Ankara en colère contre Washington
La Turquie a laissé éclater sa colère mercredi contre la décision des États-Unis d’armer des milices kurdes en Syrie, celles-ci saluant une initiative « historique » qui leur permettra, d’après elles, de vaincre plus rapidement le groupe État islamique (EI).
La décision de la Maison-Blanche d’autoriser le Pentagone à armer les Unités de protection du peuple kurde (YPG), qu’Ankara considère comme un groupe «terroriste», a été annoncée mardi, à une semaine d’un déplacement du président turc, Recep Tayyip Erdogan, à Washington.
«Il est hors de question que nous acceptions» la fourniture d’armes aux YPG, a réagi mercredi le premier ministre turc, Binali Yildirim, ajoutant ne pas «concevoir que les États-Unis feront un choix entre nos relations stratégiques et une organisation terroriste».
Malgré l’ire turque, le chef du Pentagone, James Mattis, a dit être persuadé que Washington pourra « dissiper toutes les inquiétudes » de la Turquie. « Nous allons travailler très étroitement […] pour soutenir sa sécurité sur la frontière» avec la Syrie.
Les YPG sont la principale composante des Forces démocratiques syriennes (FDS), une alliance arabo-kurde considérée par Washington comme la force locale la plus efficace pour mener rapidement l’assaut contre Raqqa, principal fief des djihadistes du groupe EI en Syrie, afin de leur porter un coup décisif.
Mais Ankara considère les YPG comme l’extension en Syrie du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), une organisation séparatiste qui livre une sanglante lutte armée contre Ankara depuis 1984 et qui est classée «terroriste» par la Turquie et ses alliés occidentaux.
Ce dossier empoisonne depuis plusieurs mois les relations entre les États-Unis et la Turquie, deux membres importants de l’OTAN et de la coalition internationale qui combat les djihadistes, et illustre la complexité du conflit syrien, notamment dans le nord du pays.
«Les YPG et le PKK sont des groupes terroristes, il n’y a aucune différence entre eux. Et chaque arme qui leur parvient représente une menace pour la Turquie », a déclaré mercredi le chef de la diplomatie turque, Mevlüt Cavusoglu.
La décision américaine sonne comme une désillusion pour la Turquie, où l’élection de M. Trump avait suscité l’espoir d’un changement de position vis-à-vis des milices kurdes, que le gouvernement Obama avait déjà décidé de soutenir pour contrer l’expansion djihadiste.
M. Erdogan a récemment déclaré qu’il espérait écrire une «nouvelle page» des relations turco-américaines avec M. Trump, et indiqué qu’il tenterait, à Washington, de dissuader son homologue américain de s’appuyer sur les milices kurdes pour déloger le groupe EI de Raqqa.
Le président turc a d’ailleurs envoyé cette semaine à Washington son chef d’état-major, son porte-parole et le patron du Renseignement turc. Ces deux derniers se trouvaient encore aux États-Unis au moment de l’annonce de la décision de la Maison-Blanche.