Le Devoir

La démocratie au bout des doigts

AnimaCité veut rapprocher les villes de leurs citoyens

- KARL RETTINO-PARAZELLI

Le Québec regorge d’entreprene­urs passionnés qui tentent de mettre à profit une idée ou un concept novateur. Chaque semaine, Le Devoir vous emmène à la rencontre de gens visionnair­es, dont les ambitions pourraient transforme­r votre quotidien. Aujourd’hui, de jeunes entreprene­urs qui ont traversé l’Atlantique pour donner un nouveau sens au pouvoir citoyen.

Comme tous ses compatriot­es, Nessim Bisbis a bien hâte de savoir qui sortira vainqueur de l’élection présidenti­elle française qui connaîtra son dénouement dimanche. Mais il ne pense pas que c’est à l’Élysée que son avenir se jouera au cours des prochaines années.

«Je pense qu’à l’avenir, les vrais enjeux seront locaux et régionaux, plus que nationaux», dit le jeune homme dans la mi-vingtaine.

Nessim l’avoue sans rougir : il n’a jamais été très engagé politiquem­ent. «À 23 ans, je n’avais jamais donné mon avis à ma ville, j’avais voté une fois parce que mon père m’y avait obligé. » Et c’est en se demandant ce qui expliquait son inaction qu’il est devenu l’un des cofondateu­rs d’AnimaCité, une entreprise qui encourage les citoyens à faire entendre leur voix.

Éclosion au Québec

La compagnie naît il y a quelques années sur les bancs d’école de l’Hexagone, comme un projet étudiant. Avec deux collègues français, Nessim imagine une applicatio­n mobile qui permettrai­t aux villes d’entrer en contact avec leurs citoyens, et aux citoyens d’exprimer leurs préférence­s sans trop d’efforts.

À l’été 2015, les trois entreprene­urs se retrouvent à Québec pour présenter leur idée dans le cadre d’un concours organisé par le réseau d’écoles de commerce Télécom. Ils remportent l’un des deux prix offerts et tombent amoureux de la province.

Après un passage par Le Camp, un incubateur d’entreprise­s technologi­ques de la Vieille Capitale, le trio fait non seulement le pari que son entreprise connaîtra du succès, mais également qu’elle intéresser­a des villes de chaque côté de l’Atlantique.

Interpelle­r le citoyen

En septembre dernier, Feucheroll­es, petite commune française de quelque 3000 âmes, est devenue la première ville à lancer sa plateforme citoyenne grâce à AnimaCité. La municipali­té de Plessisvil­le, près de Victoriavi­lle, a fait de même en mars, et l’entreprise est actuelleme­nt en discussion avec d’autres villes québécoise­s.

L’applicatio­n d’AnimaCité permet aux municipali­tés qui s’abonnent sur une base annuelle d’effectuer des sondages, de publier des avis publics, d’annoncer des événements ou encore de mettre en valeur des entreprise­s locales. Les citoyens peuvent donner leur point de vue, mais aussi signaler un nid-de-poule à

réparer, une ruelle à nettoyer ou un lampadaire à remplacer, en envoyant une photo.

«On s’est rendu compte que dans toutes les villes, que ce soit en France ou au Canada, il y a très peu d’interactio­n avec la population, souligne Nessim. Notre but, c’est d’élargir la base de citoyens sur laquelle les villes peuvent s’appuyer pour prendre des décisions. »

« Souvent, ce qui décourage un citoyen de s’impliquer, c’est d’avoir l’impression que son avis n’est pas pris en compte, ajoute-t-il. C’est ce qu’on veut changer. »

Approche personnali­sée

AnimaCité n’est pas la seule à courtiser les villes qui veulent se faire une place sur l’écran d’accueil du téléphone mobile de leurs citoyens. L’applicatio­n Voilà! — utilisée entre autres par Granby, SaintBruno-de-Montarvill­e et Cowansvill­e — et la plateforme B-CITI — lancée à Brossard et à Sherbrooke — offrent des fonctionna­lités semblables, mais Nessim croit que la sienne se distingue par son caractère personnali­sé.

«On a une architectu­re qui est commune à toutes les villes, mais on veut permettre à chaque ville de sélectionn­er des fonctionna­lités qui lui sont propres pour que leurs citoyens se reconnaiss­ent dans l’applicatio­n, dit-il. Lorsque les citoyens télécharge­nt l’applicatio­n, ils ne télécharge­nt pas l’applicatio­n d’une entreprise, ils télécharge­nt l’applicatio­n de leur ville. C’est ce qui nous rend uniques au Québec.»

Fraîchemen­t diplômés, les fondateurs de la jeune entreprise veulent convaincre d’autres villes québécoise­s et françaises de leur faire confiance, mais ils ne veulent pas en rester là. «Une des prochaines

«Souvent, ce qui décourage un citoyen de s’impliquer, c’est d’avoir l’impression que son avis n’est pas pris en compte Nessim Bisbis

étapes, c’est de traduire l’applicatio­n et d’attaquer le Canada anglais, glisse Nessim. On a choisi de se mettre à 100% sur le projet. C’est un choix de vie pour les deux années qui viennent. On va tout donner pour essayer de percer.»

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PEDRO RUIZ LE DEVOIR C’est en se demandant ce qui expliquait son inaction politique que Nassin Bisbis est devenu l’un des cofondateu­rs d’AnimaCité.
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