Louis Hébert et Marie Rollet, des ancêtres aux principes inspirants
Il y a 400 ans, jour pour jour, Louis Hébert était au beau milieu de l’Atlantique, sur un navire parti de Honfleur en direction de Québec. L’accompagnaient sa femme, Marie Rollet, les trois enfants du couple et Claude, le frère de Marie. La traversée de trois mois fut pénible. Lors d’une tempête épique, Marie offrit même son jeune fils, Guillaume, âgé de sept ans, à la grâce de Dieu, émouvant ainsi tous les membres de l’équipage. À la mi-juin 1617 débarquait enfin, à Tadoussac, la première vraie famille de colons de l’histoire du Québec. Louis Hébert, surnommé «l’Abraham de la
colonie » par le récollet Chrestien Le Clercq dès la fin du XVIIe siècle, a l’étoffe d’un héros taillé sur mesure pour le Québec. Sans être spectaculaires, sa personnalité et son oeuvre n’en sont pas moins porteuses d’une impérissable noblesse. «Louis Hébert franchit les flots de l’Océan / Et s’en vint commencer la tâche d’un géant », écrivait le poète William Chapman (1850-1913) en l’évoquant. Qui, pourtant, se souvient vraiment du remarquable ancêtre ? Entretiens virtuels
Spécialiste de la Nouvelle-France, l’historien Jacques Mathieu, pour souligner le 400e anniversaire de l’établissement des premiers colons à Québec, publie La vie méconnue de Louis Hébert et Marie Rollet. Bien conscient « que l’histoire est fille de son temps, c’est-à-dire qu’elle est autant influencée par le regard du chercheur sur le présent que par les réalités passées», Mathieu, en étudiant ces personnages, entend « examiner les éléments de modernité, voire d’actualité, qui ressortent de l’oeuvre de Louis Hébert et Marie Rollet». Il nous permet ainsi de prendre conscience que le couple pionnier du Québec peut encore nous inspirer.
Mathieu pratique l’histoire scientifique, c’est-à-dire fondée «sur des faits incontestables tirés de sources parfois récemment portées à la connaissance, mais soumises
à une sévère critique». Il se permet néanmoins, ici, de donner un peu d’allant à sa présentation en proposant des «entretiens virtuels» dans lesquels l’historien, à la manière d’un journaliste, questionne directement Hébert et Rollet. Cette méthode a l’avantage de dynamiser un savoir historique plutôt touffu.
Né à Paris en 1575, en pleine guerre de religion, Hébert suit les traces de son père en devenant apothicaire. Les déboires financiers de sa famille compliquent toutefois son installation professionnelle — sa maison sera achetée par la reine Margot — et font naître son désir de tenter l’aventure du Nouveau Monde. Par deux fois, en 1606 et 1611, il ira en Acadie avec l’espoir de s’y installer et d’y faire venir sa famille, mais des querelles commerciales et territoriales tueront ce projet dans l’oeuf.
En 1617, son ami Champlain le convainc de se joindre à lui à Québec. Il n’y aura plus de retour en arrière, même si les compagnies de commerce responsables de la colonie naissante feront tout pour lui mettre des bâtons dans les roues.
Colon instruit et déterminé, apothicaire respecté et catholique ami des Amérindiens qu’il souhaite convertir, Hébert, mort en 1627 après une chute sur la glace, a gagné son pari. Il peut revendiquer le titre de premier Québécois modèle.
Modeste et moderne
Homme de foi et de science attachant autant d’importance aux compétences intellectuelles que manuelles, Hébert brille par sa polyvalence. Pour Jacques Mathieu, selon qui « l’Abraham de la colonie n’aurait pu exister sans Marie », le premier colon et sa femme se distinguent même par leur modernité. Ils ont su, en effet, «s’adapter à des situations conflictuelles entre catholiques et protestants»,
tisser des liens d’amitié et de respect avec les autochtones — Marie Rollet accueille et instruit de jeunes Amérindiennes, de même qu’un petit Noir, amené à Québec par les frères Kirke — et s’établir avec succès dans un environnement souvent hostile, à force de travail, en solidarité avec les autres. Avec la collaboration du phytologue Alain Asselin, Mathieu rappelle aussi que Louis Hébert «a contribué à l’évolution de la botanique» en envoyant des plantes d’ici à des scientifiques français.
La conclusion s’impose : le peuple québécois a pour ancêtre un héros modeste dont les principes remarquables peuvent encore nous servir d’exemples quatre siècles plus tard. N’attendons pas la CBC pour le redire.
LA VIE MÉCONNUE DE LOUIS HÉBERT ET MARIE ROLLET ★★★1/2 Jacques Mathieu Septentrion Québec, 2017, 248 pages
Les Québécois ont pour ancêtre un héros modeste aux principes remarquables et toujours aussi exemplaires 400 ans plus tard