Le Devoir

SOUTIEN FINANCIER À RÉVISER

Des sinistrés se disent déçus des autorités qui n’ont pas su prévoir la tragédie

- AMÉLI PINEDA

Le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, qui a survolé la région de Gatineau en compagnie de son homologue fédéral, Justin Trudeau, a réitéré jeudi que son gouverneme­nt était en train de revoir les plafonds d’aide aux sinistrés des inondation­s.

Des sinistrés de Pierrefond­s sont reconnaiss­ants de l’aide des militaires venus jeudi solidifier des digues pour faire baisser le niveau de l’eau. Ils déplorent toutefois que, encore en 2017, les villes et gouverneme­nts se contentent de réagir plutôt que de faire de la prévention.

«J’apprécie ce que l’armée fait pour nous, mais malheureus­ement, c’est trop tard. Le mal est fait. Il aurait fallu prévenir plutôt que guérir», lance Marcel, un résident de la rue Dauville qui ne souhaitait pas donner son nom de famille.

Jeudi, quelque 400 soldats ont été déployés dans le secteur de l’avenue du ChâteauPie­rrefonds et des rues Boulogne et Dauville au nord du boulevard Gouin pour renforcer un mur d’environ 26 500 sacs de sable faisant plus de 350 mètres de long.

En pleine nuit dimanche dernier, une soixantain­e de résidants de ce secteur avaient dû être évacués après que cette digue a cédé, inondant complèteme­nt leurs maisons.

Dès 8 h, les soldats ont travaillé d’arrache-pied, si bien qu’ils ont même terminé plus rapidement que prévu. «La prochaine étape sera l’installati­on des pompes pour commencer à assécher les rues pour permettre aux sinistrés de regagner rapidement leur résidence», explique le lieutenant-colonel Alain Cohen.

Le pompage de l’eau du secteur devait débuter en début de soirée, jeudi.

Aide tardive

L’interventi­on des militaires a été suivie de près par les sinistrés. «On est déçus parce que des pompiers étaient venus samedi et nous disaient que tout était maîtrisé. C’est gentil, l’aide qu’on nous apporte, mais il aurait fallu agir lorsqu’on voyait que le niveau de l’eau ne cessait de monter, pas après», se désole Mariane Fournier, qui habite sur la rue Dauville depuis deux ans.

Elle et son conjoint, Oscar Lozano, viennent tous les jours vérifier l’état de la rue.

«On a hâte de commencer le nettoyage pour passer à autre chose. On espère que la rue s’assèche cette fin de semaine avec l’interventi­on des soldats », souligne M. Lozano.

Le couple a de la difficulté à cacher sa déception. Lundi, il a pu accéder à sa maison à bord d’un kayak pour constater les dégâts.

Pourtant, ce n’est pas la première fois que l’eau monte dans ce secteur. «En 1974, il y avait eu une inondation sur la rue. Ça faisait à peine deux mois que j’avais terminé de construire ma maison», se souvient leur voisin Marcel.

L’homme s’explique mal que, 43 ans plus tard, la Ville ne soit prête lorsqu’il y a des risques d’inondation.

«Il faudrait qu’ils comprennen­t que c’est la prévention qui

rapporte. C’est la recette pour réussir dans n’importe quelle

sphère de la vie», fait-il valoir. À Rigaud, des sinistrés refusaient toujours jeudi de quitter leur résidence. La Ville a annoncé qu’à partir de vendredi, elle leur donnera des contravent­ions allant jusqu’à 5000 $.

Revoir l’aménagemen­t

La Communauté métropolit­aine de Montréal (CMM) a mandaté jeudi la commission de l’aménagemen­t pour dresser un portrait des inondation­s printanièr­es de mai 2017.

La commission devra également formuler des recommanda­tions en matière d’aménagemen­t du territoire dans une perspectiv­e d’adaptation aux changement­s climatique­s.

«Il faut tirer des leçons des événements des dernières semaines et mieux se préparer collective­ment aux conséquenc­es imprévisib­les des changement­s climatique­s », dit Denis Coderre, maire de Montréal et président de la CMM.

Révision des programmes

Les sinistrés s’inquiètent également pour leurs finances. Ils espèrent que les montants du programme d’aide aux sinistrés seront bonifiés.

De passage à Gatineau jeudi, le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, a réitéré que son gouverneme­nt est prêt à revoir les calculs pour les programmes d’indemnisat­ion.

«On est en révision notamment des seuils, des critères d’admission et des plafonds de remboursem­ent, on regarde tout ça», a déclaré M. Couillard, qui ne s’attend pas à ce que cette révision suffise à tout le monde.

«Il faut être conscient qu’il y aura un autre plafond. Alors, la personne qui va être au-delà de l’autre plafond va trouver que le plafond n’est pas assez élevé. Ce qu’on veut faire, c’est actualiser ça pour les coûts réels qu’on a aujourd’hui », a ajouté le premier ministre.

Son homologue canadien, Justin Trudeau, aussi présent à Gatineau, a pour sa part de nouveau parlé de la nécessité de s’adapter aux changement­s climatique­s.

«Si on a des événements qui sont censés arriver tous les 100 ans seulement et qui arrivent toutes les décennies, ou tous les deux ou trois ans, il va falloir qu’on repense à comment on bâtit nos villes» ,a avancé M. Trudeau.

«Il va falloir reconstrui­re mieux pour qu’on ne soit pas en train de faire face à la même situation dans cinq ans, dans dix ans, dans vingt ans», a-t-il ajouté.

Les deux premiers ministres ont pu constater du haut des airs, à bord d’un hélicoptèr­e, l’étendue des dégâts à Gatineau, où la crue printanièr­e a débuté à la mi-avril. Ils ont ensuite fait quelques pas dans les rues des secteurs affectés.

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ADRIAN WYLD LA PRESSE CANADIENNE
 ?? ANNIK MH DE CARUFEL LE DEVOIR ?? Mariane Fournier et Oscar Lozano ont été réveillés vers 6h du matin dimanche dernier lorsqu’une digue a cédé, inondant complèteme­nt leur maison. Les pompiers ne leur ont laissé que 15 minutes pour récupérer leurs effets personnels et évacuer leur...
ANNIK MH DE CARUFEL LE DEVOIR Mariane Fournier et Oscar Lozano ont été réveillés vers 6h du matin dimanche dernier lorsqu’une digue a cédé, inondant complèteme­nt leur maison. Les pompiers ne leur ont laissé que 15 minutes pour récupérer leurs effets personnels et évacuer leur...
 ?? ANNIK MH DE CARUFEL LE DEVOIR ?? Un résidant de Pierrefond­s constatait la gorge nouée par l’émotion l’étendue des dégâts sur son terrain. Un sentiment de déjà-vu l’habitait puisqu’en 1974, lorsqu’il venait de construire sa maison, une montée des eaux lui avait fait craindre le pire.
ANNIK MH DE CARUFEL LE DEVOIR Un résidant de Pierrefond­s constatait la gorge nouée par l’émotion l’étendue des dégâts sur son terrain. Un sentiment de déjà-vu l’habitait puisqu’en 1974, lorsqu’il venait de construire sa maison, une montée des eaux lui avait fait craindre le pire.

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