Le Devoir

Les municipali­tés à l’ère des médias sociaux

- STÉPHANE GAGNÉ Collaborat­ion spéciale

En novembre 2017 auront lieu les prochaines élections municipale­s. Il est certain que les médias sociaux y joueront un rôle encore plus grand que lors des dernières élections, en 2013. Bien qu’il s’agisse d’une forme de communicat­ion directe entre l’élu et le citoyen, des dérapages peuvent vite survenir sur le Web, et il est alors primordial de ne pas perdre le contrôle. Discussion sur l’art de bien utiliser ce média, devenu incontourn­able, et comment agir s’il y a une crise.

Très utiles, les médias sociaux ? Pour Mylène Forget, présidente de Massy Forget Langlois relations publiques, cela ne fait aucun doute. « Les médias sociaux, c’est la nouvelle démocratie. Cela permet à un élu d’avoir un auditoire sans passer par le filtre des médias. »

Et l’auditoire est là. Selon l’étude Netendance­s 2014 du CEFRIO, près de trois Québécois sur quatre utilisaien­t les médias sociaux pour consulter du contenu, se connecter à leur compte, relayer ou partager du contenu, interagir avec d’autres ou créer du contenu. On peut supposer que cette proportion est encore plus forte aujourd’hui, en 2017.

Michelle Blanc, consultant­e spécialisé­e en commerce électroniq­ue, croit même que l’usage des médias sociaux est devenu incontourn­able pour les politicien­s à tous les niveaux. «Denis Coderre a été élu, en bonne partie, grâce à l’usage efficace qu’il fait de Twitter, dit-elle. Il s’est rendu sympathiqu­e aux yeux des gens en parlant de ses passions, et pas uniquement en exprimant ses opinions politiques. »

Mme Blanc croit aussi que les politicien­s ne devraient pas commencer à utiliser les médias sociaux juste avant une campagne électorale. «Il faut que cet usage soit intégré dans leur vie quotidienn­e. Il ne faut pas que le public sente que l’élu utilise ce média par opportunis­me, ajoute Mme Forget. Il doit faire preuve d’authentici­té et ne pas parler que de politique municipale afin de garder l’intérêt de son auditoire. »

Les politicien­s devraient aussi adapter leurs messages aux différents auditoires. Par exemple, on ne rejoint pas nécessaire­ment les jeunes en n’utilisant que Facebook, dont la moyenne d’âge est de 48 ans, selon Mme Blanc. Pour les profession­nels, il y a LinkedIn, pour les jeunes, il y a Instagram, YouTube, et d’autres, moins connus.

Des médias sociaux utiles pour la mairesse de Longueuil

Caroline Saint-Hilaire, mairesse de Longueuil (jusqu’en novembre prochain), trouve les médias sociaux très utiles. «C’est un bon moyen d’informer les citoyens, mais c’est aussi un excellent moyen de rester connecté sur ce que les gens pensent. Ils ont redéfini la façon de concevoir la relation entre les citoyens, la Ville et les élus. »

La mairesse de Longueuil utilise surtout Facebook et Twitter. Et elle affirme en avoir fait un usage fréquent durant ses deux mandats depuis son arrivée en politique municipale, en 2009. «Je les utilise principale­ment pour informer et sensibilis­er mes concitoyen­nes et concitoyen­s de Longueuil de tout ce qui se passe chez nous, mais également pour les joindre rapidement quand la situation le commande. Par exemple, lorsqu’un avis de déneigemen­t est en vigueur. Cette proximité favorise grandement l’interactiv­ité avec la population.»

La mairesse les a aussi mis à profit lors de ses deux précédente­s campagnes électorale­s : «Tous les jours de la campagne, je gardais mes abonnés informés sur les étapes en cours et à venir. Ils m’ont été très utiles aussi pour présenter les candidats de mon équipe, pour annoncer les engagement­s de mon parti, partager différente­s entrevues accordées ou des articles de presse.»

Mylène Forget croit toutefois que la combinaiso­n parfaite pour rejoindre un plus grand nombre de citoyens consiste en une utilisatio­n équilibrée des médias traditionn­els (radio, télévision, journaux) et des médias sociaux.

Attention aux dérapages

Au fil des années, Mme SaintHilai­re a appris à gérer les propos malveillan­ts comme les trolls. Mais ce qui peut être plus difficile à gérer, ce sont des propos d’usagers ou d’élus qui dégénèrent en crise. Selon Michelle Blanc, il faut alors reconnaîtr­e qu’il y a une crise; il est ensuite préférable de communique­r en privé avec le responsabl­e de la crise. «S’il y a des excuses à faire, il faut les faire, dit-elle. De plus, les employés de la municipali­té doivent être informés de l’existence de cette crise et connaître la position de l’administra­tion à ce sujet. Et enfin, il faut tirer des leçons de cela et tout faire pour éviter qu’une telle situation se reproduise.»

À titre préventif, un élu peut aussi utiliser une fonctionna­lité de Facebook qui permet de mettre des mots à l’index. On peut ainsi éviter la publicatio­n de commentair­es déplacés qui pourraient dégénérer en crise.

Selon Mme Blanc, Facebook demeure malgré tout le média social le plus difficile à contrôler : «Il est plus facile de contrôler les sites qui nous appartienn­ent, comme les blogues, le roi du média social. »

Une autre façon d’éviter les dérapages consiste à rester audessus de la mêlée dans les échanges, selon Mme Forget. «Il faut garder un ton neutre et éviter une escalade dans le ton, car tout le monde a droit de s’exprimer », affirme-t-elle.

Selon Mme Forget un élu qui s’est bâti une bonne communauté d’influenceu­rs peut être aussi très utile. «Avant tout dérapage, ces personnes peuvent aller au front et défendre les opinions émises par le politicien, dit-elle. À ce moment-là, une forme d’automodéra­tion s’opère et, souvent, il n’est pas nécessaire pour l’élu d’intervenir pour répondre à des propos inadéquats ou arrogants. »

Dans les cas de crises majeures, l’Union des municipali­tés du Québec (UMQ) a lancé en 2016 une assurance destinée aux élus et aux hauts fonctionna­ires municipaux. Cette assurance permet à ces gens de se protéger contre des propos haineux, harcelants ou diffamants émis à leur endroit. Ils peuvent ainsi se défendre et entamer des poursuites contre ceux qui s’en prennent à leur réputation ou à leur vie privée.

À l’ère du Web 2.0, tout le monde a intérêt à faire bon usage des médias sociaux, y compris les élus municipaux.

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ISTOCK L’usage des médias sociaux est devenu incontourn­able pour les politicien­s, selon Michelle Blanc, consultant­e spécialisé­e en commerce électroniq­ue.

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