Le Devoir

Dossier › La vue : Montréal en technicolo­r.

- TEXTES: ISABELLE PARÉ

Quels sont les emblèmes visuels de Montréal ? Pas aussi évidents que ceux de New York ou de Paris, qui ne se laissent pas toiser sans leur tour Eiffel ou leur Empire State Building, tonitruant­s dans le panorama. Dans l’horizon montréalai­s, les perspectiv­es sont multiples.

Petits coins de ville, jardins secrets, portraits inédits: la métropole ne se déguste pas seulement à coups de grands paysages, mais aussi dans une multitude de tableaux singuliers.

Pour plus d’un aficionado de la métropole, le mont Royal, ce géant endormi au pied du Saint-Laurent, reste le repère de leur course à travers la ville. Une échappée bienvenue dans une mer de bitume, autant qu’un promontoir­e pour embrasser la métropole d’un coup d’oeil.

«Pour moi, une image forte de Montréal, c’est la montagne et la croix du mont Royal. Je l’aperçois de partout, de chez moi, c’est un repère qui m’incite à trouver de nouvelles idées », confie la parfumeuse Isabelle Michaud.

« Gravir l’escalier du mont Royal, c’est comme un pèlerinage. Ça me donne un plein d’énergie, ça régénère», renchérit la sommelière Élyse Lambert.

«Gravir l’escalier du mont Royal, c’est comme un pèlerinage. Ça me donne un plein d’énergie, ça régénère. La sommelière Élyse Lambert

Des allures de campagne

Beaucoup de citadins ne sauraient se passer de cette force tranquille qui en toute saison fait mentir le macadam et donne à leur ville des allures de campagne. Philippe de Vienne ne se lasse pas des percées ouvertes sur la ville depuis les nombreux belvédères de la montagne, laissant entrevoir le fleuve, autrement invisible depuis la rue. « C’est sur la montagne qu’on voit ce qui rend cette ville distincte et unique: son fleuve. Montréal est un port!»

Michel Rabagliati, lui, penche plutôt pour l’entrée sur la ville depuis le pont Champlain, un coup d’oeil spectacula­ire, surtout de nuit, quand le halo des lumières de la ville, l’enseigne vintage de l’usine Farine Five Roses et le reflet des gratte-ciel vont se noyer dans les eaux charbonneu­ses du Saint-Laurent.

«C’est la seule entrée vers Montréal, à part celle du pont Jacques-Cartier, où on n’est pas entourés de laideurs. Ça donne envie d’aller veiller, on sent la présence d’une grande ville», dit le bédéiste.

Montréal est synonyme de blancheur immaculée pour la directrice générale du Musée des beaux-arts, Nathalie Bondil. «En arrivant ici, j’ai été frappée par la prééminenc­e du blanc pendant de si longs mois. C’est pour ça que j’aime autant les couleurs. Il y a ici un printemps qui explose comme rarement ailleurs dans le monde, où l’on voit littéralem­ent les fleurs pousser du matin au soir. »

Les couleurs du marché

La Montréalai­se d’adoption raffole de l’explosion de couleurs au marché, quand les hibiscus et les lauriers emplissent les allées marchandes. «On se rêve tous Méditerran­éens, le Montréalai­s, c’est quand même un Latin qui s’affirme, qui aime se dénuder pendant quelques périodes de l’année et qui succombe à cette adoration du soleil. J’aime cette effervesce­nce et ce contraste qui font qu’on retrouve cette joie des saisons. C’est une des puissances de cette ville qui font la joie des saisons chaque année.»

Fred Pellerin, lui, garde en mémoire le point de vue lilliputie­n sur la métropole qui marque chacun de ses retours de tournée. «J’adore regarder ses bretelles d’autoroute, la montagne, l’Oratoire du haut des airs, dit le conteur. Le jeu, à chaque vol, c’est de se retrouver. La nuit, la ville allumée, c’est des milliers de petites lumières de chars qui bougent lentement. Un soir d’août, je me souviendra­i toujours que mon fils avait dit: “Hé papa, ils ont déjà installé leurs décoration­s de Noël !”. »

Ballet de lumières aussi que celui des déneigeuse­s qui clignotent dans les nuits de tempête. «Ces bêtes à neige, c’est une image forte de Montréal, lance l’auteure Anaïs Barbeau-Lavalette, je les trouve magiques et un peu surréalist­es. Là aussi, ma fibre identitair­e est interpellé­e!»

Le bric-à-brac de quartier

D’autres savourent dans le bric-à-brac de certains quartiers tout le charme de la métropole. «Ce que j’aime à Montréal, ce sont les fils électrique­s qui partent en tous sens dans les vieux quartiers. Il y a une âme qui se dégage de cette laideur, c’est comme une réminiscen­ce du passé. J’aime bien cette anarchie», confie le monteur Sylvain Bellemare.

Le rappeur Socalled, lui, est captivé par le treillis des ruelles qui tapissent l’envers de la ville. «Il y a là une vibration spéciale, une vie à part. Pas juste des poubelles! Pour moi, c’est comme le back stage de la ville. »

Et comme une ville n’est pas qu’affaire de béton, de monuments et de grands panoramas, mais aussi de visages et de rencontres, le regard d’Anaïs Barbeau-Lavalette flanche tout particuliè­rement pour «les gars et les filles » de Montréal. «Je trouve qu’ici, les gens sont beaux, surtout dans leur façon d’être, de marcher, d’aborder les autres. Ça frappe quand on arrive d’un autre pays. Dès qu’on est dehors, on s’ouvre. Ce n’est pas le cas dans beaucoup de métropoles. L’hiver, on est longtemps privés du regard des autres, alors quand on sort, notre façon d’être se transforme. »

«J’adore regarder ses bretelles d’autoroute, la montagne, l’Oratoire du haut des airs. Le jeu, à chaque vol, c’est de se retrouver.» Le conteur Fred Pellerin

 ?? PHOTOS JACQUES NADEAU LE DEVOIR ??
PHOTOS JACQUES NADEAU LE DEVOIR
 ??  ?? Toutes les villes ont leur rumeur urbaine, mais certaines notes résonnent plus fort que d’autres à Montréal
Toutes les villes ont leur rumeur urbaine, mais certaines notes résonnent plus fort que d’autres à Montréal
 ??  ?? L’auteure Anaïs Barbeau-Lavalette, et à droite, le conteur Fred Pellerin
L’auteure Anaïs Barbeau-Lavalette, et à droite, le conteur Fred Pellerin
 ??  ?? La métropole se déguste à coups de grands paysages, mais aussi dans une multitude de tableaux singuliers
La métropole se déguste à coups de grands paysages, mais aussi dans une multitude de tableaux singuliers

Newspapers in French

Newspapers from Canada