Lilja Sigurdardottir, plume forte trempée dans l’encre noire de l’Islande
Lilja Sigurdardottir se révèle une autre grande plume islandaise
Complètement isolée en plein Atlantique Nord, l’Islande est par définition un pays à part. C’est ainsi que la petite île volcanique de 330 000 habitants — dont plus des deux tiers vivent à Reykjavik, la capitale — est une sorte de paradis de la littérature. En ces terres glacées qui ont vu naître les Eddas et les sagas au XIIe siècle, on dit depuis longtemps que la moitié des Islandais lit ce qu’écrit l’autre moitié. Cela explique, entre autres, qu’on ait pris là-bas l’habitude d’offrir un livre comme cadeau de fin d’année.
Tout cela pour dire que la littérature islandaise est plus florissante que jamais et surtout qu’un autre auteur majeur vient de faire une percée dans le monde francophone: Lilja Sigurdardottir.
Voici donc le premier livre d’une trilogie qu’on nous annonce sombre. Il met en scène une femme toute simple, Sonja Gunnarsdottir. Rapidement, on apprend qu’elle vit séparée de l’être le plus important au monde: son jeune fils Tomas. Du même coup, on comprend aussi que son profil de jeune femme d’affaires n’est en fait qu’une couverture lui permettant de passer régulièrement à Londres ou à Copenhague et de rapporter des quantités impressionnantes de cocaïne dans ses bagages. Sonja est une passeuse. Une mule.
Mais c’est un rôle qu’elle n’a surtout pas choisi de jouer, comme en témoigne le titre du roman. Au contraire, Sonja est la victime d’une machination dont on ne saisira l’ampleur qu’à la toute fin de ce premier tome de Reykjavik noir. Ce que l’on peut dire sans révéler l’essentiel, c’est que la vengeance tout comme la discrimination sexuelle sont au coeur de cette histoire. Car oui, Sonja Gunnarsdottir est lesbienne.
On l’apprend assez vite d’ailleurs. Tout comme l’on constate à quel point cette révélation s’incarne de façon toute simple dans le récit. Sonja vit fort bien sa condition, sans heurt, sans tension, harmonieusement — ce qui n’est pas le cas de son amoureuse Agla, un peu plus coincée dans ses stéréotypes. Sonja serait même fort bien dans sa peau… n’était le piège dans lequel elle est enfermée. Elle pensera d’ailleurs trouver le moyen d’y échapper avant qu’on lui fasse payer très cher ses illusions. Sauf qu’à la toute fin, l’arrivée d’un bien improbable allié lui permet d’espérer s’en sortir enfin…
Ce drame intime nous est raconté en de courts chapitres dans une écriture remarquablement efficace et sans fioriture: Lilja Sigurdardottir va à l’essentiel, toujours. Avec des phrases simples, des mots justes et une pertinence absolue dans la façon d’exprimer les sentiments de ses personnages, Sonja en tête. Il faut souligner enfin à quel point la traduction de Jean-Christophe Salaün rend bien toute cette finesse.