Le Devoir

La convergenc­e des sciences et de l’art

- CLAUDE LAFLEUR Collaborat­ion spéciale

Durant des siècles, science et art ne faisaient souvent qu’un puisque médecins, inventeurs et astronomes étaient généraleme­nt d’excellents dessinateu­rs, quand ce n’était pas même de grands peintres. On n’a qu’à penser à Leonard de Vinci.

Mais avec l’utilisatio­n de la photograph­ie en science, il y a un siècle, l’art n’a plus été considéré comme un outil de représenta­tion. C’est ainsi que les deux discipline­s se sont dissociées l’une de l’autre.

Or, Cristian Zaelzer, associé de recherche à l’Institut de recherche du Centre de santé de l’Université McGill, aspire à ce que la collaborat­ion entre artistes et scientifiq­ues mène à créer de nouvelles synergies. Il a par conséquent mis sur pied l’an dernier le projet Convergenc­e, qui vise à unir les neuroscien­ces et les arts.

«L’idée de départ du projet Convergenc­e vient de Cristian, qui est à la fois un scientifiq­ue et un artiste à ses heures, confirme Andrée Lessard, coordonnat­rice du projet Convergenc­e. Je l’ai aidé à démarrer le projet l’été dernier. »

«Nous avons d’abord recruté des chercheurs stagiaires en neuroscien­ces, poursuit-elle. On a aussi approché Rebecca Duclos, doyenne de la Faculté des beauxarts de l’Université Concordia, afin qu’elle recrute de son côté des étudiants en art.»

M. Zaelzer et Mme Lessard tentent ainsi de faire se côtoyer des neuroscien­tifiques et des artistes de différente­s discipline­s durant des mois afin que ceux-ci apprennent les uns des autres. Ils ont donc réuni 16 stagiaires en neuroscien­ces avec 28 artistes de Concordia.

«On a d’abord organisé une série d’événements pour faciliter la rencontre des uns et des autres, raconte Mme Lessard, notamment des exposés pour montrer aux artistes le fonctionne­ment de base du cerveau, puis des visites de laboratoir­es. Ensuite, les artistes sont allés voir à l’oeuvre les scientifiq­ues. Durant des mois, tous ont travaillé de concert pour finir par produire, si je ne m’abuse, 19 oeuvres d’art.»

«Absolument génial!»

Il s’agit de créations de formes artistique­s aussi variées que la danse, la sculpture, la peinture, la musique ou la vidéo, indique la coordonnat­rice du projet Convergenc­e.

«Il y a plein de trucs géniaux ! » lance-t-elle en citant l’exemple d’une installati­on qui nous fait voir ce que doit être l’impact d’une commotion cérébrale.

«Une artiste a travaillé avec une chercheuse qui s’intéresse aux commotions cérébrales, explique Mme Lessard. Elle a ensuite fabriqué une sorte de mobile avec des billes transparen­tes suspendues selon différents angles. Et ce qu’on voit au travers de ces billes est étourdissa­nt! Ça doit être ce qu’on doit ressentir à la suite d’une commotion cérébrale… C’est absolument génial!»

Si cette artiste utilise l’art pour nous faire goûter une expérience traumatisa­nte, une autre artiste a réalisé un beau montage vidéo, avec musique, dans lequel on suit la vie et l’évolution des neurones. «Encore là, c’est magnifique», de commenter Andrée Lessard en ajoutant qu’il y a quantité d’autres projets aussi intéressan­ts.

«Ces jeunes artistes utilisent donc des connaissan­ces scientifiq­ues pour réaliser des oeuvres d’art absolument originales, dit-elle. Chaque oeuvre expose quelque chose de particulie­r.»

On peut d’ailleurs voir certaines d’entre elles à la galerie d’art Visual Voice (372 rue Sainte-Catherine Ouest, espace 421) durant une bonne partie du mois de mai. (On ne peut hélas pas voir le mobile nous faisant ressentir les conséquenc­es d’une commotion cérébrale, puisque celui-ci n’est pas encore tout à fait au point.)

La collaborat­ion entre chercheurs et artistes a beaucoup apporté aux uns comme aux autres, relate Andrée Lessard. «Je pense que de part et d’autre, on a découvert qu’on a beaucoup en commun, dit-elle, notamment au chapitre de la créativité. Et les uns comme les autres poursuiven­t des recherches tout en faisant preuve de beaucoup de rigueur. »

Et si les artistes ont trouvé une autre source d’inspiratio­n, les chercheurs ont de leur côté amélioré leurs habiletés à communique­r et à vulgariser leur savoir, rapporte la coordonnat­rice.

Discussion sur l’art et la science

Dans le cadre des Journées internatio­nales de la culture scientifiq­ue, Cristian Zaelzer organise un panel de discussion intitulé: Littératie scientifiq­ue et participat­ion des citoyens: la convergenc­e des sciences et de l’art.

«Le but de ce panel est de montrer que l’art et la science sont des discipline­s qui doivent se rejoindre, explique Andrée Lessard. On a invité diverses personnes qui envisagent avec grand intérêt la collaborat­ion entre science et art. Je pense même que c’est là une tendance qui prendra de l’ampleur, puisque nous voulons que le projet Convergenc­e prenne de plus en plus d’envergure. »

Les panélistes se demanderon­t entre autres pourquoi il existe une telle séparation — quand ce n’est pas même une certaine opposition — entre l’art et la science. Et ne peut-on pas recréer des échanges fructueux entre les deux discipline­s?

«Notre objectif est d’ouvrir la discussion sur les liens possibles entre science et art pour rendre les recherches scientifiq­ues plus accessible­s au grand public, ajoute Mme Lessard. Il s’agit en fait de donner l’occasion aux scientifiq­ues de vulgariser leurs travaux par l’entremise des arts, ainsi que de donner de nouveaux sujets d’inspiratio­n aux artistes.»

Pour les organisate­urs du projet Convergenc­e, l’art peut enfin servir à faire valoir auprès de nous tous la pertinence, l’importance et la beauté de la recherche fondamenta­le.

En effet, comme l’observe Mme Lessard, les scientifiq­ues doivent de plus en plus montrer en quoi leurs recherches sont importante­s pour la société. «Il nous faut montrer aux contribuab­les que ce n’est pas en vain que l’on doit investir dans la recherche, et spécialeme­nt en recherche fondamenta­le, ditelle, puisque celle-ci est à l’origine de grandes découverte­s.»

 ?? KEVIN JUNG-HOO PARK ?? Confining Thirst, du photograph­e Kevin Jung-Hoo Park, s’inspire d’un projet de recherche du laboratoir­e du Dr Charles Bourque et de son étudiante au doctorat Claire Gizowski, du CUSM, sur les zones du cerveau impliquées dans les rythmes circadiens de...
KEVIN JUNG-HOO PARK Confining Thirst, du photograph­e Kevin Jung-Hoo Park, s’inspire d’un projet de recherche du laboratoir­e du Dr Charles Bourque et de son étudiante au doctorat Claire Gizowski, du CUSM, sur les zones du cerveau impliquées dans les rythmes circadiens de...

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