Le Devoir

Échec gênant du BCC

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Le Bureau de la concurrenc­e du Canada (BCC) vient de subir un échec lamentable dans son enquête sur le cartel des travaux publics de Montréal. L’opération «Rubicon» visait une quinzaine d’entreprise­s qui auraient échangé entre elles des contrats d’infrastruc­tures avec l’assentimen­t de la mafia, à partir de 1997. Ce scandaleux partage des contrats et des territoire­s, bien documenté lors des travaux de la commission Charbonnea­u, restera impuni. Le BCC a trouvé le premier prétexte pour abandonner l’enquête.

Incapable d’assumer le poids de son incurie, il reproche à la Sûreté du Québec (SQ) de lui avoir transmis du matériel inadmissib­le en preuve. La SQ se décharge de toute responsabi­lité, affirmant que les enquêteurs du Bureau ont omis d’informer les entreprise­s visées de l’existence des documents.

Ce différend n’est pas assez sérieux pour justifier l’abandon d’un chantier aussi important. Le BCC se devait de creuser et de recruter des témoins sur lesquels il pouvait bâtir sa preuve. Michel Lalonde, un ex-ingénieur qui a livré un témoignage crédible et fracassant à la commission Charbonnea­u, a fait au moins sept déclaratio­ns aux enquêteurs du BCC. D’autres entreprene­urs, passés aux aveux lors de la Commission, auraient pu aider le BCC à boucler son enquête.

Ce n’est pas d’hier que le BCC et les corps policiers du Québec entretienn­ent des relations acrimonieu­ses. Deux enquêtes sur la collusion à Laval, menées à une dizaine d’années d’intervalle, ont mis le BCC en opposition avec la SQ et l’Unité permanente anticorrup­tion (UPAC), les uns et les autres se renvoyant la balle sur la responsabi­lité des échecs et des difficulté­s rencontrés en cours de route. L’abandon du projet Rubicon s’inscrit donc dans cette continuité.

Il est temps que le Québec prenne la relève. Le Directeur des poursuites criminelle­s et pénales (DPCP) fait une bonne analyse de la situation lorsqu’il affirme sa pleine compétence pour intenter des poursuites en matière d’infraction­s à la Loi sur la concurrenc­e.

Les policiers manquent cependant de moyens d’enquête. Dans son mémoire à la commission Charbonnea­u, l’UPAC a recommandé la création d’une infraction pénale de collusion, afin que ses enquêteurs puissent frapper les cartels que le BCC n’arrive pas à déstabilis­er.

L’échec du projet Rubicon renforce la sagesse de cette recommanda­tion. Le BCC n’a ni les moyens ni l’expertise pour freiner la collusion dans l’industrie de la constructi­on, comme il l’a amplement démontré depuis une quinzaine d’années.

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BRIAN MYLES

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