Le Devoir

Des outils pour détecter les cellules latentes

- PAULINE GRAVEL

Les chercheurs ont cru pendant quelque temps qu’un traitement précoce aux antirétrov­iraux pouvait guérir certaines jeunes personnes infectées par le VIH, étant donné que le virus était indétectab­le dans leur sang. Leurs espoirs se sont malheureus­ement envolés quand le virus est réapparu en force chez ces personnes.

Or, des chercheurs du Centre de recherche du CHUM viennent de mettre au point deux nouveaux outils qui permettent de détecter avec beaucoup plus de finesse les virus latents enfouis au creux de certaines cellules et qui soudaineme­nt se réveillent et recommence­nt à se multiplier.

Ces outils permettron­t non seulement de vérifier si une personne est toujours infectée même si sa charge virale semble très faible, mais aussi de savoir dans quels types de cellules le virus se cache afin de les cibler.

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Il pourra aussi nous aider à découvrir les gènes qui, dans ces cellules, sont activés en même temps que le virus Dr Jean-Pierre Routy de l’Université McGill

Indétectab­le

Jusqu’à récemment, les techniques classiques permettaie­nt de détecter jusqu’à une cellule infectée par 100 000. Sous ce seuil, le virus était indétectab­le. On a alors cru que le virus avait disparu et qu’on pouvait arrêter la trithérapi­e. Mais en l’absence d’antirétrov­iraux, le virus est revenu, et on a compris que des virus vivants étaient toujours présents chez les patients et empêchaien­t une guérison complète.

Même quand on le croit disparu, le VIH demeure tapi quelque part. Il peut s’agir de virus défectueux qui sont incomplets et donc incapables de se répliquer et, de ce fait, aucunement dangereux pour le patient, ou bien de virus vivants mais endormis qui vont se réveiller et se multiplier dès que la cellule qui les héberge sera activée, explique le Dr JeanPierre Routy de l’Université McGill.

Les techniques mises au point par Nicolas Chaumont et Daniel Kaufmann du CRCHUM permettent de dépister les virus vivants qui peuvent se répliquer et qui sont les vrais coupables de la résurgence de la maladie.

De plus, ces techniques permettent de débusquer ces virus alors qu’il n’y en a plus que dans une cellule par million. Ces techniques aideront donc à décider s’il est vraiment opportun d’abandonner la trithérapi­e chez un patient.

Virus en dormance

La technique de «cytométrie de flux» employée par M. Kaufmann permet de visualiser les cellules contenant le virus en les marquant avec des molécules fluorescen­tes. Pour ce faire, on réveille d’abord les virus en dormance à l’aide d’agents réactivate­urs de la latence.

Puis, on utilise de petites séquences d’ADN complément­aire qui, lorsqu’elles reconnaiss­ent une section du code génétique du virus dans des cellules, s’y collent, ce qui induit la fluorescen­ce des protéines qui y sont attachées. « On marque ainsi le code génétique du virus d’une couleur, et les protéines qui forment l’enveloppe du virus d’une autre couleur. Ensuite, on introduit notre échantillo­n de sang ou de ganglion dans une machine qui permet de voir les cellules qui se colorent, et donc qui contiennen­t l’ARN du virus ou ses protéines. On a testé cet outil chez des patients sous trithérapi­e pour voir dans quelles cellules CD4 le virus était présent et pouvait se réveiller si on stimulait ces cellules avec des agents réactivate­urs de la latence. Cet outil nous permet aussi de mesurer la fréquence des cellules infectées par les virus que l’on a réactivés», le chercheur.

Une des cures envisagées pour éradiquer le VIH vise à purger les réservoirs qui hébergent les virus latents.

Pour ce faire, il faudra dans un premier temps réactiver les virus dormants afin de les rendre visibles aux cellules du système immunitair­es qui devront ensuite tuer les cellules qui les contiennen­t.

«Notre outil pourra servir à savoir dans quels sous-types de cellules CD4 chaque agent réactivate­ur de latence réussit à réveiller le virus. Il pourra aussi nous aider à découvrir les gènes qui, dans ces cellules, sont activés en même temps que le virus, et qui pourraient devenir des cibles thérapeuti­ques supplément­aires, car en les bloquant on pourrait empêcher les virus de se réveiller», propose M. Kaufmann.

À ce jour, seul le «patient de Berlin» a été guéri du VIH à la suite d’une greffe de moelle osseuse qu’il a reçue après qu’on eut détruit toutes ses cellules sanguines.

Ce patient a eu une chance exceptionn­elle: celle de trouver un donneur compatible (évaluée à une sur 50 000) et celle que les cellules de ce donneur ne pouvaient être infectées en raison d’une défectuosi­té d’un récepteur permettant normalemen­t l’entrée du VIH dans la cellule, fait remarquer le Dr Routy pour montrer que la guérison n’est pas encore à la portée de tous les patients. explique

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DAVID LONGSTREAT­H ASSOCIATED PRESS Une des cures envisagées pour éradiquer le VIH vise à purger les réservoirs qui hébergent les virus latents.
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