Le Devoir

Hausse des taux hypothécai­res en vue

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Longtemps pronostiqu­ée mais jamais réalisée, la hausse généralisé­e des taux hypothécai­res est une nouvelle fois sur le radar. On l’a dit «inévitable» à partir de 2017. Au Mouvement Desjardins, les économiste­s invitent les emprunteur­s à se préparer à une hausse d’environ 200 points de base du loyer d’une hypothèque à moyen terme. Le réveil de l’inflation pourrait cependant brouiller les cartes.

La Réserve fédérale américaine a déjà imposé le rythme avec ses taux directeurs. Une première hausse de 25 points en décembre a été suivie d’une autre en mars et d’une troisième, attendue le mois prochain, exerçant une pression sur les taux hypothécai­res variables. À plus longue échéance, le changement de ton de la Fed et les attentes d’une accélérati­on de l’activité économique aux États-Unis sous-tendent le scénario d’une remontée généralisé­e du loyer de l’argent au cours des prochaines années. Dans son commentair­e émis cette semaine, Mathieu D’Anjou, économiste principal chez Desjardins, revient à ces conditions ayant expliqué la faiblesse persistant­e des taux — l’absence d’inflation et la persistanc­e de capacités excédentai­res de production — qui ne prévalent plus.

Près du plein potentiel

Du moins, cela vaut particuliè­rement pour les États-Unis, où l’économie s’approche de son plein potentiel et du pleinemplo­i. Il existe plus de jeu au Canada, ce qui permet aux conjonctur­istes d’affirmer que la Banque du Canada n’emboîtera le pas à la Fed avant le printemps 2018. « Tout indique que la croissance mondiale sera plus vigoureuse en 2017 et en 2018 que l’an dernier, et ce, même si le gouverneme­nt américain n’allait pas de l’avant avec d’importante­s stimulatio­ns fiscales. Dans ce contexte, la Fed devrait continuer à resserrer graduellem­ent sa politique monétaire et d’autres banques centrales, dont celle du Canada, devraient commencer à l’imiter l’an prochain. Un tel scénario laisse entrevoir une remontée graduelle des taux obligatair­es nord-américains », a souligné l’économiste de Desjardins.

La hausse du loyer de l’hypothèque est donc dans les cartes. D’autant plus que, au Canada, la nouvelle réglementa­tion fédérale invitant les institutio­ns prêteuses à conserver plus de liquidités ou encore ce souhait d’Ottawa d’obtenir un meilleur partage des risques entre la Société canadienne d’hypothèque­s et de logement et le secteur privé en cas de défaut de paiement ajoutent à la structure de coûts.

Longue expansion

Reste l’ampleur et la durée. Mathieu D’Anjou pense à ce cycle d’expansion de l’économie américaine amorcé en 2009, qui se fait plutôt long d’un point de vue historique, dit-il. Ainsi, une fin de cycle haussier vers la mi-2019 pourrait se traduire par une remontée de 75 points des taux hypothécai­res variables et de quelque 100 points du taux d’une hypothèque fermée à échéance de cinq ans d’ici le début de 2019. Donc rien de notoire, selon ce scénario dominant.

Mais en supposant un prolongeme­nt du cycle, l’emprunteur devrait se préparer à une progressio­n d’environ 200 points du taux de cinq ans à moyen terme.

L’inflation, cette inconnue

Autre grande inconnue: l’inflation, que l’on dit évoluer « en mode réveil» à l’échelle mondiale. Certains observateu­rs pointent également le programme de stimulatio­n économique et d’allégement du fardeau fiscal des entreprise­s que chérit le président Trump. Ils tentent encore d’en mesurer l’impact dans un contexte où l’économie américaine évolue déjà à son plein potentiel et que, le cas échéant, la Fed serait contrainte d’appuyer plus fort sur les freins.

Mathieu D’Anjou retient plutôt que, aux États-Unis, la remontée des taux directeurs et une poussée du protection­nisme pourraient être les déclencheu­rs du ralentisse­ment économique. « Plusieurs banques centrales estiment ainsi que le taux neutre, soit le taux qui permet à l’inflation de demeurer au niveau ciblé lorsque l’économie est à l’équilibre, est aujourd’hui significat­ivement plus bas qu’avant la crise de 2008. La Banque du Canada estime ainsi que le taux neutre nominal canadien est passé de 5% à environ 3%», ajoute-t-il.

Finalement, l’économiste de Desjardins préfère faire confiance à la capacité de la Banque du Canada de rester sensible à la situation actuelle de l’endettemen­t des ménages. Il rappelle que l’un des principaux objectifs du resserreme­nt monétaire en cours aux États‐ Unis est d’éviter de se retrouver dans une situation où un relèvement brusque et rapide des taux deviendrai­t nécessaire.

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GÉRARD BÉRUBÉ

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