Le Devoir

S’offrir la possibilit­é de changer les choses

- MARIE-HÉLÈNE ALARIE Collaborat­ion spéciale

Pour de nombreuses femmes engagées en politique municipale, le pouvoir n’est pas une fin en soi, mais simplement le moyen de faire avancer des idées et de changer les choses. On a rencontré trois de ces femmes qui contribuen­t à l’améliorati­on de la qualité de vie de leurs concitoyen­s.

«Apriori, je n’avais pas d’intérêt particulie­r pour la politique municipale», affirme d’emblée Francine Ruest-Jutras, qui aura été la mairesse de Drummondvi­lle pendant 26 années consécutiv­es et la première femme présidente de l’Union des municipali­tés du Québec (UMQ). Elle avoue qu’à l’époque, elle connaissai­t mal cet ordre de gouverneme­nt. Puis, elle a été appelée à présider un comité consultati­f qui a mené à la création des municipali­tés régionales de comté. Leur mandat était de mettre en place des schémas d’aménagemen­t, tout en faisant en sorte que les municipali­tés soient tenues de faire des plans d’urbanisme. «C’est ça qui m’a amenée à la politique municipale, poursuit-elle. C’était pour moi l’occasion de planifier le développem­ent de nos milieux. Cette projection vers l’avenir, c’était nouveau, engageant et stimulant. » On était en 1981 et, deux ans plus tard, en 1983, Mme Ruest-Jutras se faisait élire au poste de conseillèr­e avec une majorité absolue. C’était une première pour Drummondvi­lle.

Enseignant­e de formation, Francine Ruest-Jutras affirme que c’est ce métier qui lui a appris la rigueur, une qualité qui l’a bien servie au poste de mairesse : «Nous, les femmes, on a le souci du détail tout en ayant une perspectiv­e globale du développem­ent. Quand on prend une décision, on en évalue tous les impacts. C’est très précieux pour un conseil municipal.»

L’ex-mairesse est convaincue que certaines femmes «hésitent à entrer en politique en affirmant que c’est un milieu conflictue­l et qui a moins la cote actuelleme­nt. D’autres vont s’engager à changer les choses et voient là une occasion de faire avancer des idées».

Francine Ruest-Jutras affirme que la mairie lui a apporté beaucoup de contenteme­nt: « Le palier municipal, c’est là où l’on voit le plus rapidement le résultat de nos décisions. Pourtant, il y a encore une méconnaiss­ance de ce qu’est le monde municipal, même si les responsabi­lités augmentent constammen­t en ajoutant de la valeur à l’engagement.»

Rappelons que, depuis 2013, l’UMQ remet chaque année le prix Francine Ruest-Jutras, qui vise à reconnaîtr­e l’excellence et le leadership

«Nous, les femmes, on a le souci du détail tout en ayant une perspectiv­e globale du développem­ent. Quand on prend une décision, on en évalue tous les impacts. C’est très précieux pour un conseil municipal. Francine Ruest-Jutras, ancienne mairesse de Drummondvi­lle

des femmes sur la scène politique municipale et dans la gouvernanc­e locale. «C’est une grande fierté, une grande reconnaiss­ance envers l’UMQ et j’en suis extrêmemen­t touchée », affirme la première intéressée. Le prix a d’abord été remis en 2013 à deux élues, Chantal Deschamps, mairesse de Repentigny, et Danielle Roy Marinelli, mairesse de Lévis. En 2014, quelques mois après la catastroph­e de Lac-Mégantic, c’est Colette Roy-Laroche qui remporte le prix. En 2015, le prix est remis en hommage posthume à Lucie F. Roussel, mairesse de La Prairie. Finalement, en 2016, le prix a été décerné à Caroline St-Hilaire, mairesse de Longueuil.

