Il était un froid
Qu’arriverait-il si, demain matin, stupéfait de s’éveiller sans que le réveil hurle, on se tournait vers lui pour s’étonner qu’aucun chiffre ne brille sur son écran? Si, en actionnant l’interrupteur, la lumière ne fonctionnait pas ? Ce n’est qu’une petite panne, se dirait-on. Et si ladite « petite panne » perdurait des jours, des semaines, des mois entiers ?
C’est ce que s’est amusé à imaginer Christian Guay-Poliquin dans Le poids de la neige, avec comme contraintes supplémentaires un protagoniste aux jambes cassées dans un accident de voiture, la promiscuité avec un vieil étranger, un petit village coupé du monde extérieur et un hiver particulièrement généreux.
C’est d’ailleurs avec la quantité de neige au sol pour seul repère qu’est narrée cette histoire où le temps devient flou et le printemps se fait attendre. Au fil des pages, l’auteur offre au lecteur l’occasion de réfléchir à l’entraide et à la rivalité, mais il le happe aussi dans cet univers aux allures postapocalyptiques.
L’origine de la panne peut bien demeurer inconnue, l’attention du lecteur sera de toute façon entièrement consacrée à se mettre à la place des personnages, à se demander s’il aurait agi différemment ou même s’il aurait eu la résilience de s’accrocher si longtemps.
Les récits catastrophiques ont ceci de particulier qu’ils font rêver comme aucun autre d’héroïsme, de débrouillardise et de courage. Christian GuayPoliquin le sait et, de sa plume habile aux descriptions justes et belles, il laisse deviner la tension qui règne au sein d’un village affamé où l’hiver sans fin sème la zizanie. Inspirant et captivant, Le poids de la neige remet en scène le narrateur anonyme que l’on a connu dans Le fil des kilomètres, dans une histoire qui se déroule cette fois presque entièrement dans la même pièce exiguë, en compagnie de Matthias (un vieil homme tenace, mais au corps et à la patience usés), et où une simple excursion en raquettes prend l’ampleur d’une épopée d’Homère.
Conflits inévitables, réconciliations forcées, imprévus fâcheux et découvertes pleines d’espoir attendent le lecteur au détour de chapitres que l’on dévore avec appétit et curiosité.