Érudit : une plateforme numérique indispensable
En 1998, des chercheurs de l’Université de Montréal créaient le projet Érudit. Au fil des années, Érudit est devenu la plateforme de recherche francophone la plus importante en Amérique du Nord. Elle assure la diffusion numérique de plus de 170 revues savantes et culturelles. Et grâce à une subvention d’une durée de trois ans du Fonds canadien de l’Innovation (FCI), elle pourra se développer encore davantage et devenir un immense réservoir de recherche pour chercheurs.
La petite histoire d’Érudit
Érudit a été créée pour assurer le passage de l’édition scientifique vers le numérique. En 1999, Érudit commence la numérisation des premières collections rétrospectives avec les fonds des revues Métas et Sociologie et sociétés. Une année plus tard, en 2000, on créait le Groupe interuniversitaire pour l’édition numérique (GIEN), qui sera chargé de piloter le développement d’Érudit. Ce groupe est mis en place à la suite de la demande de la communauté universitaire canadienne pour une structure offrant des services d’édition numérique.
De 2000 à 2004, Érudit poursuit sa croissance, si bien qu’en 2004, la plateforme devient le Consortium Érudit, regroupant l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal.
Par l’entremise d’Érudit, l’usager peut notamment consulter des milliers de thèses et de mémoires provenant d’étudiants de l’Université McGill, de l’Université Laval, de l’Université de Montréal, de l’Institut national de recherche scientifique (INRS) et de l’École nationale d’administration publique. En 2013, la zone Thèses d’Érudit a été enrichie par l’ajout de 55 000 thèses et mémoires provenant de quatre composantes du réseau de l’Université du Québec (UQAM, UQAT, UQTR et UQAC). L’UQAR s’y est ajoutée par la suite.
En 2017, la quantité de documents pouvant être consultée par l’intermédiaire d’Érudit est impressionnante. La plateforme offre un accès centralisé à plus de 200 000 documents francophones et bilingues dans 35 disciplines scientifiques (ex.: études urbaines, mathématiques, sciences de la santé, géographie, philosophie, droit).
Une plateforme mondiale
La plateforme est aujourd’hui d’envergure internationale. En 2014, plus 21 millions de documents sont consultés dans plus de 200 pays dans le monde. «Cela représente 70% du total de nos consultations, dit Henry Gwendal, chargé de communication pour Érudit. La quasi-totalité de nos documents [95 %] est disponible en libre accès. Étant donné que l’abonnement traditionnel ne fonctionne plus, l’un des objectifs d’Érudit est d’assurer la viabilité financière des revues savantes et culturelles. » Érudit y contribue à sa façon, puisque les trois quarts des revenus d’abonnement de la plateforme sont reversés aux revues, leur garantissant ainsi une source de financement indépendante. Mais il faudra assurément plus que les revenus d’Érudit. « En développant un moyen de financement qui reste à définir, nous souhaitons assurer l’indépendance des revues afin d’éviter qu’elles se fassent acheter par de grands éditeurs américains», dit M. Gwendal.
Poursuivre le développement d’Érudit
Les fonds alloués par le FCI permettront à Érudit de poursuivre son développement, d’améliorer la plateforme, d’accroître son contenu et d’en faciliter la consultation. «Cela se fera notamment en transformant les documents en format XML, de lecture plus facile», dit M. Larivière, directeur scientifique d’Érudit et titulaire de la Chaire sur la transformation de la communication savante de l’Université de Montréal.
Érudit comme objet de recherche
L’autre volet important d’Érudit est l’analyse de la masse de données (connu aussi le nom de Big Data) contenues dans la plateforme. Grâce à la subvention du FCI, Érudit est devenu un objet de recherche. Car cette production massive de données sous forme numérique ouvre la voie à de multiples possibilités. Vincent Larivière est enthousiasmé par les nouveaux champs de recherche que permettront d’explorer les fonds fournis par le FCI (les recherches réalisées ou qui seront réalisées grâce à l’existence d’Érudit sont toutefois financées par d’autres sources).
Ces recherches engagent 25 chercheurs de cinq universités au pays: l’Université de Montréal, l’Université Simon Fraser à Vancouver, l’Ontario University Institute of Technology, University of Victoria et l’UQAM.
Analyse des rubriques nécrologiques
L’un des projets de recherche originaux concerne l’analyse des rubriques nécrologiques de chercheurs qui sont disséminées dans plusieurs revues scientifiques (ex.: Nature, JAMA). « Nous comptons aller chercher ces rubriques jusqu’au début du XXe siècle au niveau international, dit Vincent Larivière. Ce dernier explique qu’au début du siècle, environ jusqu’aux années 1980, les rubriques étaient rédigées en tenant davantage compte de la contribution qualitative d’un chercheur. Depuis une trentaine d’années, les rubriques mettent plus en évidence la quantité de recherches qu’un chercheur a publiées au cours de son existence. « Cela ne donne pas une information très intéressante sur la contribution de ce chercheur à l’avancement de la science, note M. Larivière. Grâce aux outils de traitement automatique qu’offre Érudit, nous pourrons analyser le contenu de milliers de ces rubriques et tracer un portrait global de chacun des chercheurs. Sans la plateforme Érudit, il serait beaucoup trop long et fastidieux de faire ce travail.»
Un autre projet consistera à recenser, par l’entremise d’Érudit, quels sont les auteurs les plus importants en sciences humaines et sociales. «On pourra ainsi documenter l’évolution des cadres théoriques au fil des années [marxisme, fonctionnalisme, etc.] », dit M. Larivière.
L’heure de la reconnaissance
Au fil des années, tous les développements qu’a connus Érudit lui ont procuré une grande notoriété. C’est ainsi qu’en juin prochain, les responsables de la plateforme recevront, à Chicago, le prix «Collaboration exceptionnelle» 2017 (Oustanding Collaboration) décerné par l’American Library Association. Cette reconnaissance n’est peut-être qu’un début…