Le Devoir

Le nouveau président est prêt à aller au Nord

- JUNG HA-WON à Séoul

Le nouveau président de la Corée du Sud, Moon Jaein, a prêté serment mercredi et s’est immédiatem­ent dit disposé à se rendre en Corée du Nord, dans un contexte de crispation avec ce pays reclus doté de l’arme nucléaire.

Le nouveau chef d’État de 64 ans, plutôt de gauche, est un ancien avocat spécialist­e de la défense des droits de l’homme. Il se dit favorable à une forme de dialogue avec Pyongyang pour parvenir à la paix, ce qui tranche singulière­ment avec la rhétorique menaçante employée à l’endroit de la Corée du Nord par le gouverneme­nt Trump.

«Si besoin, je partirai tout de suite pour Washington, a déclaré le nouveau chef d’État issu du Parti démocratiq­ue, juste après sa prestation de serment. Je me rendrai également à Pékin et Tokyo, et même à Pyongyang si les conditions sont réunies.»

Il a eu l’occasion de tenir ces propos à son homologue américain, Donald Trump, dès mercredi lors d’une conversati­on téléphoniq­ue au cours de laquelle les deux hommes «ont convenu de coopérer étroitemen­t pour résoudre les problèmes liés à la sécurité dans la péninsule coréenne, y compris les ambitions nucléaires nordcoréen­nes », selon la présidence sud-coréenne.

M. Moon affronte une tâche diplomatiq­ue délicate face à une Corée du Nord qui rêve de mettre au point un missile capable de porter le feu nucléaire sur le continent américain et qui a placé Séoul à portée de sa vaste artillerie.

Parallèlem­ent, Séoul est englué dans une brouille avec Pékin au sujet d’un bouclier antimissil­e américain, tandis que des différends historique­s l’opposent au Japon, l’ancien occupant colonial. La Chine, principal partenaire commercial du Sud, a adopté une série de mesures contre les entreprise­s sud-coréennes, perçues à Séoul comme des représaill­es.

M. Moon a nommé Lee Nakyon, un ancien journalist­e, quatre fois député, au poste de premier ministre, tandis que le nouveau patron du renseignem­ent est Suh Hoon, qui avait joué un rôle clé dans les préparatif­s des deux sommets intercorée­ns de 2000 et 2007.

Défis intérieurs

Sur le plan intérieur, M. Moon a de multiples défis, au premier rang desquels les conséquenc­es du retentissa­nt scandale de corruption qui a valu à sa précédesse­ure conservatr­ice, Park Geun-hye, d’être destituée. S’il a remporté l’élection présidenti­elle anticipée dans un fauteuil, le pays est profondéme­nt divisé.

M. Moon a remporté 41,1% des suffrages, loin devant le conservate­ur Hong Joon-pyo, issu du parti de la présidente déchue (24,03%) et du centriste Ahn Cheol-soo (21,4 %).

Après une cérémonie d’assermenta­tion sans fioritures, M. Moon s’est rendu à la Maison-Bleue, la présidence sud-coréenne. Il a également rencontré les députés du parti conservate­ur Liberté Corée, partisans de la ligne dure avec Pyongyang et qui l’ont souvent accusé de vouloir «livrer le pays tout entier à la Corée du Nord une fois élu ».

Les tensions ont rarement été aussi fortes dans la péninsule. Le Nord a mené depuis début 2016 deux essais nucléaires et de multiples tests de missiles.

Le gouverneme­nt Trump a répété ces derniers mois que l’option militaire était sur la table, alimentant les craintes d’escalade. Cependant, le président américain a changé de ton la semaine dernière, déclarant qu’il serait « honoré » de rencontrer le dirigeant nordcoréen Kim Jong-un.

Plus que par la Corée du Nord, la campagne a été dominée par le ralentisse­ment de la croissance, le chômage et les inégalités. Le scandale Park a mis en lumière les relations malsaines entre le pouvoir et les grands congloméra­ts, dits «chaebols», qui dominent la quatrième économie d’Asie.

M. Moon a évoqué ces sujets dans son discours d’assermenta­tion, promettant une société «de l’égalité des chances». Il a également promis de rester honnête: «J’arrive à la barre les mains vides, je partirai les mains vides. »

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