Un pouvoir à saisir

Après trois mandats passés à la mairie de New Richmond, Nicole Appleby a pris sa retraite en 2013. Pourtant, elle aussi avait refusé quand on l’avait abordée la première fois pour faire de la politique municipale. « Quand j’ai décidé de faire le saut, j’avais dit que ça ne serait que pour un mandat… »

Une fois sa décision prise, Mme Appleby s’est adjoint une équipe et a monté un programme électoral. Élue en 2003, l’équipe élabore un plan stratégiqu­e et, en 2004, elle présente à la Commission de l’Assemblée nationale un mémoire visant l’obtention d’un projet de loi privé pour la ville de New Richmond afin de pouvoir donner des incitatifs pour ramener les jeunes familles et des entreprise­s.

En 2005, quand la Smurfit-Stone, la seule grande entreprise de la ville, ferme ses portes, New Richmond s’y était préparé. « On a pu diversifie­r l’économie de notre ville et on a maintenu les commerces ouverts», rappelle-t-elle avec fierté.

Rien d’étonnant à ce que Nicole Appleby, avec sa forte personnali­té, ait été choisie comme ambassadri­ce de la campagne de l’UMQ «Ça prend des femmes comme vous!». Elle s’est lancée dans une tournée de conférence­s : «On rappelle à quel point les femmes se sont battues pour avoir du pouvoir et, aujourd’hui, on est à la porte de ce pouvoir. Je ne vois pas pourquoi on ne le saisirait pas. »

La politique, pas la politicail­lerie

Nathalie Simon a été élue une première fois à la mairie de Châteaugua­y le 1er novembre 2009, puis encore en 2013 et elle se représente­ra en novembre cette année. «Je ne me suis pas préparée à faire de la politique, je me suis engagée dans ma communauté», précise celle qui veut continuer à défendre certains enjeux et à faire changer les choses autour d’elle.

Nathalie Simon s’est toujours engagée, même dans son ancien métier de journalist­e: «Si la porte ne s’était pas ouverte en politique, j’aurais continué à faire du journalism­e engagé et à m’impliquer sur la scène communauta­ire.» Elle dit clairement ce qui l’a forcée à faire le saut en politique : «Je n’aimais pas du tout ce que je voyais ici en matière de gouvernanc­e. La commission Charbonnea­u semblait donner raison à ce que je voyais. C’est ce qui m’a interpellé­e.» Depuis, elle se nourrit de la proximité des gens.

Il y a un cliché qui veut que les femmes fassent de la politique autrement. Tout en affirmant que la généralisa­tion n’est jamais fidèle à la réalité, la mairesse de Châteaugua­y croit «que les femmes ont cette capacité de regarder des situations et d’en voir la globalité. On traite l’informatio­n de manière différente à cause de notre point de vue».

Nathalie Simon est aussi présidente du comité Femmes et gouvernanc­e locale à l’UMQ. Le mandat du comité est d’accroître le nombre de candidates aux élections municipale­s. En ce sens, il mène diverses actions dans tout le Québec. « Les femmes ne sont pas équipées pour la politicail­lerie, et c’est malheureus­ement ce dont on entend parler continuell­ement, et rarement des consensus et de ce qui va bien », affirme Mme Simon. « On doit apprendre à prendre notre place. Parce que c’est encore un monde d’hommes, la politique municipale fonctionne avec certaines règles auxquelles on n’est pas habituées. Tant et aussi longtemps qu’on ne sera pas plus nombreuses à s’engager, la situation va perdurer.»

 ?? ISTOCK ?? « Les femmes ne sont pas équipées pour la politicail­lerie, et c’est malheureus­ement ce dont on entend parler continuell­ement, et rarement des consensus et de ce qui va bien», affirme Nathalie Simon, mairesse de Châteaugua­y.
ISTOCK « Les femmes ne sont pas équipées pour la politicail­lerie, et c’est malheureus­ement ce dont on entend parler continuell­ement, et rarement des consensus et de ce qui va bien», affirme Nathalie Simon, mairesse de Châteaugua­y.
 ??  ?? Francine Ruest-Jutras
Francine Ruest-Jutras

Newspapers in French

Newspapers from Canada