Ça plane pour elles
COMMENT J’AI APPRIS À PARLER AUX OISEAUX Texte et mise en scène: D. Kimm. Une production des Filles électriques. Les 8 et 9 mai.
TOMMELISE Texte et mise en scène: Sabrina Baran. Une production de L’Illusion, Théâtre de marionnettes. Le 9 mai.
Riche en premières fois, pour les oeuvres au programme comme pour les spectateurs format mini qui les accueillent, le festival Petits bonheurs vient de pousser deux filles hors du nid, question de les acclimater aux vents contraires et à la fraîcheur de la brise.
Dans sa mouture originelle, présentée en novembre dernier dans le cadre des Coups de théâtre, Comment j’ai appris à parler aux oiseaux peinait à prendre son envol. Principale raison: une scène et une salle, celles du Théâtre rouge du Conservatoire d’art dramatique de Montréal, beaucoup trop grandes pour ce que requiert d’intimité un tel bricolage insolite.
Depuis, l’électrique D. Kimm a recousu son plumage, resserré ses fils, limité les manipulations de son bric-à-brac qui prenaient jadis un temps fou. Mademoiselle Mouche, sa protagoniste délicieusement à côté de la plaque, trouve davantage tanière à ses manières dans un espace plus modeste comme celui de la Maison de la culture Maisonneuve, cheflieu de Petits bonheurs. Plus fluide dans sa nouvelle incarnation, cette escapade théâtrale de la performeuse et délinquante textuelle, à la tête du festival Phenomena, joue de beaux contrastes.
Accompagnée par de colorées animations qui semblent extraites d’une encyclopédie d’un autre siècle, Mouche nous entretient des moeurs singulières de ses copains aviaires en s’appropriant leurs démarches et parades nuptiales, en roucoulant leurs chants distinctifs. On comprend que si elle pratique ainsi ses modulations d’oiseaux, c’est surtout parce qu’elle éprouve des difficultés à communiquer avec ses semblables sans ailes. Refuge d’abord, le monde volant lui sert aussi de terrain d’essai, de piste de décollage.
On en saura peu, finalement, sur les difficultés relationnelles et familiales de cette supposée timide pourtant volubile avec son public. En fille fantasque qui fréquente un gym pour être un jour apte à s’élever dans les airs, D. Kimm alterne bien entre pitreries, moments de connivence avec son jeune auditoire et parenthèses poétiques, aux associations libres.
Jeune fille en fleur
Spectacle naissant sur une naissance, Tommelise reprend à son compte la Poucette de Hans Christian Andersen, sortie d’une fleur et initiée à la vie par les bestioles du sous-bois. Dernier-né de l’Illusion, Théâtre de marionnettes, l’objet est d’une grande douceur mais son enchevêtrement interdisciplinaire embrouille, après un temps, les ficelles de son récit.
Résultant de la collaboration entre une musicienne, une auteure-marionnettiste et une danseuse, l’oeuvre use de ces langages pour tracer le minuscule périple aux grands périls ; crapaud baveux, frelons agressifs et autres monstres barrent en effet la route de la nouvelle venue. Un travail sur les ombres permet aussi de belles tricheries sur les échelles de grandeur. Les costumes et les grands pétales de la scénographie de Josée BergeronProulx nimbent le tout dans les nuances de l’orangé.
La musique de Maryse Poulin, produite en direct, assure de manière feutrée la prise en charge émotive, et parfois narrative, du spectacle. On y est avares de mots: Sabrina Baran, comédienne-manipulatrice mais aussi adaptatrice et codirectrice artistique de L’Illusion, les limite à quelques lignes venant articuler entre eux les premiers épisodes de l’histoire. Leur disparition laisse des traces: nonobstant les capacités évocatrices des sons, objets et images, l’enchaînement des rencontres que fait Tommelise devient de plus en plus laborieux, provocant le frétillement des petits corps qui s’impatientent dans la salle.
Faire dialoguer marionnette et danse, créer des miroirs poétiques entre les capacités physiques du corps humain, de son effigie miniature et des animaux croisés, voilà qui est riche. Que la danseuse Lila-Mae G. Talbot prenne parfois à sa charge l’interprétation de l’héroïne alors que sa version marionnettique demeure sur scène s’avère moins heureuse, de par la confusion que ce dédoublement engendre. Les noeuds évoqués expliquent en grande partie pourquoi il est difficile de s’émouvoir complètement lorsque la menue gamine, finalement pourvue d’ailes, quitte triomphalement le sol.