Le Devoir

Donner une voix aux femmes scientifiq­ues

- ETIENNE PLAMONDON EMOND Collaborat­ion spéciale

«Avant j’aurais dit: “Je ne suis pas la meilleure personne pour vous répondre.” Maintenant, je réponds», lance à l’autre bout du fil Eve Langelier, professeur­e au Départemen­t de génie mécanique de l’Université de Sherbrooke, en entrevue avec Le Devoir.

Depuis qu’elle est devenue titulaire de la Chaire pour les femmes en sciences et en génie au Québec (CFSG), il y a deux ans, elle prend la parole sans hésiter lorsque des journalist­es lui posent des questions. Mais elle se souvient de son ancien réflexe de les diriger vers des collègues masculins qu’elle croyait mieux qualifiés, souvent en raison d’un manque de confiance en elle. «Il y a un impact à ce réflexe», reconnaît-elle aujourd’hui. Elle note que « les femmes ne prennent pas leur place dans les communicat­ions et ne sont pas visibles».

Le 5 mai prochain, dans le cadre des Journées internatio­nales de la culture scientifiq­ue, elle prendra part à une table ronde sur les enjeux de communicat­ion pour les femmes dans le domaine des sciences et du génie à l’Université McGill. «C’est important de s’exprimer, parce qu’on pense différemme­nt et on amène d’autres points de vue, d’autres préoccupat­ions que ceux des hommes. Les femmes doivent faire partie de cette conversati­on, souligne-t-elle. En sciences et en génie, comme les femmes sont moins nombreuses, c’est encore plus important qu’elles prennent leur place.»

De plus, Mme Langelier signale que lorsque les femmes scientifiq­ues gardent le silence, « elles sont moins un modèle visible pour les jeunes». Simplement en racontant dans ses cours les embûches qu’elle a rencontrée­s et surmontées durant sa carrière, elle affirme avoir reçu des témoignage­s d’étudiantes venues lui dire qu’elles voyaient en elle un modèle.

À ses yeux, le choix des mots joue aussi un rôle pour attirer des femmes dans ces milieux encore majoritair­ement masculins. Dans une capsule vidéo publiée sur le site Internet de sa chaire, Mme Langelier indique que, lorsqu’elle visite des écoles, elle s’attarde à la portée sociale des carrières en sciences et en génie pour davantage intéresser les filles.

Parmi les solutions, Mme Langelier évoque les démarches de Shari Graydon dans les provinces anglophone­s du Canada. Cette dernière a fondé l’organisme à but non lucratif Informed Opinions, dont la mission consiste à accroître la présence des femmes dans la sphère publique, notamment à l’aide du site Internet ExpertWome­n (expertwome­n.ca). Cette plateforme répertorie les femmes scientifiq­ues pour les encourager à se prononcer et pour inciter les journalist­es à faire davantage appel à elles, question de ne pas se limiter à des points de vue d’hommes lorsque vient le temps de mettre en contexte des enjeux dans les médias.

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ISTOCK La professeur­e au Départemen­t de génie mécanique de l’Université de Sherbrooke Eve Langelier signale que le silence des femmes scientifiq­ues les rend moins visibles pour les jeunes.

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