Le Devoir

Le temps guérit les blessures

D’anciens sinistrés de Saint-Jean-sur-Richelieu compatisse­nt avec la détresse des victimes des inondation­s

- AMÉLI PINEDA

Même si la montée des eaux leur a fait vivre le pire, plusieurs résidents qui ont subi les inondation­s de 2011 n’ont pas voulu renoncer à vivre au bord de la rivière Richelieu. Six ans plus tard, ils assurent qu’on peut passer à travers cette épreuve.

Devant la télévision, Diane et Michel Alexandre ont de la difficulté à regarder les images des crues printanièr­es qui touchent actuelleme­nt le Québec.

«On comprend la colère des gens qui se font évacuer. Une maison, c’est le projet d’une vie. Tu travailles tellement fort pour l’avoir, c’est normal de vouloir se battre pour essayer de limiter les dégâts», dit Michel Alexandre.

Depuis les inondation­s de 2011 à Saint-Jean-sur-Richelieu, c’est la première fois que sa femme Diane est capable de regarder des images qui montrent la montée des eaux.

«C’est difficile. Je vois l’armée qui débarque à Rigaud et ça me rappelle lorsque les militaires étaient venus nous voir. C’est cette journée-là que j’ai réalisé qu’on était des sinistrés », raconte Mme Alexandre.

Leur maison de Saint-Blaisesur-Richelieu s’était transformé­e en véritable petite île en moins de 3 h, lorsque le Lac Champlain s’était déversé.

Au total, le couple a eu besoin de sept pompes et 1200 sacs de sable pour rester au sec. «Pendant deux mois, je dormais peut-être une heure par nuit. Je me couchais dans le divan pour m’assurer de repartir une pompe si elle lâchait», se souvient M. Alexandre.

Son voisin, Jean Morin, suit tous les jours depuis le 26 mars l’évolution des crues printanièr­es qui touchent actuelleme­nt le Québec. « L’eau c’est la vie, mais elle peut se transforme­r en désastre, illustre-t-il. Ils vont s’en sortir, mais ils auront besoin de soutien.»

Lorsque l’eau arrêtera de monter, le soupir de soulagemen­t que pousseront les sinistrés risque de ne durer qu’un bref instant préviennen­t-ils. « Il y a un après, mais il est parfois plus dur. Le paysage change et tu n’as pas le choix de l’accepter», confie M. Alexandre.

Plusieurs de leurs voisins n’ont pas eu la même chance qu’eux.

«Lorsque j’ai vu la pelle mécanique débarquer, le coeur m’a arrêté. J’ai eu tellement mal de voir notre voisin assister à la démolition de sa maison», se souvient Mme Alexandre.

Six ans plus tard, le terrain est toujours vacant.

Ruth Monaghan fait partie de ceux qui ont vu l’eau passer par-dessus le plancher de sa maison, « Il a fallu tout enlever ça et aller jusqu’aux fondations. Je n’ai pas été ici pour 6 mois le temps de refaire ma maison. Ce n’était pas habitable avant ça », raconte-t-elle.

Évacuée le 20 avril, elle a pu revenir chez elle seulement le 5 novembre.

«Le gouverneme­nt a donné de l’aide pour les maisons inondées, mais quand c’était un locataire, on n’avait le droit à rien. Même si c’était mon fils qui était là, on n’a rien eu », dit-elle.

Dans les villes du Haut-Richelieu, les critères pour construire dans une zone inondable ont été revus.

À Sainte-Anne-de-Sabrevois, où 400 résidences avaient été inondées, les maisons dans des zones inondables aux deux ans pouvaient être reconstrui­tes.

«Les propriétai­res avaient un droit acquis. Ils ont pu reconstrui­re, mais on a dû immuniser leur maison et changer les installati­ons septiques notamment», explique Christine Milone, adjointe administra­tive à la Ville de Sainte-Anne-de-Sabrevois.

Près des trois quarts ont été reconstrui­ts, les autres ont été démolis, la plupart étant des chalets. «Les gens adorent le bord de l’eau et ont décidé de se reconstrui­re. Je crois que la beauté de la chose l’emporte parfois sur le raisonnabl­e», indique Mme Milone.

En 2011, 3000 maisons et chalets avaient été inondés à la suite de la montée des eaux dans 40 municipali­tés touchées dont 11 avaient décrété l’état d’urgence.

Cette année, 2733 résidences ont été inondées dans 171 municipali­tés, dont 10 ont décrété l’état d’urgence.

 ?? AMELI PINEDA LE DEVOIR ?? La maison de Jean Morin était devenue une véritable petite île lors des inondation­s de 2011. L’eau atteignait plus de 2 pieds autour de la résidence qu’il habite depuis 1970.
AMELI PINEDA LE DEVOIR La maison de Jean Morin était devenue une véritable petite île lors des inondation­s de 2011. L’eau atteignait plus de 2 pieds autour de la résidence qu’il habite depuis 1970.

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