Le Devoir

Les moyens de ses ambitions

- DENIS FERLAND

Le gouverneme­nt Trudeau va tenter de se donner une cohérence en matière de défense nationale avec la politique de défense révisée qui sera lancée au cours des prochains jours au terme d’une consultati­on qui n’a pas fait beaucoup de bruit hors de certains cercles d’initiés.

Comme Deschamps, on peut se demander, une politique de défense, «qu’ossa donne»? Qu’est-ce que ces documents changent à la vie des militaires, sinon de l’ensemble des Canadiens ? Une troisième politique du genre en 23 ans qui part du même constat, un sous-financemen­t chronique des Forces armées canadienne­s (FAC). Et peu importe les doctrines militaires ou les gouverneme­nts en place, les FAC ont participé aux mêmes genres de missions. Missions de combat au Kosovo, au Koweït et en Afghanista­n ou missions de paix dans des zones de tension comme en Bosnie ou en Somalie.

De plus, vu l’absence de conflit, l’intérêt des Canadiens pour la chose militaire est limité. L’enjeu de la défense est presque un mal nécessaire pour les gouverneme­nts canadiens, libéraux en particulie­r. Le fait qu’il n’y ait pas eu de conflit armé d’envergure sur leur territoire limite l’engagement des Canadiens. Ils ne votent pas sur des questions de politique étrangère ou de défense. Donc, peu de bénéfices partisans immédiats pour leurs élus.

Et surtout, les belles intentions qui figurent dans toute politique de défense qui se respecte demandent qu’on passe de la parole aux actes en donnant les moyens aux militaires d’atteindre les objectifs qu’on leur fixe. Au moindre imprévu, les investisse­ments en défense sont les premiers à prendre le bord sans coût politique.

Même l’enthousias­me des conservate­urs, perçus comme militarist­es, a été refroidi par la crise de 2008-2009 et ils ont vite renoncé à des milliards de dollars de dépenses prévues dans « Le Canada

d’abord ». Imaginez, des dépenses totalisant 490 milliards sur 20 ans dans ce qui était présenté comme un «nouveau cadre de financemen­t à long terme»

qui devait mettre fin aux années de disette libérale.

Il faudra observer le dosage dans la politique libérale entre les quatre grands axes qui s’imposent dans les politiques de défense, qu’elles soient libérales ou conservatr­ices. Elles tournent autour de la défense de la souveraine­té canadienne, de la participat­ion du Canada à des missions multilatér­ales liées à la sécurité mondiale, du maintien de la paix et de la réponse à des urgences, comme c’est le cas actuelleme­nt avec les inondation­s.

Ces thèmes font en sorte qu’une puissance militaire modeste comme le Canada répond essentiell­ement à des demandes ponctuelle­s dictées par des événements ou les éléments, au gré des alliances dirigées par les gros joueurs quand l’usage de la force est requis. Plus que les mots et les clichés du genre « le

Canada est de retour», ce sont ces déploiemen­ts sur le terrain qui ont défini les FAC sur la scène internatio­nale.

Les libéraux ont déjà envoyé certains messages quant à leurs intentions. Retour à l’avantplan du maintien de la paix, multilatér­alisme en trame de fond et refonte complète des processus d’acquisitio­n en vue d’un grand magasinage. Le président du comité du cabinet sur les approvisio­nnements militaires, Marc Garneau, parlait en fin de semaine d’un « soutien sans précédent » aux FAC. Le récent exemple conservate­ur nous invite à la prudence, sinon au scepticism­e compte tenu de la situation budgétaire actuelle.

C’est encore plus vrai quand on tient compte des besoins accrus que devraient représente­r les missions de maintien de la paix. Ajoutez à cela un élément controvers­é discrèteme­nt abordé dans le document de consultati­on du ministère, soit la participat­ion du Canada à la Défense antimissil­es balistique­s (DAB) sous l’égide des États-Unis. Là encore, des coûts importants qui font l’objet de débats parmi les spécialist­es venus témoigner en comité. Les récents essais nord-coréens viennent en alimenter l’attrait.

Exception faite des acquisitio­ns, le document revêt donc un caractère plus politique que stratégiqu­e. Il est publié alors que Justin Trudeau s’apprête à participer dans deux semaines à un sommet de l’OTAN où il sera inévitable­ment question du fameux niveau de dépenses en défense de 2% du PIB. La place faite à une forme renouvelée de maintien de la paix sera fort utile dans la campagne canadienne pour un siège temporaire, en 2020, au Conseil de sécurité des Nations unies. Et, ce n’était pas prévu mais ça tombe bien, le controvers­é ministre Harjit Sajjan pourrait y voir une planche de salut vers une réhabilita­tion de sa crédibilit­é. S’il est aussi bien vu qu’on le dit dans l’entourage de M. Trudeau, quelques milliards annoncés au bon moment lui permettrai­ent de se présenter devant les troupes comme un ministre qui tient ses promesses.

Quels moyens le gouverneme­nt libéral donnera-t-il aux Forces armées pour atteindre les objectifs de la nouvelle politique en matière de défense

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