris la tête du FN en 2011, Marine Le Pen, 48 ans, s’est efforcée d’en lisser l’image sulfureuse, longtemps alimentée par les propos antisémite­s et révisionni­stes de son père, Jean-Marie Le Pen, cofondateu­r du parti, avec qui elle a pris ses distances.

Vendredi, ce dernier s’est néanmoins invité dans la campagne en se disant « choqué » par la cérémonie nationale au policier gai tué dans un attentat la semaine dernière sur les Champs-Élysées à Paris, jugeant qu’elle rendait «plutôt hommage à l’homosexuel qu’au policier ».

Marine Le Pen a rapidement réagi, jugeant la « cérémonie très digne» et se déclarant «très touchée par le discours qui a été tenu par [le] compagnon » du policier tué.

Les thèses historique­ment chères au FN avaient déjà surgi dans la campagne quand Marine Le Pen avait affirmé début avril que la France n’était «pas responsabl­e» de la rafle du Vél’ d’Hiv qui avait conduit à la déportatio­n de juifs sur ordre du pouvoir français en juillet 1942.

Macron à Oradour

Une pleine page, publiée vendredi par l’associatio­n des Fils et Filles de déportés juifs de France dans le quotidien Libération, rappelle le passé pour s’inquiéter de l’avenir : une photo d’un ciel obstrué de barbelés évoquant les camps de concentrat­ion nazis est barrée du slogan «Le FN en 2017? Non jamais. Contre le Pen — Votez Macron ».

Le candidat centriste était justement à Oradour-sur-Glane, petite localité du centre de la France où une unité de la Waffen-SS massacra 642 habitants le 10 juin 1944.

«Décider de ne pas se souvenir, c’est prendre le risque de répéter l’Histoire», a-t-il déclaré. «Quand vous avez face à vous une candidate qui renouvelle ce qu’elle a pu dire sur le Vél’ d’Hiv, qui est l’héritière directe et assumée de quelqu’un qui a porté le négationni­sme […], bien sûr que ça a un sens d’aller à Oradour», avait-il lancé avant sa visite.

L’ancien maire socialiste de Paris Bertrand Delanoë s’est pour sa part référé à l’arrivée au pouvoir des nazis en Allemagne pour appeler à voter contre l’extrême droite. «Dans les années 1930 en Allemagne, l’extrême gauche n’a pas voulu choisir entre les sociaux-démocrates et les nazis. Hitler a été élu par le suffrage universel», a-t-il dit.

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