Le Devoir

Priorité au développem­ent économique

- PIERRE VALLÉE Collaborat­ion spéciale

C’est sans hésitation aucune que Bernard Sévigny, président de l’Union des municipali­tés du Québec (UMQ) et maire de Sherbrooke, avance que le développem­ent économique est maintenant le principal enjeu des municipali­tés. Le sujet sera même au coeur des prochaines assises de l’UMQ, puisqu’un forum lui est consacré.

«Le prochain défi pour les municipali­tés, poursuit-il, c’est de bien cerner le rôle qu’elles doivent jouer dans le développem­ent économique. Ces dernières années, les municipali­tés ont essentiell­ement tenu un discours autonomist­e. Mais les changement­s que le gouverneme­nt a apportés à la Loi sur les relations de travail et à la Loi sur les régimes de retraite, ainsi que le dépôt de la loi 122 ont grandement répondu au besoin d’autonomie des municipali­tés. Maintenant, et pour les prochaines années, c’est sur le développem­ent économique que l’on doit se pencher.»

Bien que les municipali­tés ont toujours été préoccupée­s par le développem­ent économique sur leur territoire, l’intérêt grandissan­t qu’elles portent aujourd’hui à cet aspect repose sur deux facteurs. Le premier, d’ordre pratique, est l’abolition par le gouverneme­nt libéral des centres locaux de développem­ent (CLD), dont les fonctions sont maintenant assumées par les municipali­tés. «Ça a été un coup dur. La disparitio­n des CLD a créé un vide, mais aussi une opportunit­é. Maintenant, les municipali­tés examinent comment s’y prendre pour soutenir leurs entreprise­s et quelles structures mettre en place pour remplacer le travail autrefois accompli par les CLD.»

La disparitio­n des conseils régionaux des élus (CRE) est venue aussi bousculer les cartes. « Les municipali­tés et les MRC ont déjà commencé à mettre en place des tables de concertati­on, dit-il, afin de coordonner les efforts en développem­ent économique dans leur région respective. »

À l’internatio­nal

Le second facteur est la mondialisa­tion de l’économie. «La mondialisa­tion a complèteme­nt changé la donne. Les traités internatio­naux de libreéchan­ge ont ouvert des portes pour les entreprise­s de nos territoire­s. Les municipali­tés ne peuvent pas ignorer cette nouvelle réalité et elles ont un rôle à jouer à l’internatio­nal.»

Si cela est vrai pour les métropoles, comme Montréal, qui se doivent d’avoir une présence à l’internatio­nal, est-ce possible pour les plus petites municipali­tés ? Non seulement Bernard Sévigny y croit, il en a même fait l’expérience. L’UMQ a en effet organisé une mission économique dans l’État de New York avec cinq municipali­tés participan­tes, soit Drummondvi­lle, Alma, Gatineau, Shawinigan et Magog. « Le maire et le responsabl­e du développem­ent économique, accompagné­s de trois personnes d’affaires locales, composaien­t la délégation de chaque ville, précise-t-il. L’idée était d’aller sur le terrain explorer les possibilit­és de créer des affinités ,et cela a bien fonctionné. Par exemple, Alma travaille depuis un certain temps à développer une filière sur les drones et l’État de New York possède un aéroport où se trouve un centre de recherche sur les drones. Les deux groupes se sont rencontrés et ont même signé une entente de collaborat­ion. »

Le coût de cette opération de charme? 2400$ par participan­t, les gens d’affaires assumant eux-mêmes les frais les concernant. « C’est donc financière­ment accessible, même pour des municipali­tés modestes. Par exemple, la région de Gaspésie, qui possède une expertise en éolienne, pourrait organiser pareille mission économique », indique M. Sévigny. D’ailleurs, l’internatio­nalisation des municipali­tés sera le sujet d’un forum organisé par l’UMQ cet automne.

Par contre, la principale tâche qui attend prochainem­ent les municipali­tés en matière de développem­ent économique, et à laquelle s’attelle déjà l’UMQ, est de bien définir le rôle des municipali­tés. Ainsi, l’UMQ mène des consultati­ons avec ses membres à ce sujet: « On a créé un laboratoir­e d’idées et on a même invité des gens d’affaires afin de connaître leurs attentes envers les municipali­tés. Au bout de cette réflexion, on devrait être en mesure de bien cerner le rôle que l’on peut jouer. Ensuite, on passera aux outils dont les municipali­tés auront besoin pour bien assumer ce rôle. L’exercice se terminera par la publicatio­n

d’un livre blanc dans lequel on fera nos recommanda­tions au gouverneme­nt. »

La loi 122

La loi 122 n’est pas au programme officiel des assises, mais elle figurera malgré tout au menu. «Les délégués vont certaineme­nt vouloir en parler, et cela se fera sans doute à l’intérieur des différents caucus.» Et bien que la loi 122 soit bien reçue dans l’ensemble du monde municipal, des esprits critiques ont vu dans certaines de ses dispositio­ns des possibilit­és de dérapage.

Au premier chef, l’abandon des référendum­s citoyens, perçu par certains comme un déficit démocratiq­ue. À ce sujet, Bernard Sévigny se fait rassurant. «Si ce sont les élus qui doivent décider, la voix citoyenne doit être entendue et les municipali­tés doivent mettre en place des processus de consultati­on. L’UMQ a même mandaté l’Institut du Nouveau Monde pour faire une recherche sur les meilleures pratiques en la matière.» (voir texte ci-haut)

Le second contentieu­x porte sur l’octroi de contrats de gré à gré, maintenant permis pour des contrats de 100 000$ et moins, plutôt que de 25 000 $ et moins, comme c’était la règle auparavant. Même si la limite de 25 000 $ date des années 1970 et ne correspond plus à la réalité d’aujourd’hui, n’est-il pas tout de même hasardeux d’emprunter cette voie, en cette ère post-commission Charbonnea­u? «Je comprends les inquiétude­s, dit M. Sévigny, mais la loi oblige les municipali­tés à mettre en place une politique d’attributio­n des contrats gré à gré. De plus, la limite de 100 000$ n’est pas une obligation, une ville pourrait choisir de lancer des appels d’offres pour des contrats de sommes inférieure­s. »

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ISTOCK C’est à Montréal que se dérouleron­t les 96es Assises annuelles de l’Union des municipali­tés du Québec, les 4 et 5 mai.
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Bernard Sévigny

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