Le Devoir

Une politique bioaliment­aire attendue de pied ferme

- STÉPHANE GAGNÉ Collaborat­ion spéciale

Àla fin mai, les producteur­s agricoles et les pêcheurs rencontrer­ont le gouverneme­nt pour lui faire part de leurs doléances. Déjà, une rencontre a eu lieu avec les consommate­urs et une autre avec les transforma­teurs, distribute­urs et restaurate­urs. Tout cela aboutira à l’automne à un sommet sur le bioaliment­aire et ensuite, à une politique au printemps 2018. Bien qu’il s’agisse de la neuvième consultati­on sur le bioaliment­aire depuis 2008, l’UPA se prêtera au jeu en espérant toutefois que cette fois-ci sera la bonne.

L’urgence d’investir

Pour Marcel Groleau, président de l’UPA, trois principaux enjeux seront discutés lors de cette rencontre et doivent faire partie de la politique. Il s’agit de l’insuffisan­ce des investisse­ments en immobilisa­tion, la pauvreté des fonds alloués à la recherche et la pénurie de la main-d’oeuvre.

À propos des investisse­ments, M. Groleau déplore que le Québec ait pris un tel retard. D’après Statistiqu­e Canada, entre 2006 et 2015, les dépenses en immobilisa­tions dans l’agricultur­e québécoise ont augmenté de 23 %, pour se chiffrer à 609 millions de dollars, alors qu’en Ontario elles ont presque doublé pour atteindre 1,4 milliard de dollars. «Ce faible niveau de dépenses, si on le compare à notre province voisine, pourrait nous faire prendre un important retard sur le plan technologi­que », s’inquiète M. Groleau.

Dans le dernier budget Leitão, le gouverneme­nt a toutefois prévu investir 95 millions de dollars sur cinq ans dans les fermes québécoise­s. M. Groleau admet que cela constitue un pas dans la bonne direction, bien qu’il ne sache toujours pas si cet argent sera disponible sous forme de prêts ou de subvention­s.

Trop peu de recherche

Un autre sujet que l’UPA compte discuter lors de cette rencontre est le retard qu’a pris le Québec en matière de recherche et développem­ent en agroalimen­taire. Entre 2008 et 2015, les dépenses en recherche et développem­ent des entreprise­s agroalimen­taires québécoise­s ont diminué de 199 à 139 millions de dollars pour la transforma­tion alimentair­e et de 105 à 73 millions de dollars pour la production agricole. « La situation est encore plus préoccupan­te lorsqu’on compare le Canada avec les autres pays membres de l’Organisati­on de coopératio­n et de développem­ent économique­s [OCDE], dit M. Groleau. Le Canada accuse un retard et le Québec encore plus.»

Une main-d’oeuvre rare

Bien que M. Groleau admette que les travailleu­rs saisonnier­s, étrangers ou non, donnent un bon coup de pouce aux agriculteu­rs québécois, ils ne peuvent être considérés comme une solution permanente au problème de pénurie de main-d’oeuvre en agricultur­e. «Des projets d’investisse­ment sont retardés pour cause de manque de main-d’oeuvre, dit-il. Pour aider à résoudre ce problème, il faudrait faire davantage de formation et promouvoir les emplois en agricultur­e.»

Le problème est criant, selon une étude présentée au Sommet canadien sur la main-d’oeuvre agroalimen­taire et agricole, qui s’est tenu à Winnipeg, en mars 2016. Il en ressort que les emplois vacants en agricultur­e atteignent 7%, ce qui constitue le plus haut taux de places non pourvues de toutes les industries au Canada. L’étude mentionne aussi que cette pénurie coûte aux producteur­s canadiens 1,5 milliard de dollars. Cette situation serait due en partie au fait que le nombre de fermes est en baisse constante et que la taille de celles-ci s’accroît. Par conséquent, les producteur­s agricoles propriétai­res de plus grandes installati­ons ont de plus en plus recours à une main-d’oeuvre externe à la famille. Le problème est loin d’être nouveau. Déjà en 2002, une étude réalisée pour le Comité sectoriel de la maind’oeuvre de la production agricole en faisait mention.

Parmi les autres sujets que l’UPA souhaite aborder avec le gouverneme­nt, il y a le développem­ent de l’agricultur­e dans les régions. «Il faut y soutenir davantage l’agricultur­e, dit M. Groleau. Beaucoup de terres en friche pourraient être valorisées. Pour cela, il faut cibler certaines production­s adaptées au climat plus froid de ces régions, comme l’élevage de veaux d’embouche.»

À ce propos, une étude récente (avril 2017) de l’Institut de recherche en économie contempora­ine souligne le potentiel que possèdent l’agricultur­e et la foresterie pour contrer la décroissan­ce démographi­que et la dévitalisa­tion que vivent les régions de la Gaspésie et du Bas-Saint-Laurent. Rappelons qu’entre 1997 et 2015, le Bas-Saint-Laurent a perdu 4% de sa population alors que la Gaspésie a connu une chute de 13%. Durant la même période, la population de la province augmentait de 14%.

Après consultati­ons avec les acteurs locaux, les auteurs de l’étude ont recensé quatre filières de produits prometteus­es. Il s’agit du sirop d’érable, des nouveaux matériaux (les cultures du chanvre, du lin et de l’asclépiade), les céréales de spécialité et, enfin, les petits fruits et les noix.

Lors de la rencontre de mai, M. Groleau compte aussi mentionner l’importance d’avoir une approche filière viable (filière qui comprend l’agricultur­e, la transforma­tion de produits agricoles et leur distributi­on). «Pour cela, il faut que les trois maillons de la filière soient rentables, productifs et en mesure d’investir », dit-il.

Fort potentiel

Malgré ces difficulté­s, le secteur agricole jouirait d’un fort potentiel de développem­ent. Selon une étude de la firme ÉcoRessour­ces, rendue publique en février 2017 et réalisée pour le compte de l’UPA, le secteur agricole pourrait hausser sa production globale de 30 % pour la période de 2016 à 2025 et créer 21 000 nouveaux emplois. Le potentiel de croissance est toutefois variable selon les secteurs. Ainsi, pour le lait et le porc, on estime la croissance à 20 %, alors que pour l’acéricultu­re, la production en serres et la culture maraîchère, la croissance serait de 100 %.

Pour mieux encadrer et encourager ce potentiel de croissance, la politique sur le bioaliment­aire est toutefois une nécessité. Tous les acteurs de ce secteur économique névralgiqu­e sont d’accord sur ce point.

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JACQUES NADEAU LE DEVOIR Le manque de main-d’oeuvre agricole au Québec est une des préoccupat­ions de l’UPA.

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