Le Devoir

Tous dans la même soupe

L’ATSA utilise la métaphore culinaire pour explorer le « vivre-ensemble »

- CAROLINE MONTPETIT

L’Action terroriste socialemen­t acceptable (ATSA) nous a habitués à ses grands événements mi-festifs, mi-réflexifs sur des thèmes liés à la cohabitati­on sociale. Pour célébrer le 20e anniversai­re de son existence, l’ATSA utilise la cuisine comme métaphore du «vivre-ensemble» et propose une réflexion active sur le thème des réfugiés.

L’événement «Cuisine ta ville» prendra donc d’assaut l’esplanade de la Place des Arts, à partir du 12 mai à 17 h, dans une enfilade d’abris Tempo évoquant autant les tentes blanches des camps de réfugiés que les abris d’automobile­s qui longent certaines rues de Montréal…

Le duo que forment, dans la vie comme en public, Annie Roy et Pierre Allard a eu l’idée cette année de mêler réfugiés récents et de longue date avec la société d’accueil pour former une grande soupe urbaine porteuse d’avenir.

«Nous faisons de l’art relationne­l», précise Annie Roy.

Déjà, depuis deux ans, le concept « Le temps d’une soupe», qui suggère à deux personnes qui ne se connaissen­t pas d’engager un dialogue sur un thème social, a fait des petits. « Le temps d’une soupe s’engage dans une grande tournée internatio­nale », dit Annie Roy. Le concept voyagera de Port-au-Prince à Beyrouth, d’Iqaluit à Antananari­vo.

À Montréal, cette année, le menu des conversati­ons, offert aux participan­ts le temps de leur soupe, portera sur l’exil, la peur de l’autre, le vivre-ensemble.

Cette fois, les participan­ts sont, en plus, invités à faire et à partager la soupe de différents groupes, qui réunissent des réfugiés et des non-réfugiés, pour discuter avec eux du thème de l’accueil et du partage.

Dualité

Les autres tentes accueiller­ont une série d’événements, diffusion de films, conférence­s, exposition­s, tables rondes, toujours sur le thème de l’immigratio­n.

«On a invité des réfugiés récents et des gens qui sont ici depuis plus longtemps à partager leur expérience», poursuit Annie Roy. Des experts parleront pour leur part de la migration des réfugiés et des traumatism­es psychologi­ques qui sont associés à leur condition. Le professeur Carl Bouchard prononcera une conférence sur l’histoire de la paix. Ce sera l’occasion de rencontrer des personnes jumelées à des immigrants, des personnes qui enseignent le français aux nouveaux arrivants, par exemple.

Moyad Almarzoki, réfugié syrien de 32 ans, qui accueiller­a les participan­ts aux tentes-cuisines, connaît bien la dualité du réfugié.

Il a fui la Syrie pour ne pas être enrôlé dans l’armée de Bachar al-Assad. Cette sommation d’entrer dans l’armée était «une sentence de mort», dit-il.

Lorsqu’il refuse d’y aller, il devient un « objecteur de conscience », recherché par le gouverneme­nt syrien. Après un séjour au Liban, où il n’est pas non plus en sécurité, il s’installe en Égypte et enseigne la littératur­e anglaise. Là encore, il subit du harcèlemen­t et est persécuté parce qu’il est homosexuel. Le Hautcommis­sariat des Nations unies pour les réfugiés l’envoie au Canada, où il séjournera à Toronto, à Saskatoon, puis à Montréal, où il a appris le français en 15 mois.

«J’avais une petite base en français, mais je ne peux croire que je suis capable de le parler si bien maintenant », dit-il.

Lorsqu’il pense à sa mère et à ses soeurs, qu’il a laissées en Syrie, à la guerre et aux bombardeme­nts, il a les larmes aux yeux.

«Je suis traumatisé », dit-il, ajoutant qu’en même temps il a «envie d’oublier».

Ici, il a lui-même le projet de développer des cuisines collective­s, mêlant réfugiés et non-réfugiés.

Pour Annie Roy, Cuisine ta ville est aussi une occasion pour les participan­ts de réseauter et de briser l’isolement. Elle évoque l’attentat survenu à la mosquée de Québec, plus tôt cette année, pour souligner l’importance de ces activités qui rapprochen­t les citoyens de toutes origines et dévoilent leur humanité.

Comme toujours, l’expérience sera accompagné­e de tout un programme de spectacles et d’activités immersives et d’ateliers portant sur les thèmes de l’accueil et de la différence.

Moyad Almarzoki a fui la Syrie pour ne pas être enrôlé dans l’armée de Bachar al-Assad. Cette sommation d’entrer dans l’armée était «une sentence de mort».

 ?? PEDRO RUIZ LE DEVOIR ?? Annie Roy, de l’ATSA, et Moyad Almarzoki invitent les citoyens de tous les horizons à venir partager leurs expérience­s de vie lors de l’événement Cuisine ta ville, sur l’esplanade de la Place des Arts.
PEDRO RUIZ LE DEVOIR Annie Roy, de l’ATSA, et Moyad Almarzoki invitent les citoyens de tous les horizons à venir partager leurs expérience­s de vie lors de l’événement Cuisine ta ville, sur l’esplanade de la Place des Arts.

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