Le Devoir

Trump ne faisait plus confiance à Comey «depuis des mois »

Le limogeage du directeur du FBI crée une onde de choc aux États-Unis

- JÉRÔME CARTILLIER IVAN COURONNE à Washington

La Maison-Blanche a rejeté mercredi les appels à la nomination d’un procureur spécial pour superviser l’enquête sur les ingérences russes dans la campagne présidenti­elle américaine, Donald Trump défendant sa décision de limoger le directeur du FBI, James Comey.

«Nous ne pensons pas que cela soit nécessaire», a déclaré Sarah Huckabee Sanders, porte-parole de M. Trump.

Le limogeage, mardi soir, a créé une onde de choc aux États-Unis, des élus s’interrogea­nt sur les motifs et le calendrier de la décision. L’opposition soupçonne le président américain de vouloir entraver l’enquête.

Le désormais ancien directeur du FBI supervisai­t les investigat­ions ouvertes l’été dernier sur les piratages russes et une éventuelle coordinati­on entre des membres de l’équipe de campagne de Donald Trump et la Russie. Le dirigeant dément toute collusion et a souligné que M. Comey lui-même lui avait dit qu’il n’était pas ciblé par l’enquête.

La porte-parole de la MaisonBlan­che a déclaré que l’éviction n’avait rien à voir avec la Russie et était due aux « atrocités » et aux «faux pas et erreurs» du directeur lors de l’enquête sur les courriels d’Hillary Clinton l’an dernier.

«Il envisageai­t de congédier le directeur Comey depuis le jour où il est entré en fonction, a déclaré Sarah Huckabee Sanders. Le président ne lui faisait plus confiance depuis des mois. »

M. Comey a appris par la télévision mardi, depuis Los Angeles, sa brutale éviction. Pour Mme Huckabee Sanders, le président n’a fait que suivre le protocole en faisant porter un courrier au quartier général du FBI à Washington.

Mercredi matin, Donald Trump a justifié ainsi sa décision : «Il ne faisait pas du bon travail, c’est très simple. »

L’argument pour justifier le départ du patron de la police fédérale, dont le mandat courait jusqu’en 2023, est étonnant.

Il lui est reproché d’avoir

commenté publiqueme­nt l’affaire Clinton durant la campagne, contrairem­ent à l’usage au FBI mais à la grande satisfacti­on, à l’époque, du candidat républicai­n. Pourquoi, demande en substance la Maison-Blanche, les démocrates crient-ils au scandale alors qu’ils avaient eux-mêmes dénoncé le comporteme­nt de M. Comey ?

Pour justifier le revirement de Donald Trump, sa porte-parole a expliqué qu’être candidat et être président était différent.

L’audition, mercredi dernier, de M. Comey au Sénat a été un «catalyseur» de la décision, selon elle. Il avait alors longuement justifié son raisonneme­nt

pour commenter l’affaire Clinton en public l’an dernier.

Pour un procureur spécial

Entre MM. Trump et Comey, cependant, les divergence­s s’intensifia­ient depuis des mois. En mars, le premier flic des États-Unis avait confirmé au Congrès l’existence de l’enquête sur une possible « coordinati­on » entre proches de Donald Trump et Moscou. Il avait contredit le président en ce qui concerne la mise sur écoute de la Trump Tower par Barack Obama.

Selon plusieurs médias, en outre, M. Comey avait réclamé la semaine dernière au ministère de la Justice des moyens supplément­aires pour renforcer l’enquête de ses agents.

« Cela rendrait le calendrier du limogeage encore plus suspect », a déclaré Chuck Schumer, chef des démocrates du Sénat.

Toute l’opposition réclame la nomination d’un procureur spécial, plus indépendan­t du pouvoir que les procureurs existants, pour superviser l’enquête sur l’ingérence russe. Cette décision dépend a priori du numéro 2 de la Justice, Rod Rosenstein, le ministre Jeff Sessions s’étant récusé dans cette affaire.

Quelques centaines de personnes se sont rassemblée­s devant la Maison-Blanche pour réclamer haut et fort cette nomination, aux cris de «Honte! Honte! Honte!».

Si de nombreux républicai­ns soutiennen­t le président, plusieurs ténors ont exprimé leur embarras ou leur mécontente­ment, notamment John McCain et le chef de la puissante Commission du renseignem­ent du Sénat, Richard Burr.

Le président doit désormais nommer un remplaçant, qui devra être confirmé par le Sénat, à majorité républicai­ne.

En attendant, M. Comey a été invité à s’expliquer mardi prochain, à huis clos, devant les sénateurs de la Commission du renseignem­ent, qui mène sa propre enquête parlementa­ire sur la Russie.

 ??  ??
 ?? JIM WATSON AGENCE FRANCE-PRESSE ?? Quelques centaines de personnes se sont rassemblée­s mercredi devant la Maison-Blanche pour réclamer au Congrès une enquête sur les liens présumés entre Moscou et la campagne de Trump.
JIM WATSON AGENCE FRANCE-PRESSE Quelques centaines de personnes se sont rassemblée­s mercredi devant la Maison-Blanche pour réclamer au Congrès une enquête sur les liens présumés entre Moscou et la campagne de Trump.

Newspapers in French

Newspapers from Canada