L’armée appelée en renfort
Déjà submergé, le sud du Québec pourrait recevoir encore 60 mm de pluie
L’ armée canadienne a été appelée en renfort vendredi pour venir en aide aux résidents des municipalités touchées par les inondations alors que le gouvernement du Québec s’attend à voir la situation se détériorer avec les précipitations attendues cette fin de semaine.
Aux prises avec une situation «historique», du jamais vu depuis les 55 dernières années, le gouvernement Couillard a décidé de demander l’aide des militaires, qui commenceront à prêter main-forte aux sinistrés dès ce samedi.
«La situation va s’aggraver au cours des prochains jours et perdurer […] Je pense que des ressources additionnelles sont tout à fait appropriées», a expliqué vendredi le ministre de la Sécurité publique, Martin Coiteux, lors d’un point de presse.
Il a indiqué que son homologue fédéral, Ralph Goodale, avait répondu favorablement à l’appel de Québec. Les militaires intégreront « progressivement » les cinq centres de coordination répartis à travers la province. On ignore toutefois pour le moment le nombre de militaires qui seront déployés.
Selon les dernières prévisions d’Environnement Canada, la situation des crues printanières, qui touchaient vendredi 132 municipalités, risque de se s’aggraver avec les précipitations prévues jusqu’à dimanche matin. Certaines régions pourraient recevoir jusqu’à 60 mm de pluie.
« Il ne faut pas avoir peur des mots. Les prochains jours vont être les plus difficiles en matière de débit. Les précipitations à venir, jumelées à la fonte des neiges qui se poursuit, constituent une tempête parfaite»,
«Il y a déjà assez d’eau que je me dis que ça ne sert à rien de verser des larmes»
a expliqué le ministre de l’Environnement, David Heurtel.
L’aide des militaires permettra, selon le gouvernement, de s’assurer que citoyens et autorités municipales ont l’appui nécessaire pour passer à travers cette épreuve. Certaines régions sont frappées par les inondations depuis la mi-avril.
« [Les prochains jours vont] tester notre résilience, mais on est capables», a déclaré M. Coiteux.
Les municipalités de l’Outaouais demeurent en haut de la liste des villes les plus touchées par les crues printanières.
Évacuation
Un des principaux défis que doivent surmonter plusieurs municipalités est de convaincre les citoyens d’évacuer leur résidence.
Dans l’ouest de Montréal, une vingtaine de résidents de l’île Mercier restaient à leur domicile, même si le seul pont pour s’y rendre était fermé à la circulation. Certains accédaient à leur domicile en canot.
Claude Larocque est toujours au sec, mais dans les derniers jours il a vu plusieurs de ses voisins en larmes.
«Le gouvernement réagit au lieu de prévenir. Ça fait deux jours qu’on sait que ça s’en vient et il manque de poches de sable», lance M. Larocque, qui habite depuis 1989 sur cette île située dans la rivière des Prairies entre L’Île-Bizard et Sainte-Geneviève.
Juste en face, ses voisins Jean Ross et Francine Yielle n’ont quant à eux pas eu d’autre choix que de s’avouer vaincus.
«Il n’y avait plus rien à faire. L’eau était à quelques pouces de toucher l’électricité dans le sous-sol », explique Mme Yielle.
À l’aide d’un canot, le couple tentait de « sauver » les provisions qu’ils conservaient dans leurs deux congélateurs.
«On va au moins essayer de récupérer nos steaks », a dit M. Ross avec un sourire. Même s’ils sont épuisés, les sinistrés tentent de garder le moral.
À leur arrivée vendredi, plusieurs des poches de sable qu’ils avaient installées avant leur évacuation avaient disparu. Ils ne sont pas les seuls: plusieurs résidents ont vu leurs poches disparaître pendant leur absence, et ce, malgré le fait qu’ils restent sur l’île.
« Il y a déjà assez d’eau que je me dis que ça ne sert à rien de verser des larmes», a fait valoir Mme Ross.
Le premier ministre Philippe Couillard a écourté son passage en Gaspésie pour se rendre sur le terrain, samedi. Le lieu où il prévoit se rendre n’a pas encore été précisé.
M. Couillard a demandé aux citoyens d’écouter les indications des autorités si elles exigent des évacuations.
« Si on vous demande de quitter votre domicile, je sais que c’est difficile, et beaucoup vont hésiter. Mais je vous demande incidemment de bien considérer les recommandations des autorités », a-t-il soutenu.
Le directeur des opérations de la Sécurité publique, Éric Houde, a pour sa part indiqué que la Sûreté du Québec avait recensé 1546 résidences touchées et que l’on avait procédé à l’évacuation de 165 propriétés.
«On veut s’assurer que ces personnes sont prises en charge », a-t-il dit.
Les régions plus à l’est, où le couvert de neige demeure important, commencent à vivre la même situation que le sud et l’ouest de la province alors que la fonte se combine aux pluies pour compliquer la vie des riverains.
La surveillance demeure intense dans les régions de Montréal, de l’Outaouais, des Laurentides, de Lanaudière, de la Montérégie et de la Mauricie, où la situation s’est détériorée dans les derniers jours avec des débordements, entre autres, du fleuve Saint-Laurent, du lac SaintLouis, des rivières des Outaouais, des Mille Îles, des Prairies et Saint-Maurice, pour ne nommer que celles-là.
Plusieurs rivières de moindre importance de même que quelques lacs ont aussi causé des problèmes multiples dans toutes ces régions.
Dans la région de l’Outaouais, la journée de samedi sera particulièrement difficile. On attend jusqu’à 40 mm de pluie à la suite d’averses intermittentes.
La grande région de Montréal devrait avoir droit à une pause durant la journée de samedi, mais de faibles averses pourraient reprendre durant la nuit de samedi à dimanche.
En Estrie et en Mauricie, les accumulations devraient atteindre jusqu’à 15 mm dimanche.