Le Devoir

Frank Zampino était un bon allié, dit Gérald Tremblay

Le contre-interrogat­oire de l’ex-maire au procès des six coaccusés se poursuit ce mardi

- JEANNE CORRIVEAU

Quand Gérald Tremblay s’est lancé en politique municipale en 2001, Frank Zampino bénéficiai­t d’une grande crédibilit­é, a relaté l’ex-maire de Montréal alors qu’il témoignait, lundi matin, au procès du Faubourg Contrecoeu­r. Sans l’appui de celui qu’il considérai­t comme un «bras droit exceptionn­el», Gérald Tremblay a indiqué qu’il n’aurait jamais brigué la mairie de Montréal.

Témoin de la Couronne, Gérald Tremblay s’est décrit comme étant «un avocat à la retraite » devant le juge Yvan Poulin. L’homme maintenant âgé de 74 ans fut maire de Montréal de 2002 à 2012. C’est lors de son deuxième mandat que le scandale du Faubourg Contrecoeu­r a éclaté.

En prévision des élections de novembre 2001, qui allaient coïncider avec les fusions municipale­s des villes de l’île de Montréal, le maire de Verdun de l’époque, Georges Bossé, avait demandé à Gérald Tremblay s’il souhaitait se lancer dans la course à la mairie de Montréal.

M. Bossé avait alors suggéré à M. Tremblay de rencontrer le maire de Saint-Léonard, Frank Zampino, qui avait de l’ascendant sur les maires de banlieue opposés aux fusions. M. Zampino était maire depuis 10 ans, il avait bonne réputation et bénéficiai­t d’une grande

crédibilit­é, a soutenu Gérald Tremblay.

«À cette époque, la Ville était techniquem­ent en faillite. La précédente administra­tion [de Pierre Bourque] vendait les actifs de la Ville à vil prix », a avancé Gérald Tremblay qui voyait en Frank Zampino un allié qui pourrait l’aider à redresser les finances de la Ville.

En campagne électorale, Gérald Tremblay n’a jamais entendu de commentair­es négatifs sur celui qui allait devenir son homme de confiance et président du comité exécutif. Son équipe a été élue en 2001.

C’est à Frank Zampino que Gérald Tremblay a confié le dossier du Faubourg Contrecoeu­r, un projet immobilier qui, selon la poursuite, a été entaché par des manoeuvres frauduleus­es.

La SHDM

Questionné par la Couronne, l’ex-maire Tremblay a expliqué qu’en 2002, il avait demandé à son directeur de cabinet, Martial Fillion, de quitter ses fonctions. Il avait remarqué que M. Fillion avait un problème de consommati­on d’alcool : «Il y avait incompatib­ilité.»

«Je n’ai jamais eu de plainte officielle concernant son comporteme­nt», a toutefois précisé M. Tremblay.

Martial Fillion a émis le souhait d’obtenir un poste dans la fonction municipale, évoquant la Société d’habitation et de développem­ent de Montréal (SHDM) et la Société de développem­ent de Montréal, deux sociétés paramunici­pales distinctes à l’époque. Gérald Tremblay a mentionné à Frank Zampino l’intérêt de Martial Fillion. Celui-ci fut finalement nommé directeur général de la SHDM. Cette décision relevait du conseil d’administra­tion de la SHDM et était entérinée par les élus, a plus tard précisé M. Tremblay.

Accusé dans le dossier du Faubourg Contrecoeu­r, Martial Fillion est décédé en 2013, avant le début du procès.

Peu de révélation­s

Le témoin a aussi été interrogé sur son parti, Union Montréal, et sur le rôle de l’ancien directeur du financemen­t de sa formation politique, Bernard Trépanier. Gérald Tremblay l’a relevé de ses fonctions lorsqu’il a appris que le collecteur de fonds avait réclamé un million de dollars à un promoteur immobilier pour un projet de développem­ent à la carrière Francon. L’exmaire a d’ailleurs souligné qu’à plusieurs occasions, il avait vu M. Trépanier attendre Frank Zampino près du bureau de celui-ci. Il trouvait « inacceptab­le » une telle promiscuit­é entre un collecteur de fonds et un président du comité exécutif.

Au sujet de l’entreprene­ur Paolo Catania, Gérald Tremblay a indiqué l’avoir croisé à des événements de financemen­t d’Union Montréal. Il a reconnu lui avoir déjà parlé, mais jamais au sujet de projets ou du Faubourg Contrecoeu­r, a-t-il dit.

Gérald Tremblay n’a pas fait de grandes révélation­s lors de l’interrogat­oire de la Couronne, qui n’a duré qu’une heure. À plusieurs reprises, il a montré un certain agacement à l’égard des questions qui lui étaient posées. Concernant le Faubourg Contrecoeu­r, il a insisté pour dire que le conseil municipal avait approuvé le projet à l’unanimité.

Le témoignage de Benoit Labonté

En contre-interrogat­oire, l’avocate de l’accusé Frank Zampino, Me Isabel Schurman, a questionné l’ancien maire sur la fusion de la Société de développem­ent de Montréal et de la SHDM. Cette décision permettait à la Ville de faire des économies, a expliqué l’ex-maire. La SHDM avait aussi été privatisée, une opération pour laquelle le contentieu­x de la Ville avait émis un avis défavorabl­e.

Rappelons qu’aucune accusation n’a été portée contre Gérald Tremblay. Six personnes, parmi lesquelles Frank Zampino et Paolo Catania, font face à des accusation­s criminelle­s relativeme­nt au projet immobilier du Faubourg Contrecoeu­r. Bernard Trépanier, aussi accusé dans cette affaire, doit subir un procès distinct.

Gérald Tremblay avait été blâmé par la commission Charbonnea­u pour ne pas avoir « exercé adéquateme­nt son rôle de contrôle et de surveillan­ce de l’administra­tion municipale, préférant s’en remettre au président du comité exécutif ».

Le contre-interrogat­oire de Gérald Tremblay se poursuivra mardi, mais auparavant, le tribunal entendra Benoit Labonté qui témoignera par vidéo depuis les Philippine­s, où il se trouve. Ancien membre du comité exécutif de Gérald Tremblay, Benoit Labonté avait quitté Union Montréal en 2007 pour devenir chef de l’opposition. Pendant la campagne électorale de 2009, il avait créé une onde de choc en révélant l’existence d’une ristourne de 3 % que devaient payer les entreprene­urs à Union Montréal pour chacun des contrats obtenus.

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ANNIK MH DE CARUFEL LE DEVOIR L’ancien maire de Montréal, Gérald Tremblay, s’est montré agacé par certaines questions qui lui étaient posées.

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