Les infections nosocomiales reculent, mais de manière inégale
Un millier de patients sont néanmoins morts en 2015-2016 des suites d’une infection contractée à l’hôpital
Les infections nosocomiales comme le Clostridium difficile perdent du terrain au Québec. L’incidence de plusieurs de ces infections est à son plus bas niveau depuis 10 ans, mais certains hôpitaux peinent à les endiguer. Plus de 1000 personnes sont tout de même mortes à la suite d’une infection contractée à l’hôpital en 2015-2016.
Selon un rapport publié à la fin avril par l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) et les données rendues disponibles sur son site internet, le C. difficile a été à son plus bas niveau, en 20152016, depuis la crise survenue en 2004. Cette année-là, plus de 1000 personnes avaient été tuées par cette bactérie.
Près de 3000 patients qui ont contracté cette diarrhée virulente en 2015-2016, et 381 sont décédés dans les 30 jours suivant l’épisode. Une diminution « remarquable », note le rapport de l’INSPQ.
Les données pour 20162017, qui ne sont pas encore publiées, suivent la même tangente, indique le Dr Jasmin Villeneuve. «De façon générale, ça va bien, avec certains problèmes à certains endroits. C’est quand même très encourageant », constate le médecinconseil, qui coordonne les travaux en matière d’infections nosocomiales et de prévention des infections pour l’INSPQ.
De multiples raisons peuvent expliquer cette embellie. Période de grippe moins virulente, amélioration des pratiques de prévention, ouverture d’installations neuves avec des chambres individuelles… Le Dr Villeneuve note que la crise de 2004 a donné un véritable coup de fouet, dont on commence à récolter les fruits: «Des budgets ont été débloqués et le nombre d’infirmières en prévention des infections a augmenté.»
Le système de surveillance québécois, unique au monde, «permet de suivre les tendances et de réagir », ajoute-t-il.
Une plus grande importance a aussi été donnée aux équipes qui font l’entretien des hôpitaux. « Avant, c’est un poste qui n’était pas très bien considéré. On a reconnu que l’hygiène et la salubrité avaient un impact majeur, notamment sur le C. difficile .»
Une meilleure gestion des antibiotiques, «donner le bon, pour la durée optimale et seulement si nécessaire», commence à donner des résultats, croit aussi le Dr Villeneuve.
Hôpitaux: problématiques ou exemplaires
Cela va donc mieux, oui, mais pas partout. Neuf établissements présentaient toujours en 2015-2016 des taux plus élevés qu’ailleurs.
L’Hôpital Santa Cabrini détient le record à cet égard, avec 15,4 cas par 10 000 joursprésence.
Dans son rapport annuel, le CIUSSS de l’Est-de-l’Île, dont cet établissement fait partie, reconnaît avoir failli à la cible qu’il s’était fixée.
«Nous avons lancé un comité de travail […] pour établir un plan d’action et mettre en application les éléments déterminés afin de diminuer le taux », mentionne le rapport annuel, ajoutant que des audits de lavage des mains sont réalisés au moins deux fois par semaine. La responsable du dossier au CIUSSS n’était pas disponible pour une entrevue, lundi.
L’Hôpital Fleury a lui aussi un taux élevé de C. difficile pour 2015-2016, avec 15,2 cas par 10 000 jours-présence. Un plan d’action à cet égard a porté ses fruits, indique le responsable des communications du CIUSSS du Nord-de-l’Îlede-Montréal, Hugo Larouche, puisque ce taux est passé à 5,3 pour 2016-2017. «C’est une série de changements qui a fait une énorme différence», mentionne M. Larouche.
L’Hôpital de Saint-Georges a lui aussi réussi à fléchir son taux de 12,5 en 2015-2016 à 10,9 en 2016-2017, indique le CISSS de Chaudière-Appalaches, grâce à un plan d’action.
L’Hôpital du Lakeshore, où la prévalence est aussi supérieure à la moyenne, dit aussi agir, alors que sa clientèle
âgée le rend plus à risque concernant cette bactérie.
Intervenir «n’est pas toujours évident, constate le
Dr Villeneuve. Par exemple, si un patient qui se trouve dans une chambre multiple développe un C. difficile, on doit sortir les autres patients de la chambre. S’il y a beaucoup de pression pour vider l’urgence, comme on le voit ces temps-ci, il va y avoir de la pression pour utiliser ces lits vides. »
Efforts payants
L’éducation sur le lavage des mains, l’inter vention de base la plus efficace, est constamment à renouveler, soulève-t-il. Québec est en train de mettre au point un protocole universel de sur veillance.
Les efforts pour contrer le C. difficile sont payants, note le rapport de l’INSPQ: on estime les économies réalisées en 2015-2016 à 12 millions.
L’amélioration est particulièrement visible dans les grands centres universitaires.
Par exemple, l’Hôpital Royal Victoria du CUSM et le CHUM enregistrent une baisse de respectivement 47% et 40% du nombre de cas depuis 20112012. D’autres plus petits établissements, comme les hôpitaux d’Amqui et de Rimouski, dans le Bas-Saint-Laurent, ont enregistré des améliorations remarquables.
Les autres infections
Bien d’autres infections menacent les patients lors d’un séjour hospitalier. L’INSPQ en surveille étroitement sept, qui ensemble ont fait 1118 morts en 2015-2016, selon les chiffres rendus disponibles sur le site Web de l’INSPQ.
L’incidence des bactériémies nosocomiales panhospitalières est aussi importante que celle du C. difficile, avec 3173 cas et 564 décès. Les bactéries incluses dans cette catégorie sont multiples, incluant le Staphylococcus aureus et les Pseudomonas. La situation s’améliore aussi sur ce front depuis 2011-2012.
Les bactéries résistantes aux antibiotiques font aussi l’objet d’une surveillance étroite. Le nombre de cas nosocomiaux de Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline (SARM) fléchit, mais il y a tout de même eu 23 décès.