Partir Fêter ou pas? La chronique de Carolyne Parent
Il s’en trouve toujours pour bouder les célébrations, qu’il s’agisse de la fête du beau-frère ou celle de Noël. Mais vous, n’avez-vous pas hâte de voir, le mois prochain, l’illumination du pont JacquesCartier qui deviendra, je l’espère, l’icône touristique dont Montréal a tant besoin? Les nouveaux tableaux de Cité Mémoire, la colossale installation vidéographique signée Michel Pilon et Victor Lemieux, avec Michel Marc Bouchard, qui fait parler jusqu’aux pavés du Vieux-Montréal? Le fort de Ville-Marie, le nouveau pavillon du musée Pointe-à-Callière? Sans oublier Avudo sur fond de fleuve, dans le VieuxPort? Moi, ouiii!
Et si je ne brandirai pas davantage que par le passé un drapeau canadien le 1er juillet prochain, j’irai certainement faire un tour à Ottawa dès l’arrivée des beaux jours. Je ne serai d’ailleurs pas la seule.
Le maire de la capitale fédérale, Jim Watson, estime que le 150e anniversaire de la Confédération vaudra à sa ville, épicentre des festivités, 1,75 million de touristes en sus de ses 7 à 8 millions annuels. Je les lui souhaite, vu qu’Ottawa a été virée sens dessus dessous et habillée d’échafaudages pendant des mois afin d’accueillir en beauté la visite… Non, nous n’avons pas le monopole des cônes orange!
Dans le rétroviseur
Que sont les fêtes et les commémorations sinon des jalons de notre histoire personnelle et collective? Lors d’une célébration, on marque une pause, on regarde derrière soi et on prend la pleine mesure du chemin parcouru, de nos victoires, de nos défaites et de tout ce qui nous reste à accomplir, si ce n’est déjà fait, pour se réaliser comme individu ou société.
Je ne me souviens pas d’Expo 67, mais je sais tout de même que pour mes parents, cela signifiait un Québec de tous les possibles. Un demisiècle plus tard, où en sommes-nous? Force est de constater qu’on rêve moins grand. Aux musées McCord et Stewart, deux expositions commémoratives nous tendent chacune un rétroviseur. Qu’ils nous donnent donc un petit élan pour mieux aller de l’avant…
De passage dans la capitale fédérale au début du mois, j’ai rencontré Guy Laflamme, le directeur général d’Ottawa 2017, afin de connaître son avis sur la question des fêtes.
Bien sûr, le maître d’oeuvre de quantité de projets d’envergure dans la région de la capitale — Mosaïka et Bal de neige, entre autres — a souligné l’importance d’événements qui cultivent la fierté collective et la cohésion sociale.
Il m’a parlé également de l’image désuète qu’on a d’Ottawa. «Pour certains, la ville est beige et conservatrice, mais elle a bien changé», dit-il. Il en veut pour preuve le développement de ses offres culturelle et gastronomique.
«Ottawa se transforme aussi physiquement [avec la construction d’une ligne de train léger sur rail] et Ottawa 2017 lui donnera l’image d’une ville d’innovation», dit-il.
Nouvelles infrastructures, réfection spectaculaire d’anciens équipements (on emballe présentement le très brutaliste Centre national des arts dans des «boîtes» de verre), programmation d’enfer à laquelle participent des talents d’ici, ceux de Moment Factory, boom touristique, retombées économiques à l’avenant : cela est juste et bon, mais c’est tout autre chose que je retiens de mon échange avec le sympathique directeur.
Inspiration 2017
Avant de lancer son projet de 400 pages assorti d’un budget de 40 millions de dollars, Guy Laflamme a sollicité l’expertise de Peter Aykroyd, l’homme qui était aux commandes des célébrations du centenaire du pays. «En rencontrant le père de l’acteur Dan Aykroyd — né ici, à Ottawa —, un “jeune homme” de 95 ans, j’ai réalisé que les célébrations ne servent pas tant à se remémorer le passé qu’à stimuler notre imaginaire et à être une source d’inspiration pour l’avenir », dit-il.
En épluchant la programmation d’Ottawa 2017, je remarque que le directeur général a pris bonne note de son constat. J’y vois un parcours souterrain ponctué d’installations holographiques réalisées par Moment Factory, qui tire profit de la construction de la station Lyon de la ligne de TLR puisqu’elle en sera le théâtre !
J’y vois aussi La Machine, une compagnie française de théâtre monumental de rue, et ses monstres, un cheval dragon et une araignée qui pourrait bien être un gros rejeton de la Maman de Louise Bourgeois, une sculpture trônant devant le Musée des beauxarts du Canada. J’y vois encore, rue Wellington, une tablée de 1000 convives que régaleront 20 chefs canadiens, et au marché By, un Village de l’inspiration constitué de conteneurs maritimes, genre de boîtes à surprises que s’approprieront des artistes de chacune des provinces et des territoires.
«De nombreux spectacles et événements sont de véritables laboratoires artistiques», dit Guy Laflamme. Comme ces danses qui se dérouleront simultanément dans plusieurs fontaines de la ville; ces «commandos» qui auront pour mission d’illuminer des parcs; ou encore ces dîners à la ferme qui seront animés par des danseurs attachés à des branches d’arbre…
Qu’ossa donne, les commémorations festives? À Ottawa comme à Montréal, il me semble que ça fait se lever un vent d’audace, que ça met le feu aux poudres de la création, que ça accroît l’attractivité d’une destination et qu’au passage, ça relooke une ville. Il me semble aussi que ça nous donne rendez-vous avec le merveilleux.
Pendant ce temps, le mont Royal et l’UNESCO
Ainsi donc, les Amis de la montagne croient qu’une inscription du parc du mont Royal au Patrimoine mondial de l’UNESCO lui offrira «une protection accrue tout en contribuant à son rayonnement».
En matière de rayonnement, ils ont parfaitement raison. La célèbre désignation est de facto un sceau de qualité pour le bien visé et par là même un aimant à touristes. Ce sceau s’accompagne néanmoins d’un risque de dégradation du site qu’on souhaitait au départ protéger, vu sa fréquentation accrue.
Par ailleurs, en vertu de la Convention du patrimoine mondial, la gestion des biens figurant sur la fameuse liste relève exclusivement des États qui en ont demandé l’inscription. Ces derniers doivent notamment démontrer leur capacité à les préserver pour la postérité au moment même du dépôt des candidatures. En clair, UNESCO ou pas, il n’en revient qu’à nous de mieux aimer notre montagne.