La démocratie au bout des doigts
AnimaCité veut rapprocher les villes de leurs citoyens
Le Québec regorge d’entrepreneurs passionnés qui tentent de mettre à profit une idée ou un concept novateur. Chaque semaine, Le Devoir vous emmène à la rencontre de gens visionnaires, dont les ambitions pourraient transformer votre quotidien. Aujourd’hui, de jeunes entrepreneurs qui ont traversé l’Atlantique pour donner un nouveau sens au pouvoir citoyen.
Comme tous ses compatriotes, Nessim Bisbis a bien hâte de savoir qui sortira vainqueur de l’élection présidentielle française qui connaîtra son dénouement dimanche. Mais il ne pense pas que c’est à l’Élysée que son avenir se jouera au cours des prochaines années.
«Je pense qu’à l’avenir, les vrais enjeux seront locaux et régionaux, plus que nationaux», dit le jeune homme dans la mi-vingtaine.
Nessim l’avoue sans rougir : il n’a jamais été très engagé politiquement. «À 23 ans, je n’avais jamais donné mon avis à ma ville, j’avais voté une fois parce que mon père m’y avait obligé. » Et c’est en se demandant ce qui expliquait son inaction qu’il est devenu l’un des cofondateurs d’AnimaCité, une entreprise qui encourage les citoyens à faire entendre leur voix.
Éclosion au Québec
La compagnie naît il y a quelques années sur les bancs d’école de l’Hexagone, comme un projet étudiant. Avec deux collègues français, Nessim imagine une application mobile qui permettrait aux villes d’entrer en contact avec leurs citoyens, et aux citoyens d’exprimer leurs préférences sans trop d’efforts.
À l’été 2015, les trois entrepreneurs se retrouvent à Québec pour présenter leur idée dans le cadre d’un concours organisé par le réseau d’écoles de commerce Télécom. Ils remportent l’un des deux prix offerts et tombent amoureux de la province.
Après un passage par Le Camp, un incubateur d’entreprises technologiques de la Vieille Capitale, le trio fait non seulement le pari que son entreprise connaîtra du succès, mais également qu’elle intéressera des villes de chaque côté de l’Atlantique.
Interpeller le citoyen
En septembre dernier, Feucherolles, petite commune française de quelque 3000 âmes, est devenue la première ville à lancer sa plateforme citoyenne grâce à AnimaCité. La municipalité de Plessisville, près de Victoriaville, a fait de même en mars, et l’entreprise est actuellement en discussion avec d’autres villes québécoises.
L’application d’AnimaCité permet aux municipalités qui s’abonnent sur une base annuelle d’effectuer des sondages, de publier des avis publics, d’annoncer des événements ou encore de mettre en valeur des entreprises locales. Les citoyens peuvent donner leur point de vue, mais aussi signaler un nid-de-poule à
réparer, une ruelle à nettoyer ou un lampadaire à remplacer, en envoyant une photo.
«On s’est rendu compte que dans toutes les villes, que ce soit en France ou au Canada, il y a très peu d’interaction avec la population, souligne Nessim. Notre but, c’est d’élargir la base de citoyens sur laquelle les villes peuvent s’appuyer pour prendre des décisions. »
« Souvent, ce qui décourage un citoyen de s’impliquer, c’est d’avoir l’impression que son avis n’est pas pris en compte, ajoute-t-il. C’est ce qu’on veut changer. »
Approche personnalisée
AnimaCité n’est pas la seule à courtiser les villes qui veulent se faire une place sur l’écran d’accueil du téléphone mobile de leurs citoyens. L’application Voilà! — utilisée entre autres par Granby, SaintBruno-de-Montarville et Cowansville — et la plateforme B-CITI — lancée à Brossard et à Sherbrooke — offrent des fonctionnalités semblables, mais Nessim croit que la sienne se distingue par son caractère personnalisé.
«On a une architecture qui est commune à toutes les villes, mais on veut permettre à chaque ville de sélectionner des fonctionnalités qui lui sont propres pour que leurs citoyens se reconnaissent dans l’application, dit-il. Lorsque les citoyens téléchargent l’application, ils ne téléchargent pas l’application d’une entreprise, ils téléchargent l’application de leur ville. C’est ce qui nous rend uniques au Québec.»
Fraîchement diplômés, les fondateurs de la jeune entreprise veulent convaincre d’autres villes québécoises et françaises de leur faire confiance, mais ils ne veulent pas en rester là. «Une des prochaines
«Souvent, ce qui décourage un citoyen de s’impliquer, c’est d’avoir l’impression que son avis n’est pas pris en compte Nessim Bisbis
étapes, c’est de traduire l’application et d’attaquer le Canada anglais, glisse Nessim. On a choisi de se mettre à 100% sur le projet. C’est un choix de vie pour les deux années qui viennent. On va tout donner pour essayer de percer.»