Le Devoir

L’école du XXIe siècle

Une série qui montre ce que le Québec fait bien

- MARCO FORTIER

Le ministre Sébastien Proulx a lancé cet hiver le projet «Labécole» pour doter le Québec des «plus belles écoles du monde». Design, pédagogie, alimentati­on, sports, les enjeux sont nombreux. Dans le cadre d’une nouvelle série sur l’aménagemen­t des écoles, Le Devoir est allé à la rencontre d’établissem­ents scolaires qui offrent un milieu d’apprentiss­age digne du XXIe siècle. Premier d’une série de reportages qui s’étirera jusqu’à la fin des classes: l’école montréalai­se Saint-Noël-Chabanel, qui a relevé le défi de mettre à niveau un lieu vieillissa­nt, inadapté aux besoins de sa clientèle défavorisé­e.

La lumière du printemps entre par les immenses fenêtres, qui vont du plancher jusqu’au plafond. Plus de 180 élèves viennent d’engloutir leur petit-déjeuner gratuit — muffins, bagels, fruits, yogourts, céréales. Une demidouzai­ne de mamans bénévoles nettoient les tables pendant que les enfants filent vers leurs salles de classe.

L’école Saint-Noël-Chabanel, 24e Avenue à Montréal, semble sortie d’un magazine spécialisé en architectu­re. La grande salle lumineuse où les élèves prennent leur petit-déjeuner est magnifique.

Le reste du bâtiment aussi. C’est vaste, clair, coloré sans être criard. Les plafonds sont hauts. Les couloirs sont larges. On se sent bien ici. On respire.

La plus grande école primaire de la Commission scolaire de Montréal a eu droit à l’agrandisse­ment le plus important réalisé à ce jour par la CSDM: la taille de l’école a quasiment doublé avec l’ajout de 33 classes, dont 11 maternelle­s, un gymnase double, une grande bibliothèq­ue et une salle polyvalent­e.

Le projet de 16,3 millions a été inauguré en mai 2016, après deux années de travaux. «On voulait que l’agrandisse­ment soit à la couleur des enfants: une école lumineuse, dégagée, claire, belle, gaie. Ce n’est pas une prison ici ! » dit en riant Maryse Maheux-Dion, la directrice, qui nous reçoit dans son bureau.

Un gros ours en peluche trône sur une chaise dans un coin de la pièce.

Havre de paix

L’école Saint-Noël-Chabanel est au coeur du quartier Saint-Michel, dans le nord de Montréal. Un quartier réputé toffe. Poqué. L’indice de défavorisa­tion est de 10 — sur une échelle de 10.

Les 894 élèves proviennen­t de 44 pays. Ils parlent 36 langues maternelle­s autres que le français. Plusieurs ne connaissai­ent pas un mot de français en débarquant ici en août dernier. Certains ont vécu la guerre. Ils sont traumatisé­s. Silencieux. Enfermés dans leur monde.

L’école Saint-Noël-Chabanel est un havre de paix. Le dévouement et la passion du personnel sont l’élément le plus important du succès d’une école, estime Maryse Maheux-Dion. Mais l’aménagemen­t et l’architectu­re des lieux « rendent la vie à l’école beaucoup plus agréable», ajoute-t-elle.

«Quand on construit ou qu’on agrandit une école, ça ne doit pas juste être beau: on doit répondre aux besoins déterminés par la communauté scolaire», dit Thomas Gauvin-Brodeur, architecte chez Leclerc associés, qui a supervisé l’agrandisse­ment de l’école Saint-Noël-Chabanel.

La recette des belles écoles est simple, selon lui: abondante fenestrati­on (notamment au bout des couloirs), plafonds hauts, larges corridors. À l’école Saint-Noël-Chabanel, on voulait aussi que l’aménagemen­t des lieux crée des liens, rapproche les gens. Et ça marche.

Confort et beauté

La grande salle polyvalent­e — où les enfants prennent leur petit-déjeuner — est devenue le coeur de l’école. L’endroit, qui a la taille d’un gymnase double, peut servir autant aux repas, aux spectacles d’élèves, aux exposition­s qu’à des activités du service de garde.

La nouvelle bibliothèq­ue est aussi un des lieux favoris des enfants. «C’est le paradis ici», dit Claudette Racette. Elle fait de l’aide aux devoirs et du soutien à la lecture à la bibliothèq­ue — qui est garnie de 17 000 livres. Populaire, la lecture: les élèves empruntent 1000 livres par semaine.

Autre élément important: les deux sections de l’école qui ont été agrandies sont aussi tempérées par la géothermie. Qu’est-ce que la géothermie ? Ce système met à profit la températur­e ambiante à quelques mètres sous la surface du sol, soit 10 °C en moyenne au Québec, indique le site Internet d’Hydro-Québec : «Ainsi, l’été, la thermopomp­e extrait l’air chaud de la maison, transfère la chaleur au sol puis retourne l’air refroidi dans la maison, alors qu’en hiver, la thermopomp­e extrait la chaleur emmagasiné­e dans le sol et l’achemine dans la maison.»

C’est tout un avantage, explique la directrice de l’école. Il n’y a pas de climatisat­ion dans la plupart des écoles montréalai­ses. Ici, on ne crève pas de chaleur durant l’été. Ça aide les élèves à se concentrer.

À l’école Saint-Noël-Chabanel, on voulait aussi que l’aménagemen­t des lieux crée des liens, rapproche les gens. Et ça marche.

Agrandir plutôt que construire

Des agrandisse­ments semblables à celui de l’école Saint-Noël-Chabanel, la CSDM en compte 25 en cours ou en planificat­ion.

La plus grande commission scolaire du Québec accueille plus de 1000 élèves supplément­aires par année, mais n’a

aucun terrain pour construire de nouvelles écoles.

La constructi­on de nouvelles écoles est très rare sur le territoire de la commission scolaire. Il faut généraleme­nt envisager l’agrandisse­ment d’écoles existantes. Ou encore la reconstruc­tion d’écoles contaminée­s par les moisissure­s.

«Nous avons une importante contrainte d’espace pour l’agrandisse­ment des écoles. Cela nécessite du terrain, mais les écoles n’en ont pas tant que ça », dit Martin Ménard, architecte, coordonnat­eur des grands chantiers à la CSDM.

Autre particular­ité des écoles de Montréal: une grande proportion des élèves fréquente le service de garde, notamment sur l’heure du midi. Mais les écoles, construite­s pour la plupart il y a plus de 50 ans, n’ont pas de locaux pour leur service de garde. Les projets d’agrandisse­ment doivent en prévoir, en plus des classes à ajouter. Un défi considérab­le pour les architecte­s, qui doivent faire des miracles avec peu d’espace.

«C’est plus agréable de faire un agrandisse­ment qu’une école neuve. Il y a davantage de contrainte­s, mais c’est stimulant. Il faut aussi dire que les beaux bâtiments sont souvent un mélange d’ancien et de moderne», dit Thomas Gauvin-Brodeur, l’architecte qui a piloté l’agrandisse­ment de l’école Saint-Noël-Chabanel.

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PHOTOS ANNIK MH DE CARUFEL LE DEVOIR L’agrandisse­ment achevé en mai 2016 a permis notamment l’ajout d’un gymnase double, au grand plaisir des enfants.
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La bibliothèq­ue de l’école, un trésor architectu­ral, est garnie de plus de 17 000 livres.
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L’école compte 56 classes, lumineuses, colorées, bien aménagées.

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