L’école, terreau des citoyens de demain
Hélène Angel et Sara Forestier racontent la petite école à hauteur d’enfants
Avant d’être actrice, la Française Sara Forestier est une nature. Elle doit vivre ses rôles de l’intérieur pour pouvoir les camper. En étoile des cités de L’esquive d’Abdellatif Kechiche, qui lui avait valu le César du meilleur espoir féminin en 2005, elle s’était inscrite au fer rouge dans l’imaginaire cinéphile. Depuis, la France Gall de Gainsbourg, une vie héroïque, la brûlante Suzanne de Katell Quillévéré, la séductrice du Nom des gens de Michel Leclerc, coiffée du César de la meilleure actrice en 2011, a tenu ses promesses et bien au-delà.
Elle qui a joué souvent les mères adolescentes démunies se fait enseignante engagée jusqu’au tréfonds de son être dans le film Primaire d’Hélène Angel. Au milieu de sa classe multiethnique criante de vérité, son personnage prend un de ses élèves sous son aile, au risque de s’y brûler. Ce film exceptionnel prend l’affiche chez nous vendredi prochain.
«Le portrait principal est celui d’une femme qui a une réflexion sur son travail, des problèmes dans sa vie privée, qui se bat et se débat à travers ses contradictions, explique Hélène Angel. Sara Forestier cherche la vérité tout le temps. Avant qu’on ne me mette sur sa piste, je n’étais pas satisfaite. Les autres interprètes envisagés me renvoyaient une image trop lisse. Sara plonge avec son énergie, à la fois puissante et fragile, comme le personnage, liée à l’idéalisme, proche de l’enfance.»
Sara Forestier s’est sentie interpellée par le sujet. «L’école a été très importante dans ma vie, explique l’actrice. J’étais première de ma classe, avec une soif d’apprendre. J’avais vécu des choses terribles, mais l’école m’a aidée à construire une estime de moi. »
Entre L’esquive et Primaire, l’interprète est passée d’élève à enseignante, après bien des rôles de femmes-enfants. «J’incarnais toujours de mauvaises mères, résume-t-elle. Cette fois, mon personnage est plus constructif et donne sans attendre en retour. C’est la forme d’amour la plus pure.» Elle a aimé jouer dans Primaire. «Les enfants ne trichent pas. C’est mieux qu’avec des adultes. »
L’énergie de l’émotion
Un jour, le fils d’Hélène Angel lui a demandé : « Pourquoi ne fais-tu pas un film que je peux voir?» Tous ses films portaient sur l’enfance, mais se destinaient aux adultes. Peau d’homme, coeur de bête et Rencontre avec le dragon s’offraient une portée dramatique ou initiatique. Cette fois, pour se placer à hauteur d’enfant, elle a passé deux ans dans le milieu scolaire, afin de s’y familiariser. Puis elle a mis en scène des enfants devenus acteurs, dont Hannah Brunt, une jeune autiste. C’est Yves Angelo, cinéaste et grand directeur photo, qui a assuré la direction de l’image, avec des plans de deux ou trois personnages en général.
« On a recréé une classe avec des dialogues écrits, mais en conservant aux enfants une spontanéité, explique-t-elle. On avait deux caméras, l’une fixe, l’autre sur rails, et la deuxième n’était pas nécessairement sur l’enfant qui se croyait filmé. Parfois, on filmait les répétitions sans le dire. L’émotion, c’est l’énergie. L’important est d’instaurer le climat propice, puis de capter la vie.»
Liberté, égalité, fraternité
«Dans le coeur des Français, l’école est un symbole très fort de la république, poursuit la cinéaste. Elle est fille et mère de la société. Quand on réalise un film dans ce milieu-là, le point de départ est émotionnel. Or l’école est malade. On dit que le niveau a baissé. Ça dérange tout le monde. »
La cinéaste ne revendique pas pour Primaire de lien direct de parenté avec Entre les murs, le film sur l’école de Laurent Cantet, palmé d’or en 2008 à Cannes. «Il affichait une volonté d’universaliser l’enseignement et l’apprentissage dans un quartier difficile. Je désirais plutôt montrer à quel point c’est un métier difficile de toute façon. L’enseignant de l’école primaire, on lui confie nos petits enfants pour apprendre à lire et à écrire, mais aussi pour devenir les citoyens de demain. C’est un lieu de socialisation, de construction.»
« Même si l’école est déficiente, on a de la chance en France, estime de son côté Sara Forestier. Sous la devise “Liberté, égalité, fraternité”, il y a une volonté forte d’égalité. On essaie de mélanger les enfants, sans discrimination. En même temps, l’école c’est le pire et le meilleur, les cruautés, les exclusions. Une partie de l’enseignement passe par l’exemplarité. La façon dont la dame que j’incarne parle le français, sa manière d’être donnent envie de faire comme elle. Le transfert des notions civiques passe par sa façon de se comporter.»
Ces entrevues ont été effectuées à Paris, à l’invitation des Rendez-vous d’Unifrance.
«L’école a été très importante dans ma vie. J’étais première de ma classe, avec une soif d’apprendre. J’avais vécu des choses terribles, mais l’école m’a aidée à construire une estime de moi. L’actrice Sara Forestier