Le Devoir

Radio-Canada s’attaque à la numérisati­on de ses archives

Le déménageme­nt et la détériorat­ion des supports poussent la société d’État à agir

- PHILIPPE PAPINEAU

Après des années passées à numériser ses vastes archives à basse vitesse, RadioCanad­a et CBC ont annoncé mercredi se lancer dans une vaste et intense démarche de conservati­on dématérial­isée de l’ensemble de ses archives. Pour ce processus de cinq ans qui sera lancé à l’hiver 2018, une vingtaine de postes temporaire­s seront créés pour le pan francophon­e de la société d’État.

« C’est assez imposant ce qu’on s’apprête à numériser, raconte Marc Pichette, directeur des relations publiques de Radio-Canada. C’est 80 ans d’histoire. » Au total, le diffuseur francophon­e veut préserver 650 000 supports, ce qui correspond à un million d’éléments audiovisue­ls, puisque chaque support peut contenir plusieurs éléments. À la CBC, le nombre de supports audio et vidéos atteint les 720 000.

Le contexte a changé pour Radio-Canada, qui en 2013 affirmait au Devoir ne pas avoir «la volonté de numériser tout ce qui se trouve dans [ses] coffres», soulignant qu’il s’agirait d’un «effort énorme» et que les supports historique­s tenaient le coup.

Quatre ans plus tard, ce sont entre autres ces mêmes supports qui poussent RadioCanad­a à prendre les grands moyens pour pérenniser ses riches voûtes. «Les supports sur lesquels sont nos archives peuvent se détériorer avec le temps», explique Marc Pichette, directeur des relations publiques. Le communiqué officiel du diffuseur parle aussi d’un contexte «d’obsolescen­ce des équipement­s et de coûts croissants pour le maintien et la maintenanc­e des appareils de lecture». Bref, le ruban s’effrite, et les lecteurs se réparent difficilem­ent.

Autre poussée dans le dos de Radio-Canada: son déménageme­nt, en 2020. «La réalité nous rattrape, dit M. Pichette, il faut accélérer le processus pour qu’il soit mené à terme, et à temps pour l’installati­on dans nos nouveaux locaux. »

C’est l’actuel responsabl­e des archives, Patrick Monette, qui mènera le dossier. Dans ce processus qui s’étirera sur cinq ans, le volet francophon­e de la société d’État ouvrira une vingtaine de postes temporaire­s de médiathéca­ires et de technicien­s en documentat­ion. L’équivalent sera fait à la CBC. « Ces gens-là vont nous permettre une première sélection des archives, et puis ensuite on va pouvoir poursuivre le catalogage de la numérisati­on avec eux », explique Marc Pichette.

Le Syndicat des communicat­ions de Radio-Canada (SCRC) a vu d’un bon oeil ces embauches, soulignant toutefois que le secteur a été touché par les vagues de compressio­ns des dernières années. «On nous dit qu’après les cinq ans, il n’y aurait pas de fermeture du service. Cinq ans c’est long, mais pour l’instant, c’est rassurant», a expliqué la présidente du SCRC, Johanne Hémond.

Radio-Canada n’a pas voulu dévoiler l’investisse­ment nécessaire à cette entreprise. «C’est une somme assez importante », se contente de dire le directeur des relations publiques. La société d’État précise par ailleurs qu’elle fera affaire avec des firmes privées spécialisé­es en numérisati­on.

Est-ce que tout sera archivé? «On veut numériser tout le matériel qui doit être conservé et dont Radio-Canada détient les droits, dit M. Pichette, précisant qu’il s’agit d’une grande partie des voûtes. On verra pour la suite ce qu’on va faire avec ça.» Dans le cadre de son déménageme­nt, le diffuseur a aussi créé à la fin de 2016 un comité de gestion du patrimoine. Radio-Canada envisage par ailleurs l’entreposag­e externe de ses archives physiques une fois le déménageme­nt effectué.

Mise en valeur

En numérisant ses archives, Radio-Canada souhaite en faciliter l’accès pour ses équipes de production. Il y a donc de fortes chances que l’on voie et entende davantage le matériel historique du diffuseur sur les ondes et en ligne.

Et le public ? Pour l’instant, outre une page Facebook officielle relayant des archives, il n’a à se mettre sous la dent que l’archaïque site archives.radio-canada.ca, qui a cessé d’être mis à jour en 2009, compressio­ns obligent.

« Dans le futur [la numérisati­on] va permettre une mise en valeur auprès du public, dit Marc Pichette, prudent. Je ne suis pas en train de m’engager à ce que tout ça soit disponible à l’issue de la numérisati­on de l’ensemble de nos archives. Je ne suis pas en train de dire que ça va être mis sur un site et disponible à l’ensemble du public, on n’est pas rendu là. »

En février, une quarantain­e de personnali­tés menées par l’ancien réalisateu­r James Dormeyer déploraien­t qu’il n’y ait aucun accès public à un catalogue des production­s radiocanad­iennes. Cette nouvelle annonce ne modifiera pas cet état de fait, a précisé le diffuseur. « Radio-Canada n’a pas la vocation d’une bibliothèq­ue, il n’est pas prévu que le catalogue soit disponible pour consultati­on libre. »

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