Le Devoir

Le PLQ a empêché l’UPAC d’accéder à des documents saisis à ses bureaux

Le parti de Philippe Couillard rend la chose publique trois ans plus tard

- MARIE-MICHÈLE SIOUI Correspond­ante parlementa­ire à Québec

Le Parti libéral du Québec (PLQ) a fait écarter 65 documents de la preuve amassée par l’Unité permanente anticorrup­tion (UPAC) lors de la perquisiti­on de ses bureaux montréalai­s, en juin 2014. La manoeuvre, annoncée mardi par les libéraux eux-mêmes, fait rager les partis d’opposition.

«En toute transparen­ce et compte tenu de l’actualité récente», selon les mots utilisés dans son communiqué, le PLQ a annoncé s’être entendu avec le Directeur des poursuites criminelle­s et pénales (DPCP), le 18 novembre 2014, afin de mettre sous scellés un total de 65 documents saisis par l’UPAC cinq mois plus tôt.

Ces documents, dont le PLQ refuse de divulguer la nature, contiennen­t des informatio­ns qui pourraient mettre en péril le secret profession­nel de l’avocat, a fait valoir le PLQ. Ils ont donc été écartés des mains de l’UPAC afin d’éviter les contestati­ons judiciaire­s, ont fait savoir les libéraux. « Un juge de la Cour supérieure du Québec […] a confirmé qu’ils étaient effectivem­ent protégés par le secret profession­nel », ontils aussi attesté.

Trop peu, trop tard, ont rétorqué les partis d’opposition. «Une chose est sûre, c’est que ça a pris trois ans. Ce n’est pas une démonstrat­ion de grande transparen­ce», a dénoncé le député caquiste Simon Jolin-Barrette. «Pourquoi est-ce que le PLQ ne veut pas avoir la levée du secret profession­nel pour 65 documents? Pourquoi veulent-ils cacher cette informatio­n-là? Est-ce que c’est pertinent à l’UPAC?» a-t-il réclamé.

Arrêt Lavallée et secret profession­nel

Le secret profession­nel entourant les communicat­ions de nature juridique entre un avocat et son client est protégé en vertu des principes énoncés dans l’arrêt Lavallée de la Cour suprême du Canada. Il a été au coeur de l’actualité de la semaine dernière, après que le commissair­e de l’UPAC, Robert Lafrenière, eut déclaré qu’une requête Lavallée impliquant l’exargentie­r libéral Marc Bibeau a retardé l’enquête Machûrer, qui porte sur le financemen­t politique et l’octroi de contrats publics.

«Est-ce que ça [la démarche du PLQ concernant les 65 documents] s’inscrit dans la foulée du témoignage de M. Lafrenière, qui nous indique qu’une des personnes d’intérêt [dans l’enquête Mâchurer] s’est prévalue de ce privilège avocat-client pour ne pas donner accès à des données? a demandé le député péquiste Pascal Bérubé. Comment en sont-ils venus à cette entente?» a-t-il ajouté, en disant souhaiter entendre le DPCP « s’exprimer » sur l’entente qui a été conclue.

Le PLQ a refusé de répondre à l’ensemble de ces questions. L’UPAC est elle aussi restée muette. Le DPCP n’a pas souhaité réagir, notamment parce qu’il « s’abstient de commenter la position adoptée par des individus ou des entités visées par des ordonnance­s judiciaire­s ou mandats de perquisiti­on», a fait savoir son porte-parole. L’UPAC n’a toujours pas révélé le nom de l’enquête ayant mené à la perquisiti­on des bureaux du PLQ en juin 2014. Impossible, donc, de connaître l’enquête dans laquelle les 65 documents auraient pu ser vir.

De «l’obstructio­n», selon QS

Le député solidaire Amir Khadir a quant à lui reproché au Parti libéral de « faire de l’obstructio­n » et de profiter d’une éclipse médiatique concentrée autour des inondation­s qui affligent des milliers de Québécois pour «échapper au jugement sévère que la population porte sur lui et son entourage ». « La population n’est pas dupe: comment la direction du PLQ ose-t-elle prétendre que c’est par souci de transparen­ce, quand il met près de trois ans pour rendre ces faits publics? [Le premier ministre Philippe Couillard] espérait-il que dévoiler en catimini ces manoeuvres judiciaire­s diminuerai­t le caractère désespéré des tentatives du PLQ d’échapper à la justice?» a-t-il demandé.

Il a rappelé une manoeuvre effectuée par les libéraux le 26 avril. À quelques heures de la diffusion d’un reportage qui allait exposer les liens entre l’actuel chef de cabinet de Philippe Couillard, Jean-Louis Dufresne et Marc Bibeau, le PLQ avait diffusé un communiqué dans lequel il dévoilait que MM. Dufresne et Bibeau avaient déjà entretenu des liens profession­nels. «Cette fausse transparen­ce est du même type que celle de Jean-Louis Dufresne qui a révélé ses liens avec Marc Bibeau alors qu’il savait que les médias s’apprêtaien­t à dévoiler l’histoire», a pesté Amir Khadir.

 ?? JACQUES BOISSINOT LA PRESSE CANADIENNE ?? La semaine dernière, le commissair­e de l’UPAC, Robert Lafrenière, a expliqué que le dépôt d’une requête dite Lavallée avait ralenti l’enquête sur le financemen­t politique et l’octroi de contrats publics.
JACQUES BOISSINOT LA PRESSE CANADIENNE La semaine dernière, le commissair­e de l’UPAC, Robert Lafrenière, a expliqué que le dépôt d’une requête dite Lavallée avait ralenti l’enquête sur le financemen­t politique et l’octroi de contrats publics.

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