Colombie-Britannique
Incertitude après l’élection
Pour une fois, les sondages ne s’étaient pas trompés. L’élection en Colombie-Britannique s’est soldée par un résultat archi-serré dans la nuit de mardi, qui laissera la province dans l’incertitude encore quelques semaines alors que les chefs de partis refusent de concéder la victoire en attendant le décompte final.
Une volatilité certes rare, mais pas inédite, rappelle Bob Rae, qui avait renversé le gouvernement ontarien à la suite d’une élection semblable en 1985.
Les réactions étaient unanimes, sur la côte ouest, mercredi. Trop tôt pour dire qui a réellement gagné.
Les libéraux de la première ministre sortante, Christy Clark, ont conservé 43 sièges, le NPD en a gagné 41 tandis que le Parti vert a hérité de la balance du pouvoir en faisant élire 3 députés. Il faut 44 élus pour détenir une majorité à l’Assemblée législative de la province, qui en compte 87.
Or, les résultats risquent d’être recomptés dans au moins quatre circonscriptions où la marge de victoire était de 560 voix, 170 voix, 120 voix et même seulement 9 voix dans Courtenay-Comox.
Autre particularité, la province doit encore comptabiliser les milliers de bulletins d’électeurs qui ont voté par la poste ou dans une circonscription autre que la leur. Les bulletins seront dépouillés entre les 22 et 24 mai. En 2013, Elections BC a rapporté que 177000 personnes avaient voté ainsi, en hausse par rapport à 102000 en 2009. L’agence provinciale s’attend encore cette année à ce que 6 % à 10 % des électeurs aient choisi de voter de cette façon.
En attente
Le chef du NPD britannocolombien, John Horgan, a
donc refusé de concéder la victoire mercredi. «La partie n’est pas finie. […] Je vais attendre de voir le résultat final », a-t-il insisté, en notant que «la majorité des députés élus [mardi] soir ne sont pas des libéraux».
Christy Clark a de son côté argué que le Parti libéral comptait davantage de sièges et de votes populaires que le NPD ou le Parti vert pris séparément (40,8% des votes pour les libéraux contre 39,9% pour le NPD et 16,8 % pour les verts).
En attendant de voir «ce que sont réellement les résultats de l’élection », la première ministre a promis de collaborer avec les partis qui partageront ses idées « [qu’elle] je dirige un gouvernement majoritaire ou minoritaire».
Le sort de son gouvernement pourrait cependant être entre les mains du chef du Parti vert, Andrew Weaver, qui est resté coi. Choisira-t-il d’aider les libéraux ou de les renverser avec le NPD ?
«Il est prématuré d’exclure quoi que ce soit à ce momentci» , a affirmé M. Weaver, qui compte rencontrer ses deux homologues et discuter de sa plateforme et des priorités des verts afin de voir lequel des deux sera prêt à collaborer.
D’ici à ce que les décomptes finaux soient connus, dans deux semaines, la première ministre Clark conservera le pouvoir comme la lieutenante-gouverneure de la province Judith Guichon, le lui a demandé mercredi.
Patience, dit Bob Rae
«Mon conseil, ce serait de ne pas spéculer», a lancé d’entrée de jeu Bob Rae, en entretien avec Le Devoir. «C’est une erreur d’affirmer simplement qu’un tel ou une telle a gagné un gouvernement minoritaire. C’est la législature qui décide à la fin qui pourra former un gouvernement stable.»
L’ancien politicien peut bien se prononcer, lui qui a vécu une élection semblable à celle que vient de vivre la Colombie Britannique.
Bob Rae était chef du NPD ontarien en 1985, lorsque les progressistes-conservateurs n’ont décroché qu’un gouvernement minoritaire avec une majorité de seulement quatre sièges. M. Rae a rapidement négocié avec les libéraux de David Peterson pour convenir d’une alliance informelle, en vertu de laquelle les deux partis ont renversé les progressistes-conservateurs de Mike Miller six semaines après le scrutin. Les néodémocrates ont accepté d’appuyer les libéraux pendant deux ans, le Parti libéral a consenti à mettre en oeuvre certaines politiques du NPD.
Vingt ans plus tard, Bob Rae prévient qu’il est «impossible de prédire ce que fera le Parti vert» en Colombie-Britannique. «On est dans les premières heures.»
Ottawa reste prudent
Les libéraux fédéraux ont d’ailleurs usé de prudence, en évitant de commenter l’issue encore incertaine de cette élection.
Le gouvernement de Justin Trudeau pourrait perdre un important allié si Christy Clark perdait le pouvoir. Tant le NPD que le Parti vert s’opposent au projet d’oléoduc Kinder Morgan, approuvé par le fédéral l’automne dernier et qui avait permis à Justin Trudeau de marteler que son gouvernement savait équilibrer l’économie et la protection de l’environnement avec sa taxe carbone.