Le Devoir

Agropur appelle au calme

Il ne faut pas paniquer malgré l’agressivit­é du président Trump envers les producteur­s canadiens, dit Robert Coallier

- JULIEN ARSENAULT

Malgré le ton abrasif récemment adopté par le gouverneme­nt Trump à l’égard des producteur­s laitiers canadiens au moment où l’on s’apprête à renégocier l’Accord de libreéchan­ge nord-américain (ALENA), il est encore «prématuré» d’anticiper «toutes sortes de scénarios », croit le chef de la direction d’Agropur, Robert Coallier.

«Je pense qu’il faut laisser les choses aller. Nos gouverneme­nts, autant celui du Québec que du Canada, appuient [le système] de la gestion de l’offre. Il y a beaucoup de choses qui ont été dites. Il ne faut pas anticiper à outrance», a-t-il dit en marge d’une allocution devant le Cercle canadien de Montréal, lundi.

Ardent défenseur du système régissant les production­s de lait, d’oeufs et de volailles au Canada, M. Coallier a rappelé qu’au quotidien, les déclaratio­ns faites sur la place publique par les politicien­s ne changeaien­t rien à la stratégie de gestion de la coopérativ­e établie à Longueuil.

«Les négociatio­ns relèvent des gouverneme­nts,a expliqué celui qui dirige Agropur depuis 2012. Nous n’avons pas un rôle actif à jouer, à moins que l’on nous appelle pour nous demander quelque chose. Pour nous, le quotidien ne change pas.»

Par contre, alors que les États-Unis viennent d’imposer des droits compensate­urs sur les exportatio­ns canadienne­s de bois d’oeuvre et qu’on s’apprête à renégocier l’ALENA, la gestion de l’offre ne doit pas servir de «monnaie d’échange», a affirmé M. Coallier dans son discours.

Celle-ci a déjà fait les frais de l’accord de libre-échange avec l’Union européenne (UE) ainsi que du Partenaria­t transpacif­ique — dont l’avenir semble nébuleux en raison de l’acte de retrait signé par Donald Trump peu après son arrivée à la Maison-Blanche —, ce qu’a déjà déploré Agropur dans le passé.

Décisions hâtives

De l’avis du dirigeant de la plus grande coopérativ­e laitière au pays, un changement du contexte réglementa­ire au pays entraînera­it un «déséquilib­re profond» en plus de «mettre à risque » l’industrie laitière canadienne.

«Il serait triste de ne pas tenir compte de l’expérience acquise ailleurs dans le monde et de prendre des décisions lourdes de conséquenc­es pour notre industrie», a lancé M. Coallier.

À son avis, les nombreuses conclusion­s de l’étude commandée par Agropur en 2015 au cabinet américain Boston Consulting Group sont toujours d’actualité.

Le document, qui évalue notamment les effets de la déréglemen­tation de l’industrie laitière dans pays ou régions comme l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni ainsi que l’Union européenne, indique que, bien souvent, la baisse des prix à la ferme ne s’est pas reflétée sur le prix des articles vendus dans les supermarch­és.

De plus, selon l’étude, l’abolition intégrale du système canadien de la gestion de l’offre menacerait 4500 à 6000 fermes et pourrait faire disparaîtr­e jusqu’à 24 000 emplois directs au Canada.

«C’est 40% de la production canadienne [de lait] qui serait à risque, a fait valoir M. Coallier. Une grande proportion de beurre, de fromage et de yogourt serait importée des États-Unis, de la Nouvelle-Zélande ou de l’Union européenne.»

Sans interpelle­r directemen­t les deux ordres de gouverneme­nt, M. Coallier s’est demandé si le Canada était prêt à « remettre en question » un «modèle unique» ayant permis aux producteur­s d’obtenir un «revenu juste», une « stabilité d’approvisio­nnement » aux transforma­teurs ainsi qu’un «prix transparen­t» aux consommate­urs.

Un changement du contexte réglementa­ire au pays entraînera­it un « déséquilib­re profond »

Je pense qu’il faut laisser les choses aller. Nos gouverneme­nts, autant celui du Québec que du Canada, appuient [le système] de la gestion de l’offre Robert Coallier, le chef de la direction d’Agropur

Newspapers in French

Newspapers from Canada