Le Devoir

Le Québec en quête d’un nouvel élan

L’économie s’essouffle depuis cinq ans, après des décennies de croissance

- KARL RETTINO-PARAZELLI

Le Québec a «substantie­llement amélioré» la santé de son économie au cours des 35 dernières années, mais il semble à la recherche d’un nouvel élan depuis la dernière crise financière, indique un nouvel indice économique dévoilé mardi par PwC.

Lancé en présence d’économiste­s, de dirigeants et de politicien­s de renom, cet indice décrit l’état de santé de l’économie du Québec entre 1980 et 2015 en nommant les causes de son renforceme­nt ou de son affaibliss­ement à l’aide de 26 indicateur­s.

Si la santé de l’économie s’est améliorée de 23,9% sur 35 ans, selon le nouvel outil, c’est surtout grâce à la croissance du PIB par rapport à la population de 15 à 64 ans, au fort taux de diplomatio­n postsecond­aire et aux dépenses en recherche et développem­ent. À l’inverse, les importatio­ns, le vieillisse­ment de la population et la dette publique nette ont tiré l’économie vers le bas.

«On montre les chevaux du podium, qui vont bien, mais on montre aussi ceux qui boitent un peu. Et ça, c’est tout aussi intéressan­t en matière de diagnostic», explique l’économiste François Delorme, qui a conçu l’indice avec l’équipe de PwC.

«La hausse du taux d’activité des 45 ans et plus a augmenté rapidement depuis 20 ans, observe Alain Robichaud, consultant en services-conseils chez PwC Canada. Cependant, si le renforceme­nt global de la santé de l’économie du Québec a été vigoureux de 1980 à 2010, l’économie montre désormais quelques signes d’essoufflem­ent après 2010.»

Pierre Fortin optimiste

Ce ralentisse­ment obser vé au cours des dernières années n’inquiète pas le professeur émérite de l’UQAM en sciences économique­s Pierre Fortin, qui fait partie des experts consultés pour développer l’indice.

«Il faut être optimiste sur l’avenir de l’économie du Québec», dit-il, en insistant sur l’«explosion magistrale » du taux d’emploi, surtout chez les femmes. «Il y a un léger infléchiss­ement à cause du vieillisse­ment [de la population], mais on va passer au travers.»

Même si l’indice n’offre pas de comparaiso­ns, M. Fortin constate que la croissance économique du Québec a été plus rapide que celle de son voisin ontarien. « Ça ne veut pas dire qu’on a un niveau de vie qui est au-dessus du leur, mais l’écart qui existait au début des années 1990 a diminué avec le temps, précise-t-il. Il n’y a pas de faits alternatif­s pour remettre en question le fait que la croissance économique du Québec [par habitant] a été meilleure.»

Le professeur estime que, pour poursuivre sur la lancée, le Québec doit continuer d’accroître le taux d’emploi et la productivi­té par heure travaillée, tout en misant sur l’éducation.«C’est important de s’assurer qu’on a un flux croissant de jeunes qui vont dans des carrières scientifiq­ues et techniques. C’est ça qui va porter notre développem­ent économique dans l’avenir.»

Virage technologi­que

Pour le vice-président du conseil de Power Corporatio­n et ancien président et chef de la direction de la Caisse de dépôt et placement du Québec, Henri-Paul Rousseau, le « chaînon manquant » du Québec, c’est la capacité de ses entreprise­s d’adopter les nouvelles technologi­es et de s’y adapter. « Il faut innover dans nos façons de financer et de structurer nos modes de financemen­t, pour que nos entreprise­s puissent prendre le virage technologi­que, insiste-t-il. Ça va changer la vitesse à laquelle on va se développer.»

En analysant l’indice de PwC, M. Rousseau remarque également l’apport déterminan­t des immigrants qui détiennent un diplôme d’études postsecond­aires. À son avis, le futur du Québec dépend en bonne partie du succès de l’intégratio­n de ces diplômés au sein des entreprise­s québécoise­s.

«C’est aussi important qu’a pu l’être le réseau de garderies pour permettre aux femmes de retourner sur le marché du travail», lance-t-il.

Présent lors du lancement, l’ancien premier ministre Jean Charest a pour sa part mis l’accent sur la rétention des travailleu­rs plus âgés et sur l’importance de profiter de leurs talents le plus longtemps possible. «On devrait faire avec les travailleu­rs âgés ce que le Québec a fait avec les femmes», a-t-il souligné en référence à la hausse du taux d’activité chez celles-ci observé au cours des dernières décennies.

L’indice de PwC devrait être mis à jour chaque année. Il pourrait un jour comprendre des indicateur­s supplément­aires et des comparaiso­ns avec d’autres économies.

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