Le Devoir

Une avancée tardive

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«Feu vert aux piqueries d’État», titrait Le Devoir en 2002 sous la signature d’un jeune journalist­e qui a roulé sa bosse dans le métier pendant 15 ans, jusqu’à ce qu’il devienne directeur du quotidien, sans jamais voir la prophétie de sa manchette se réaliser ! Que de débats, d’avancées et de reculs avant d’en arriver finalement cette semaine à des résultats tangibles. En 2002, Montréal, Toronto et Vancouver étaient pressentie­s pour accueillir des services d’injection supervisée (SIS) à brève échéance. Seule Vancouver, une ville durement touchée par une épidémie d’opiacés, est passée à l’action grâce au soutien des élus locaux, provinciau­x et de la police.

Pendant ce temps, Montréal et le Québec faisaient du surplace. En dehors du cercle restreint de la santé publique, peu de leaders politiques se mobilisaie­nt pour défendre le droit à des services de santé pour les utilisateu­rs de drogues injectable­s, un thème impopulair­e au début des années 2000.

Nous voilà donc en 2017. Santé Canada a accordé une exemption à deux organismes communauta­ires de Montréal, Cactus et Dopamine, afin de leur permettre d’ouvrir des sites d’injection dans les prochaines semaines (un troisième site est prévu à Spectre de rue).

Montréal devient la première ville au Canada, après Vancouver, à offrir des services de santé à une clientèle à risque de faire des surdoses mortelles et de contracter des maladies infectieus­es. Près de 15 ans après l’ouverture d’InSite, il n’était pas trop tôt.

À ceux qui craignent l’implantati­on d’un marché des drogues à ciel ouvert dans les rues du centre-ville, Le Devoir répond par une invitation à faire le tour de son nouveau quartier, à l’intersecti­on des rues Berri et Sainte-Catherine. Les revendeurs de drogue tiennent salon dans l’édicule du métro. Les ruelles, les parcs et les propriétés du voisinage servent déjà de sites d’injection.

Les SIS n’entraînero­nt pas une hausse de la consommati­on et des irritants. Ils permettron­t au contraire de sauver des vies, comme l’a prouvé l’expérience de Vancouver.

Le Québec se targue souvent de son caractère progressis­te et avant-gardiste en matière de réduction des méfaits. Les retards dans l’implantati­on des SIS seraient donc l’exception qui confirme la règle? Leur ouverture prochaine témoigne d’un changement de mentalité important chez les politicien­s qui, tel un Denis Coderre, ont appuyé le projet. L’appui aux SIS a longtemps fait défaut à l’Hôtel de Ville et à Québec, mais aussi au sein de la population.

En matière de consommati­on de drogues, les politiques publiques devraient être basées sur une approche de santé publique, et non sur la répression ou l’indifféren­ce. C’est pourquoi l’ouverture de sites d’injection à Montréal mérite d’être soulignée.

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BRIAN MYLES

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