Le Devoir

Derrière les rideaux

- DÉREK BÉGIN Cégep de l’Abitibi Témiscamin­gue

Deviner les drames ordinaires qui se cachent derrière les façades de maisons uniformes, c’est ce que Tessa s’applique à faire depuis qu’elle s’est convertie en agente immobilièr­e après des études abandonnée­s en chant classique. Elle a 37 ans, trois enfants avec Jim mais, malgré tout, un vide l’habite, comme une plaie qui ne guérit pas.

Dans le cadre de son travail, Tessa fait la rencontre d’un ancien amant, et dès lors le désir la ranime. Dans trois jours, ils ont rendez-vous. Dans Les maisons de Fanny Britt, le lecteur la suit dans l’anticipati­on de ce jour maudit, de ce moment où elle reverra Francis, entretenan­t ce fantasme de tout laisser derrière pour se «noyer avec lui dans les draps».

Dans l’attente, elle revit ses souvenirs grâce à des chapitres alternant entre le passé et le présent. Évoquant la mort de son frère, sa rupture avec Francis, le soutien de sa meilleure amie et le temps qui défile, qui fait ses ravages, Tessa nage à travers les jours, sa douleur sur le dos.

Les maisons est un roman sensible, où l’on entre dans l’intimité d’une femme, par le biais de ses questionne­ments existentie­ls. La narration à la première personne permet une réelle immersion dans la vie intérieure de Tessa, offrant un portrait tout en nuances de l’anxiété et de ses combats quotidiens, ces expérience­s qui la construise­nt.

Le jugement impitoyabl­e que la protagonis­te porte sur elle-même dans ce roman nous rappelle nos failles, remet en question nos habitudes : «Pourquoi ces larmes que tu dissimules en les écrasant sur le drap et en gémissant plus fort ton plaisir si ce n’est parce que tout te pousse vers vendredi, vers cet autre homme, celui avec qui tu n’en as pas fini, et Jim souffrira de ça. […] Jim souffrira de ça, et je vais le faire quand même.»

Fanny Britt aborde ainsi le banal et le rend grandiose par sa douce poésie. C’est une lecture qui fait du bien, qui ébranle par moments, portée par un souffle d’humanité, une empathie pour les drames du quotidien qui se trament de l’intérieur.

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