Le Devoir

Une glorieuse ascension vers la lumière

BERNARD LABADIE DIRIGE HAYDN, MOZART ET BEETHOVEN

- CHRISTOPHE HUSS

Haydn: L’Isola disabitata (ouverture). Beethoven: Triple Concerto pour violon, violoncell­e et piano, op. 56. Mozart: Symphonie n° 41, K. 551, « Jupiter ». Andrew Wan (violon), Brian Manker (violoncell­e), François-Frédéric Guy (piano), Orchestre symphoniqu­e de Montréal, Bernard Labadie. Maison symphoniqu­e de Montréal, samedi 29 avril 2017.

La présence de Bernard Labadie à la tête d’un OSM en formation réduite, dans un programme Haydn-Mozart-Beethoven, samedi et dimanche, n’était pas anachroniq­ue. Il est courant, depuis une vingtaine d’années, que les institutio­ns symphoniqu­es invitent des chefs reconnus pour leur expertise dans les styles baroque et classique.

L’idée, au départ, tenait majoritair­ement du marketing et aboutissai­t à quelque chose de quasiment absurde: à quoi servait de faire venir deux ou trois fois par an des musiciens baroques pour faire un travail stylistiqu­ement inverse à celui des directeurs musicaux? Heureuseme­nt, l’OSM n’a jamais donné dans cette errance.

Aujourd’hui, les chefs «traditionn­els» étant de plus en plus stylistiqu­ement informés (Kent Nagano en est un bon exemple), plutôt que de ramer à contre-courant, des chefs tels que Labadie, McGegan, Manze ou Suzuki viennent approfondi­r un travail de fond, et leur apport spécifique et légitime aux institutio­ns symphoniqu­es peut tout à fait être amené à se développer. C’est exactement dans cette configurat­ion qu’il faut inscrire le concert de cette fin de semaine, associant pour la première fois depuis (trop) longtemps l’OSM et Bernard Labadie.

Pour un concert de chef invité, le degré de finition (nuances, équilibres, travail sur les coups d’archet) avec lequel Labadie a su façonner — avec une présence physique impression­nante malgré sa position assise — une interpréta­tion de haut vol de la symphonie Jupiter de Mozart tenait du très grand art. On pense évidemment à la montée vers la lumière du finale, à la fin du 3e mouvement, au passage haletant dans le second volet, mais aussi à tous les dosages faisant passer les bois et dosant exactement les trompettes (admirable travail de tous les instrument­istes). Cette Jupiter, un régal sensoriel et intellectu­el, était parfaiteme­nt annoncée, après un éclair d’hésitation initiale, par l’ouverture L’Isola disabitata de Haydn, très riche en opposition­s de climats et de rythmes.

Quant au Triple concerto c’est un cadeau empoisonné pour tout chef invité, surtout lors qu’il met à contributi­on des solistes de l’orchestre. Certains auditeurs avaient sans doute en mémoire la prestation, ici, du Toronto Symphony en 2012 et de sa violoncell­iste Shauna Rolston, qui donnait très envie d’être ailleurs! Rien de tel avec Andrew Wan, impérial, et Brian Manker, magnifique­ment épaulés par François-Frédéric Guy. Dommage que, samedi, Maker ait connu un trou de mémoire au début du Finale, après avoir si bien réussi la transition entre le 2e et le 3e mouvement. Manker s’est désuni ensuite, mais son collègue Wan a réussi à le renvoyer dans l’arène. Bernard Labadie a accompagné le concerto en faisant de l’orchestre un vrai « tapis à solistes ».

Petit détail: j’aurais aimé pour ma part que le chef décale et dégage la timbale entre les trompettes et les contrebass­es. Par ailleurs, on notera que Labadie a dirigé un tel programme sans opposer sur scène les violons 1 et violons 2, ce qui laisse à penser qu’en dépit des qualités acoustique­s de la Maison symphoniqu­e, le rendu sonore selon l’emplacemen­t des instrument­s sur la scène nécessite de faire des compromis.

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