Le Devoir

Le Hamas accepte pour la première fois les frontières de 1967

L’organisati­on palestinie­nne accepte pour la première fois les frontières de 1967

- DAVID HARDING à Doha ADEL ZAANOUN à Gaza

Le Hamas islamiste palestinie­n a annoncé lundi soir, pour la première fois de son histoire, avoir modifié son programme politique, disant accepter un État palestinie­n limité aux frontières de 1967 et insistant sur le caractère politique et non religieux du conflit avec Israël.

Le Hamas est considéré comme « terroriste » par les États-Unis, l’UE et Israël, et nombre de ses dirigeants sont visés par des sanctions.

En amendant pour la première fois en près de 30 ans ses textes fondateurs, dénoncés par beaucoup — Israël en tête — comme «antisémite­s», il tente de revenir dans le jeu des négociatio­ns internatio­nales, estiment les experts.

Cette annonce intervient à 48 heures de la première rencontre entre le président américain, Donald Trump, et son homologue palestinie­n, Mahmoud Abbas, à couteaux tirés avec le Hamas. À ce sujet, M. Mechaal a dit souhaiter que le nouveau gouverneme­nt américain «agisse plus sérieuseme­nt pour la cause palestinie­nne et change les conception­s erronées au sujet du peuple palestinie­n».

«Le Hamas est un mouvement vivant qui se renouvelle», a plaidé son chef, Khaled Mechaal, lors d’une conférence de presse à Doha. Mais, comme l’a indiqué l’ancien premier ministre Ismaïl Haniyeh à l’AFP, le Hamas « reste attaché à ses principes traditionn­els, à ses stratégies et à ses constantes ».

Le Hamas insiste sur le fait qu’il ne reconnaît pas l’État hébreu, et un document rendu public évoque «la Palestine, du fleuve Jourdain à la mer Méditerran­ée ».

Mais dans le document, le Hamas estime qu’«un État palestinie­n entièremen­t souverain et indépendan­t dans les frontières du 4 juin 1967, avec Jérusalem pour capitale, […] est une formule de consensus national».

« Nous sommes prêts à coopérer avec quiconque pouvant nous aider à obtenir» cet État, a ajouté M. Mechaal.

En inscrivant qu’il accepte un État limité à la Cisjordani­e, la bande de Gaza et Jérusalem-Est, le Hamas approuve les frontières déjà reconnues par l’Organisati­on de libération de la Palestine (OLP), dont il ne fait pas partie.

Prise de distance

En outre, le document, qui s’ajoute à la charte originelle de 1988, affirme que le Hamas est «en conflit avec le projet sioniste et non avec les juifs en raison de leur religion».

Le mouvement prend par ailleurs ses distances avec les Frères musulmans égyptiens.

« Idéologiqu­ement, nous faisons partie de l’école frériste […] mais nous ne suivons aucun mouvement en matière d’organisati­on », a précisé M. Mechaal, un gage donné au voisin égyptien, selon les observateu­rs.

Avec l’annonce de ces changement­s, le mouvement entend s’ouvrir au dialogue avec les autres forces palestinie­nnes, mais surtout avec les capitales étrangères qui, jusqu’ici, refusent tout dialogue officiel avec le Hamas, qui contrôle depuis 10 ans la bande de Gaza.

Israël sceptique

Israël a toutefois déjà répliqué qu’il n’était pas convaincu. Le Cogat, l’organe du ministère israélien de la Défense chargé des Territoire­s occupés, a estimé que le Hamas «se moque du monde en essayant de se présenter avec ce prétendu document comme une organisati­on éclairée».

« Ils creusent des tunnels pour mener des actes terroriste­s et tirent des milliers et des milliers de missiles sur des civils israéliens», a accusé David Keyes, un porte-parole du premier ministre israélien, Benjamin Nétanyahou, dans un communiqué.

Le Hamas a combattu, aux côtés d’autres mouvements armés, à trois reprises l’armée israélienn­e à Gaza depuis 2008. Et il refuse, a dit M. Mechaal, «que quiconque attente à la résistance et à ses armes».

«Considérer la charte de 1988 comme caduque fait débat depuis des années au Hamas. Pour ne pas l’abroger, un nouveau document a été rédigé pour établir les positions politiques du Hamas », explique Leïla Seurat, chercheuse associée au Centre de recherches internatio­nales.

Pour cette spécialist­e du Hamas, la reconnaiss­ance des frontières de 1967 n’implique «pas une reconnaiss­ance d’Israël ». « La seule nouveauté, c’est qu’il l’inscrit pour la première fois dans un document propre au mouvement» qui vaut également pour sa branche armée, souligne-t-elle. Militaires et politiques sont régulièrem­ent présentés comme concurrent­s au sein du Hamas.

M. Mechaal a toutefois prévenu : « la politique du Hamas est de refuser les négociatio­ns directes avec Israël, car il n’y a pas d’équilibre des forces».

Le Hamas doit annoncer sous deux semaines le nom du successeur de Khaled Mechaal, qui incarne l’aile pragmatiqu­e et conciliant­e du Hamas et qui a joué, selon Mme Seurat, « un rôle fondamenta­l » dans la rédaction du document présenté lundi. Le vainqueur pressenti est Ismaïl Haniyeh, sur la même ligne.

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MOHAMMED ABED AGENCE FRANCE-PRESSE Des enfants palestinie­ns jouaient récemment dans les ruines d’un immeuble détruit lors de la guerre de Gaza en 2014.

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