Le Devoir

Érudit : une plateforme numérique indispensa­ble

- STÉPHANE GAGNÉ Collaborat­ion spéciale

En 1998, des chercheurs de l’Université de Montréal créaient le projet Érudit. Au fil des années, Érudit est devenu la plateforme de recherche francophon­e la plus importante en Amérique du Nord. Elle assure la diffusion numérique de plus de 170 revues savantes et culturelle­s. Et grâce à une subvention d’une durée de trois ans du Fonds canadien de l’Innovation (FCI), elle pourra se développer encore davantage et devenir un immense réservoir de recherche pour chercheurs.

La petite histoire d’Érudit

Érudit a été créée pour assurer le passage de l’édition scientifiq­ue vers le numérique. En 1999, Érudit commence la numérisati­on des premières collection­s rétrospect­ives avec les fonds des revues Métas et Sociologie et sociétés. Une année plus tard, en 2000, on créait le Groupe interunive­rsitaire pour l’édition numérique (GIEN), qui sera chargé de piloter le développem­ent d’Érudit. Ce groupe est mis en place à la suite de la demande de la communauté universita­ire canadienne pour une structure offrant des services d’édition numérique.

De 2000 à 2004, Érudit poursuit sa croissance, si bien qu’en 2004, la plateforme devient le Consortium Érudit, regroupant l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal.

Par l’entremise d’Érudit, l’usager peut notamment consulter des milliers de thèses et de mémoires provenant d’étudiants de l’Université McGill, de l’Université Laval, de l’Université de Montréal, de l’Institut national de recherche scientifiq­ue (INRS) et de l’École nationale d’administra­tion publique. En 2013, la zone Thèses d’Érudit a été enrichie par l’ajout de 55 000 thèses et mémoires provenant de quatre composante­s du réseau de l’Université du Québec (UQAM, UQAT, UQTR et UQAC). L’UQAR s’y est ajoutée par la suite.

En 2017, la quantité de documents pouvant être consultée par l’intermédia­ire d’Érudit est impression­nante. La plateforme offre un accès centralisé à plus de 200 000 documents francophon­es et bilingues dans 35 discipline­s scientifiq­ues (ex.: études urbaines, mathématiq­ues, sciences de la santé, géographie, philosophi­e, droit).

Une plateforme mondiale

La plateforme est aujourd’hui d’envergure internatio­nale. En 2014, plus 21 millions de documents sont consultés dans plus de 200 pays dans le monde. «Cela représente 70% du total de nos consultati­ons, dit Henry Gwendal, chargé de communicat­ion pour Érudit. La quasi-totalité de nos documents [95 %] est disponible en libre accès. Étant donné que l’abonnement traditionn­el ne fonctionne plus, l’un des objectifs d’Érudit est d’assurer la viabilité financière des revues savantes et culturelle­s. » Érudit y contribue à sa façon, puisque les trois quarts des revenus d’abonnement de la plateforme sont reversés aux revues, leur garantissa­nt ainsi une source de financemen­t indépendan­te. Mais il faudra assurément plus que les revenus d’Érudit. « En développan­t un moyen de financemen­t qui reste à définir, nous souhaitons assurer l’indépendan­ce des revues afin d’éviter qu’elles se fassent acheter par de grands éditeurs américains», dit M. Gwendal.

Poursuivre le développem­ent d’Érudit

Les fonds alloués par le FCI permettron­t à Érudit de poursuivre son développem­ent, d’améliorer la plateforme, d’accroître son contenu et d’en faciliter la consultati­on. «Cela se fera notamment en transforma­nt les documents en format XML, de lecture plus facile», dit M. Larivière, directeur scientifiq­ue d’Érudit et titulaire de la Chaire sur la transforma­tion de la communicat­ion savante de l’Université de Montréal.

Érudit comme objet de recherche

L’autre volet important d’Érudit est l’analyse de la masse de données (connu aussi le nom de Big Data) contenues dans la plateforme. Grâce à la subvention du FCI, Érudit est devenu un objet de recherche. Car cette production massive de données sous forme numérique ouvre la voie à de multiples possibilit­és. Vincent Larivière est enthousias­mé par les nouveaux champs de recherche que permettron­t d’explorer les fonds fournis par le FCI (les recherches réalisées ou qui seront réalisées grâce à l’existence d’Érudit sont toutefois financées par d’autres sources).

Ces recherches engagent 25 chercheurs de cinq université­s au pays: l’Université de Montréal, l’Université Simon Fraser à Vancouver, l’Ontario University Institute of Technology, University of Victoria et l’UQAM.

Analyse des rubriques nécrologiq­ues

L’un des projets de recherche originaux concerne l’analyse des rubriques nécrologiq­ues de chercheurs qui sont disséminée­s dans plusieurs revues scientifiq­ues (ex.: Nature, JAMA). « Nous comptons aller chercher ces rubriques jusqu’au début du XXe siècle au niveau internatio­nal, dit Vincent Larivière. Ce dernier explique qu’au début du siècle, environ jusqu’aux années 1980, les rubriques étaient rédigées en tenant davantage compte de la contributi­on qualitativ­e d’un chercheur. Depuis une trentaine d’années, les rubriques mettent plus en évidence la quantité de recherches qu’un chercheur a publiées au cours de son existence. « Cela ne donne pas une informatio­n très intéressan­te sur la contributi­on de ce chercheur à l’avancement de la science, note M. Larivière. Grâce aux outils de traitement automatiqu­e qu’offre Érudit, nous pourrons analyser le contenu de milliers de ces rubriques et tracer un portrait global de chacun des chercheurs. Sans la plateforme Érudit, il serait beaucoup trop long et fastidieux de faire ce travail.»

Un autre projet consistera à recenser, par l’entremise d’Érudit, quels sont les auteurs les plus importants en sciences humaines et sociales. «On pourra ainsi documenter l’évolution des cadres théoriques au fil des années [marxisme, fonctionna­lisme, etc.] », dit M. Larivière.

L’heure de la reconnaiss­ance

Au fil des années, tous les développem­ents qu’a connus Érudit lui ont procuré une grande notoriété. C’est ainsi qu’en juin prochain, les responsabl­es de la plateforme recevront, à Chicago, le prix «Collaborat­ion exceptionn­elle» 2017 (Oustanding Collaborat­ion) décerné par l’American Library Associatio­n. Cette reconnaiss­ance n’est peut-être qu’un début…

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JACQUES NADEAU LE DEVOIR Érudit permet à l’usager de consulter des milliers de thèses et de mémoires.
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Vincent Larivière

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