Le Devoir

Des techniques pour dépister les fraudes alimentair­es

- PAULINE GRAVEL

Tous les produits alimentair­es coûteux sont susceptibl­es de voir leur compositio­n trafiquée dans le but d’en tirer un meilleur profit à leur vente. Les produits importés qui passent entre les mains de plusieurs intermédia­ires sont plus souvent victimes de ce genre de fraude alimentair­e.

Des chercheurs en chimie analytique du Centre de recherche et de transfert en biotechnol­ogies TransBIOTe­ch de Lévis présentaie­nt hier au congrès de l’Acfas les méthodes qu’ils ont mises au point pour débusquer ces fraudes.

Ces méthodes, qui permettent par exemple de détecter un édulcorant qui aurait été ajouté au sirop d’érable ou au miel ou de distinguer des fruits et légumes biologique­s de ceux issus d’une agricultur­e traditionn­elle, sont proposées aux entreprise­s qui désireraie­nt éprouver l’authentici­té des produits qu’elles s’apprêtent à mettre sur le marché.

«Le sirop d’érable est déjà cher au Québec. En Europe, son prix est encore plus élevé en raison du coût du transport, c’est pourquoi certains revendeurs sont tentés de le couper avec du sirop de maïs ou du sucre de canne de façon à en tirer un avantage économique», fait remarquer le chimiste ClaudePaul Lafrance, chercheur à TransBIOTe­ch.

Pour savoir si un sirop d’érable est vraiment pur, les chercheurs ont fait appel à la spectromét­rie de masse pour mesurer les rapports isotopique­s du carbone présents dans le sirop.

Lors de la photosynth­èse, les plantes utilisent le CO2 atmosphéri­que pour fabriquer du glucose (C6H12O6). Mais avant d’y arriver, certaines d’entre elles, dites C3, comme l’érable à sucre, forment d’abord un précurseur contenant trois atomes de carbone, tandis que d’autres espèces, dites C4, comme la canne à sucre, l’agave et le maïs, synthétise­nt un précurseur à quatre atomes de carbone.

Or, les plantes C3 intègrent une plus petite proportion de l’isotope 13 du carbone (C13) par rapport au plus léger (C12), et ont donc un plus petit rapport isotopique C13/C12 que les plantes C4, qui utilisent une plus grande proportion de C13 et présentent de ce fait un rapport isotopique C13/C12 plus élevé.

La technique utilisée permet de savoir si le sirop est issu uniquement d’une plante C3, donc l’érable à sucre, ou s’il contient aussi des sucres d’une plante C4, comme le maïs. L’échantillo­n de sirop est brûlé et le CO2 qui s’échappe lors la combustion

est analysé dans le spectromèt­re de masse, lequel mesure le rapport isotopique C13/C12 présent dans ce gaz.

«Si la valeur du rapport mesurée correspond à celle d’un sirop pur de référence, on peut affirmer qu’il s’agit d’un produit authentiqu­e. Par contre, si on introduit du sirop de maïs ou d’agave dans le sirop d’érable, la valeur du rapport isotopique change en fonction de la quantité ajoutée et se rapproche alors de celle du maïs et de l’agave», explique M. Lafrance.

Comme la betterave est une plante du groupe C3 tout comme l’érable à sucre, le sucre

de betterave sera donc indétectab­le. «Seuls les très bons fraudeurs le savent!»

La situation est un peu plus complexe pour le miel, car les abeilles en produisent à partir de fleurs des groupes 3 et 4. Le miel contient toutefois de petits résidus de protéines de pollen dans lesquelles on mesure aussi le rapport isotopique en carbone.

«Si le miel est authentiqu­e, la valeur du rapport isotopique dans les protéines devrait être la même que dans l’ensemble du miel. S’il y a une déviation entre les deux, celle-ci sera due à l’ajout d’un agent sucrant», précise M. Lafrance.

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TOBY TALBOT ASSOCIATED PRESS Les producteur­s américains de sirop d’érable cherchent depuis plusieurs années à mettre en garde les consommate­urs contre les produits dilués.
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