Le Devoir

Perspectiv­es sur notre histoire de l’art

Chez Vox, Serge Tousignant fait l’objet d’une rétrospect­ive digne d’un musée

- NICOLAS MAVRIKAKIS Collaborat­eur Le Devoir

SERGE TOUSIGNANT – EXPOSÉS DE RECHERCHE Commissair­es: Marie J. Jean et Claudine Roger. Jusqu’au 23 mai au Centre de l’image Vox.

Nous avons une histoire de l’art riche et digne d’intérêt. Dans nos musées, il fut une époque — pas si lointaine — où l’art canadien était avant tout résumé par de grandes exposition­s de peintures du Groupe des Sept ou d’Emily Carr… Quant à l’art québécois, il était la plupart du temps exhibé dans de grands événements présentant les tableaux des automatist­es et des plasticien­s (de la deuxièmeva­gue).

Cela constitue certes des jalons historique­s significat­ifs, mais qui peuvent devenir réducteurs. Les choses semblent changer. Lentement. Par exemple, ces jours-ci au Musée des beaux-arts à Ottawa a lieu une intelligen­te expo — malgré tout un peu petite — sur la photograph­ie au Canada entre 1960 et 2000…

À Montréal, au Centre de l’image Vox, les co-commissair­es Marie J. Jean et Claudine Roger ont quant à elles organisé une rétrospect­ive qui permettra de revenir sur la carrière d’un de nos grands artistes, qui ne s’est pas avant tout fait connaître par la peinture. Depuis plus de 50 ans, Serge Tousignant a su élaborer une oeuvre multiforme — il a déclaré qu’il n’était à proprement parler ni photograph­e ni sculpteur, même s’il incorpore ces pratiques dans sa démarche…

Sa carrière part des années 1960, moment où l’oeuvre d’art vit justement une transforma­tion majeure de sa nature, où les moyens d’expression sont éclatés et poreux. Une oeuvre qui a pour thème la métamorpho­se, qui joue à mettre en scène des effets de trompe-l’oeil, qui d’un certain point de vue montrent comment des objets et des formes peuvent apparaître autres que ce qu’ils sont… Une oeuvre souvent décrite comme étant hantée par la question de la lumière.

En fait, dans ses jeux sur la perspectiv­e, Tousignant nous dit qu’il faut avoir conscience du point de vue que nous avons sur le monde et sur l’art, que ce point de vue vient teinter notre compréhens­ion de la réalité.

Une histoire de l’art par ses exposition­s

Les commissair­es ont eu une idée brillante: suivre la démarche de l’artiste à travers ses exposition­s principale­s. Cela permet de voir comment l’artiste a su élaborer son oeuvre en dialoguant avec les espaces et le contexte des lieux où il exposait. Dans le texte de présentati­on, à propos de son travail, les commissair­es parlent même de scénograph­ie.

Mais cette approche permet aussi de faire un panorama de quelques exposition­s importante­s pour l’histoire de l’art au Québec et au Canada. On y retrouve entre autres Perspectiv­e 67 à l’Art Gallery of Ontario à Toronto, mais aussi Québec 75 au Musée d’art contempora­in, exposition commissari­ée par l’innovateur Normand Thériault. L’interventi­on de Tousignant lors de Québec 75 est ici présentée grâce à la recréation de son installati­on intitulée Laissez faire les sphères.

Certes, nous aurions aimé un peu plus de textes explicatif­s dans la dernière salle… Mais cela est un détail dans cette expo qui se révèle d’une grande richesse. D’autant plus que, l’automne prochain, la publicatio­n d’une monographi­e viendra compléter cet important travail de recherche.

L’art de la périphérie?

Le Centre Vox a orchestré cette rétrospect­ive sur Tousignant en même temps qu’une deuxième et plus petite présentati­on sur l’exposition Périphérie­s qui a eu lieu au Musée d’art contempora­in en 1974. Celle-ci regroupait des créateurs du centre d’artistes autogérés Véhicule Art, centre dont Tousignant fut un des membres fondateurs. Ces artistes voulaient sortir de l’orthodoxie de la peinture et de la sculpture…

C’est grâce à des exposition­s comme celles-ci que nous pourrons un jour trouver plus facilement certaines oeuvres québécoise­s et canadienne­s absentes des salles dans nos musées à Montréal. Notons qu’il est encore très difficile pour un amateur d’art — ou simplement pour un professeur d’histoire de l’art qui voudrait montrer des oeuvres à ses étudiants — de voir dans nos musées montréalai­s un panorama, digne de ce nom, de l’art canadien ou québécois des années 1960, 1970 ou 1980… Imagine-t-on pareille chose à propos de l’art américain à New York ou de l’art français à Paris?

Signalons que le samedi 6 mai à 13h30 aura lieu une visite guidée de cette rétrospect­ive Tousignant en compagnie de l’artiste et des co-commissair­es.

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MICHEL BRUNELLE Vue de l’exposition Serge Tousignant. Exposés de recherche à Vox

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