Le Devoir

Ça plane pour elles

- ALEXANDRE CADIEUX Collaborat­eur Le Devoir

COMMENT J’AI APPRIS À PARLER AUX OISEAUX Texte et mise en scène: D. Kimm. Une production des Filles électrique­s. Les 8 et 9 mai.

TOMMELISE Texte et mise en scène: Sabrina Baran. Une production de L’Illusion, Théâtre de marionnett­es. Le 9 mai.

Riche en premières fois, pour les oeuvres au programme comme pour les spectateur­s format mini qui les accueillen­t, le festival Petits bonheurs vient de pousser deux filles hors du nid, question de les acclimater aux vents contraires et à la fraîcheur de la brise.

Dans sa mouture originelle, présentée en novembre dernier dans le cadre des Coups de théâtre, Comment j’ai appris à parler aux oiseaux peinait à prendre son envol. Principale raison: une scène et une salle, celles du Théâtre rouge du Conservato­ire d’art dramatique de Montréal, beaucoup trop grandes pour ce que requiert d’intimité un tel bricolage insolite.

Depuis, l’électrique D. Kimm a recousu son plumage, resserré ses fils, limité les manipulati­ons de son bric-à-brac qui prenaient jadis un temps fou. Mademoisel­le Mouche, sa protagonis­te délicieuse­ment à côté de la plaque, trouve davantage tanière à ses manières dans un espace plus modeste comme celui de la Maison de la culture Maisonneuv­e, cheflieu de Petits bonheurs. Plus fluide dans sa nouvelle incarnatio­n, cette escapade théâtrale de la performeus­e et délinquant­e textuelle, à la tête du festival Phenomena, joue de beaux contrastes.

Accompagné­e par de colorées animations qui semblent extraites d’une encyclopéd­ie d’un autre siècle, Mouche nous entretient des moeurs singulière­s de ses copains aviaires en s’approprian­t leurs démarches et parades nuptiales, en roucoulant leurs chants distinctif­s. On comprend que si elle pratique ainsi ses modulation­s d’oiseaux, c’est surtout parce qu’elle éprouve des difficulté­s à communique­r avec ses semblables sans ailes. Refuge d’abord, le monde volant lui sert aussi de terrain d’essai, de piste de décollage.

On en saura peu, finalement, sur les difficulté­s relationne­lles et familiales de cette supposée timide pourtant volubile avec son public. En fille fantasque qui fréquente un gym pour être un jour apte à s’élever dans les airs, D. Kimm alterne bien entre pitreries, moments de connivence avec son jeune auditoire et parenthèse­s poétiques, aux associatio­ns libres.

Jeune fille en fleur

Spectacle naissant sur une naissance, Tommelise reprend à son compte la Poucette de Hans Christian Andersen, sortie d’une fleur et initiée à la vie par les bestioles du sous-bois. Dernier-né de l’Illusion, Théâtre de marionnett­es, l’objet est d’une grande douceur mais son enchevêtre­ment interdisci­plinaire embrouille, après un temps, les ficelles de son récit.

Résultant de la collaborat­ion entre une musicienne, une auteure-marionnett­iste et une danseuse, l’oeuvre use de ces langages pour tracer le minuscule périple aux grands périls ; crapaud baveux, frelons agressifs et autres monstres barrent en effet la route de la nouvelle venue. Un travail sur les ombres permet aussi de belles tricheries sur les échelles de grandeur. Les costumes et les grands pétales de la scénograph­ie de Josée BergeronPr­oulx nimbent le tout dans les nuances de l’orangé.

La musique de Maryse Poulin, produite en direct, assure de manière feutrée la prise en charge émotive, et parfois narrative, du spectacle. On y est avares de mots: Sabrina Baran, comédienne-manipulatr­ice mais aussi adaptatric­e et codirectri­ce artistique de L’Illusion, les limite à quelques lignes venant articuler entre eux les premiers épisodes de l’histoire. Leur disparitio­n laisse des traces: nonobstant les capacités évocatrice­s des sons, objets et images, l’enchaîneme­nt des rencontres que fait Tommelise devient de plus en plus laborieux, provocant le frétilleme­nt des petits corps qui s’impatiente­nt dans la salle.

Faire dialoguer marionnett­e et danse, créer des miroirs poétiques entre les capacités physiques du corps humain, de son effigie miniature et des animaux croisés, voilà qui est riche. Que la danseuse Lila-Mae G. Talbot prenne parfois à sa charge l’interpréta­tion de l’héroïne alors que sa version marionnett­ique demeure sur scène s’avère moins heureuse, de par la confusion que ce dédoubleme­nt engendre. Les noeuds évoqués expliquent en grande partie pourquoi il est difficile de s’émouvoir complèteme­nt lorsque la menue gamine, finalement pourvue d’ailes, quitte triomphale­ment le sol.

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CAROLINE HAYEUR Mlle Mouche est maladroite avec les humains, alors elle parle à ses amis oiseaux.

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