Le Devoir

Une communauté d’esprit Macron-Trudeau

Une présidence macronienn­e pourrait signaler un approfondi­ssement des liens avec le Canada

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Comme à Québec, les sympathies macronienn­es frôlent l’évidence à Ottawa. «C’est sûr que, moi, je cherche toujours des politiques qui rassemblen­t les gens, c’est ce sur quoi j’ai fait campagne il y a un an et demi, a déclaré cette semaine le premier ministre Justin Trudeau. Je cherche toujours des gens qui peuvent rassembler plutôt que diviser. »

La communauté d’esprit entre le leader libéral canadien et le candidat d’En marche! est bien réelle, souligne Jocelyn Coulon, conseiller politique principal de Stéphane Dion lorsque celui-ci était ministre des Affaires étrangères. «Avec Macron, Trudeau verrait arriver au pouvoir un homme qui lui ressemble sur le plan des valeurs, des orientatio­ns des politiques étrangères et économique­s, dit-il.

« La collaborat­ion entre les deux pays pourrait même s’approfondi­r compte tenu des orientatio­ns “isolationn­istes” des États-Unis et de la Grande-Bretagne. Nous pourrions notamment travailler mieux entre nous en Afrique, sur le maintien de la paix, sur l’aide au développem­ent, sur la présence diplomatiq­ue. »

Sur le plan commercial, le candidat de 39 ans s’est toujours dit favorable à l’accord de libre-échange entre l’Europe et le Canada (AECG), qui est prêt à entrer en vigueur, mais qui n’a pas encore été ratifié par la France.

Nouvelle ombre au tableau: il a annoncé cette semaine qu’une fois élu, il confierait à un comité d’experts la charge d’étudier les conséquenc­es de cet accord pour la France, appelant ainsi du pied les nombreux électeurs qui en sont critiques, de l’extrême gauche à l’extrême droite.

Macron a néanmoins jugé que l’accord « améliorait tout un tas de choses » et a affirmé qu’il utiliserai­t les conclusion­s du comité d’experts pour «faire modifier ce texte», et non pour le faire tomber.

La «crise» Le Pen

L’enjeu est tout autre avec Marine Le Pen, qui a qualifié cet accord de «scélérat» et martelé son opposition au libre-échange. Une présidence Le Pen entraînera­it une « crise » pour l’AECG, estime Stéphane Paquin, professeur de science politique à l’ENAP. «Mme Le Pen pourrait décider de dénoncer l’accord et de ne pas accepter les aspects du traité qui touchent aux compétence­s de la France. »

Dans l’ensemble, «la relation entre Trudeau et Le Pen serait très difficile compte tenu de la nature même du FN et des idées qu’ils entretienn­ent de part et d’autre, indique Jocelyn Coulon. En plus de l’économie de marché et du libreéchan­ge, les deux sont à des années-lumière sur des sujets comme la Russie, l’immigratio­n et la diversité».

Puis, comme le Canada partage du renseignem­ent avec la France, la coopératio­n deviendrai­t très difficile en la matière étant donné les orientatio­ns prorusses et antiaméric­aines de Le Pen, précise M. Coulon.

En diplomatie, la collaborat­ion pourrait aussi être des plus ardues. L’ancien conseiller de Stéphane Dion a notamment raconté au magazine L’actualité qu’une de ses propositio­ns avait eu une fin de non-recevoir auprès des collègues du ministère des Affaires étrangères, qui brandissai­ent la possibilit­é d’une présidence du Front national.

M. Coulon proposait d’ouvrir de nouvelles ambassades en Afrique en partageant les installati­ons de la France. «Que ferions-nous si Marine Le Pen était élue présidente ? lui a-t-on répondu. Non, on ne peut pas aller dans cette direction. Pas avant de connaître le résultat des élections. »

Le candidat de 39 ans s’est toujours dit favorable à l’accord de libre-échange Europe-Canada, qui est prêt à entrer en vigueur, mais qui n’a pas encore été ratifié par la France

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