Maja & David, le mariage dano-québécois
Le duo fusionne les traditions avec une musique au caractère à la fois territorial et sans frontières
Maja Kjaer Jacobsen vient du Jutland central, au Danemark, et David Boulanger est né dans la région de Montréal. Tous deux violoneux, ils ont formé Maja et David, le duo qui s’inspire de leurs sources. Ils composent à partir de l’une ou de l’autre et interprètent des pièces traditionnelles, mais les arrangent toujours ensemble, ce qui confère à leur musique un caractère à la fois territorial et sans frontières, simple et pourtant majestueux. Le duo s’arrête ce jeudi à la Casa del Popolo.
Les deux se connaissent depuis environ huit ans. À force d’écouter leur musique respective, ils ont ressenti le point commun entre les deux univers, d’où la formation de leur groupe. Et le plus étonnant est que cette filière entre le Québec et le Danemark n’est pas nouvelle. Avant eux, les Jes Kroman, American Cafe Orchestra, Morten Alfred Hoirup, Raynald Ouellet et le groupe danois La Bastringue avaient fait un pas vers l’autre. Sans compter l’influence exercée par La Bottine souriante sur une formation comme Habadekuk.
«Le lien entre les deux cultures est indirect, explique David Boulanger au Devoir. Ce n’est pas comme dire que nos chansons viennent de la France et que nos danses viennent des îles britanniques. Mais quelque chose unit le Danemark et le Québec. Maja et moi sommes arrivés à la conclusion qu’à une certaine époque, il y a des danses qui ont traversé l’Atlantique et des morceaux qui sont venus avec elles, même si ça paraît bien exotique de parler de l’Europe du Nord quand on n’a pas vraiment de contacts avec eux par la colonisation.»
Il y a quand même quelque chose qui se rejoint: par la valse, la danse de quadrille, des espèces de contredanses, des grandes lignes, poursuit-il. « Il y a même des morceaux que j’ai entendus là-bas qui sont pratiquement les mêmes que les nôtres, des mélodies presque semblables notes pour notes.»
Maja Kjaer Jacobsen raconte même que les Danois ont parfois des noms différents pour décrire des types de danse que l’on retrouve ici: «On a des reels. On les appelle parfois «reels», parfois «tretur» ou «totur». On a aussi la polka et la galope, en plus de la valse qui est plus rapide que la vôtre. Quant à notre hopsa, elle n’existe pas ailleurs, mais elle renferme des similarités avec la polka irlandaise par son côté nerveux [jumpy] .»
« Ici, au Québec, on parle du violon comme d’une espèce de locomotive, comme d’un train qui part et qui arrache tout »
Maja joue de tous ces styles. Avec son excellent groupe Fru Skagerak, elle mélange très habilement les rythmes danois, suédois et norvégiens. Elle joue d’ailleurs le violon hardanger, qui vient des montagnes de la Norvège et dont la particularité est d’avoir quatre cordes sympathiques qui résonnent d’elles-mêmes, ce qui confère plus d’espace à la musique.
Sinon, Maja (prononcer Maya) et David maîtrisent le violon habituel. Comment leurs instruments sont-ils mis en valeur dans leurs deux mondes ? «Ici, au Québec, on parle du violon comme d’une espèce de locomotive, comme d’un train qui part et qui arrache tout. C’est bien découpé dans le temps, tandis qu’au Danemark, dans le style que Maja aime jouer, on a les temps forts, les downbeats qu’on fait avec le pied. Entre ça, les notes peuvent être étirées ou un peu accélérées pour arriver sur les temps forts. C’est comme si on faisait des vagues au niveau de la longueur des notes, mais les temps forts arrivent toujours au même endroit. »
David bat les mesures avec sa podorythmie, Maja répond avec une autre forme de tapement de pieds. Grâce à leurs arrangements, leurs deux univers se marient de plus en plus. Par exemple, sur CPH-Café-YUL, le deuxième et plus récent disque du duo, un violon s’introduit en bourdon aérien sur une turlutte doucement scandinave. Les atmosphères sont plus personnelles et les créations font parfois apparaître des climats proches du folk de chambre, sans les frontières géographiques ou les barrières du temps qui semblent aléatoires. C’est à la fois délicat ou plus rythmé, relaxant et bienfaisant.
Une autre ligne de force du duo : l’influence de la région du Jutland central où Maja fut élevée: «Ce qui est intéressant, c’est que les pièces de ma région ne sont pas nécessairement connues ailleurs au Danemark, dit Maja. Et il y a notre langue: plusieurs mots sont différents du danois, alors que d’autres sont les mêmes, mais prononcés différemment. » Cette langue, elle la parle et la promeut. À la Casa del Popolo, le jeudi 4 mai à 20 h.