Le Devoir

Hydro-Québec fait une croix sur l’enfouissem­ent

La société d’État privilégie une ligne aérienne traversant la forêt Hereford

- KARL RETTINO-PARAZELLI

Hydro-Québec a une nouvelle fois rejeté mercredi la possibilit­é d’enfouir une portion de la ligne Québec-New Hampshire pour protéger ce que les groupes environnem­entaux considèren­t comme l’«un des derniers massifs forestiers protégés » dans le sud du Québec.

La société d’État a dévoilé mercredi un rapport d’analyse indiquant qu’elle écarte le scénario proposé par l’organisme Forêt Hereford. «Hydro-Québec estime que l’option aérienne du côté ouest du mont Hereford demeure celle qui satisfait au plus grand nombre de critères économique­s, techniques et environnem­entaux», indique-t-on dans le document.

La portion sud de la ligne Québec-New Hamphire, longue d’environ 18 km, constitue la portion québécoise du projet Northern Pass. Elle soulève la controvers­e puisqu’elle doit traverser un massif forestier protégé couvrant une superficie de 53 km2.

Tracés à l’étude

Hydro-Québec avait déjà étudié un tracé aérien et un tracé souterrain qui longerait les voies publiques à l’est du mont Hereford. Elle avait finalement privilégié l’option aérienne, en évoquant notamment des coûts d’enfouissem­ent élevés.

Dans son rapport sur le projet rendu public en février dernier, le Bureau d’audiences publiques sur l’environnem­ent (BAPE) a cependant demandé à Hydro-Québec de « réévaluer de manière plus détaillée la possibilit­é d’enfouir la ligne dans la portion sud avant une éventuelle autorisati­on du projet par le gouverneme­nt du Québec».

L’organisme Forêt Hereford a par la suite proposé un tracé souterrain «de compromis» longeant les chemins forestiers. Hydro-Québec reconnaît que cette option coûterait environ 5 millions de dollars de moins que le tracé souterrain longeant les voies publiques. Elle précise toutefois que ce tracé coûterait près de 60 millions de dollars de plus que l’option aérienne, pour une ligne qui aurait une durée de vie deux fois plus courte. Le coût total de la ligne Québec-New Hampshire est estimé à 2,7 milliards de dollars.

Dans son argumentai­re, Hydro-Québec souligne également que le tracé aérien comprend des mesures d’atténuatio­n et qu’il est moins dommageabl­e pour les milieux humides que le tracé souterrain proposé.

«Contextes différents»

Hydro-Québec rejette donc l’enfouissem­ent, alors que son partenaire américain, Eversource, a accepté d’enfouir la portion du projet Northern Pass devant passer sur le territoire des montagnes Blanches. «Ce sont deux projets et deux contextes différents, fait valoir la porte-parole de la société d’État Lynn St-Laurent. Du côté américain, on retrouve une entreprise privée, dans un marché où les tarifs d’électricit­é sont nettement plus élevés. De ce côté-ci de la frontière, on est une société d’État qui a notamment pour mandat de maintenir la hausse tarifaire en deçà de l’inflation. »

Mme St-Laurent indique par ailleurs qu’Hydro-Québec pourrait compenser les pertes provoquées par le passage de la future ligne, sans donner de détails.

La décision d’Hydro-Québec a fait rager la coalition SOS mont Hereford, qui organisait au

même moment à Montréal une table ronde au sujet du projet Northern Pass.

«Hydro-Québec sait qu’il existe d’autres options, dont le contournem­ent et l’enfouissem­ent. C’est d’ailleurs cette dernière option qui a été retenue sur 100km dans la portion américaine de la ligne. Malheureus­ement, au Québec, Hydro y va pour une solution simpliste: détruire et compenser par la suite», a déploré la biologiste et administra­trice de l’organisme Deux pays, une forêt, Louise Gratton.

Refaire ses devoirs

Le porte-parole du Parti québécois en matière d’énergie et de ressources naturelles, Sylvain Rochon, soutient depuis plusieurs semaines qu’il vaut mieux payer quelques dizaines de millions de plus pour protéger le massif forestier. Il juge que le rapport produit par Hydro-Québec est «très sommaire» et ne reflète pas le statut particulie­r de la forêt Hereford.

« Je pense qu’Hydro-Québec doit retourner faire ses devoirs plus conscienci­eusement, nous offrir quelque chose de moins sommaire et, surtout, approcher ce dossier-là comme un dossier unique», affirme-t-il.

La publicatio­n de l’analyse d’Hydro-Québec permet à la société d’État de franchir un pas de plus vers l’approbatio­n du projet de ligne d’interconne­xion. Au cabinet du ministre de l’Énergie, Pierre Arcand, on indique cependant que «différente­s étapes demeurent à franchir avant que l’autorisati­on finale […] puisse être délivrée». Le projet doit également obtenir l’autorisati­on de l’Office national de l’énergie.

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COLIN PERKEL LA PRESSE CANADIENNE Hydro-Québec rejette donc l’enfouissem­ent, alors que son partenaire américain, Eversource, a accepté d’enfouir la portion du projet Northern Pass devant passer sur le territoire des montagnes Blanches.

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