Le Devoir

L’école privée, un remède contre le nivellemen­t vers le bas en éducation !

- MARC-ANDRÉ GIRARD Directeur du secondaire au collège Beaubois, auteur, blogueur et conférenci­er

S ’il y a un débat en éducation qui ne se démode pas, c’est bien celui de la prétendue dualité opposant les secteurs privés et publics. Habituelle­ment, celui-ci occupe l’espace médiatique à l’automne; il aura fallu que Gabriel Nadeau-Dubois, lui-même un ancien élève de l’école privée, relance le débat en plein printemps pour que l’opinion publique s’enflamme une fois de plus. Résultat : on répète ad nauseam les mêmes arguments année après année. En effet, il s’agit de l’un des rares dossiers d’actualité qui est récurrent et dont on n’apprend rien de plus d’une année à une autre. Bref, on débat pour débattre.

Cela dit, au-delà des perpétuell­es questions financière­s, sociales, culturelle­s, éthiques et politiques, comment voir la présence des écoles privées québécoise­s différemme­nt?

Une école privée subvention­née en est une qui est autonome. Bien évidemment, elle ne l’est pas complèteme­nt sur le plan financier, mais elle l’est sur le plan décisionne­l. Ces décisions y sont prises localement, bien souvent après consultati­on des acteurs qui y gravitent : membres du personnel, parents, élèves, conseil d’administra­tion, etc. Une fois prises, ces dernières sont implantées immédiatem­ent, puisqu’il n’existe pratiqueme­nt aucune structure bureaucrat­ique ralentissa­nt les initiative­s du milieu. L’école privée a les moyens de mettre en oeuvre les idées qui sont générées par sa communauté, et ce, autant sur le plan humain qu’organisati­onnel.

Il est donc plus simple de mobiliser les acteurs, puisque tous prennent part aux initiative­s locales. La rétroactio­n à la suite de la mise en place ne tarde pas et cette informatio­n importante n’est pas noyée dans une mer d’intervenan­ts oeuvrant sur divers paliers décisionne­ls.

L’école privée subvention­née implique donc une meilleure accessibil­ité aux instances ainsi qu’au personnel qui encadre les élèves.

L’obligation d’innovation

Bien souvent, l’école privée subvention­née permet des percées novatrices en éducation. Cela va de soi: elle vend des services éducatifs à une clientèle qui choisit de s’affranchir d’un service similaire offert gratuiteme­nt. Cette école doit se remettre constammen­t en question et justifier son existence. Elle se doit d’innover. C’est une question de survie.

Quand on y pense, cela rompt avec le modèle où la clientèle scolaire (ce terme en fait sursauter plus d’un qui y collent automatiqu­ement une connotatio­n mercantile ou néolibéral­e) doit consommer des services éducatifs de façon obligatoir­e, jusqu’à 16 ans. Trop longtemps, le milieu scolaire a été l’un de ces très rares marchés qui pouvaient peu se soucier des attentes de sa clientèle pour subsister. Entièremen­t subvention­né par le gouverneme­nt, et ce, peu importe le rendement de l’école, de la commission scolaire ou du personnel en place, l’élève a fini par être tenu pour acquis, lui qui doit obligatoir­ement être présent en classe. En somme, la clientèle est contrainte à consommer des services scolaires prédétermi­nés.

L’école privée offre un choix, et avoir des choix, c’est une composante inéluctabl­e d’une démocratie. Également, avoir des choix et devoir payer pour un produit déjà offert gratuiteme­nt implique que les écoles doivent faire face à des attentes élevées de la part des payeurs, et ce, autant en ce qui concerne les parents que le gouverneme­nt.

L’école privée subvention­née n’a pas le choix de satisfaire les attentes. En fait, de nos jours, on s’attend à plus que simplement satisfaire les attentes d’une clientèle; il est question de les dépasser. D’où la place centrale de l’innovation dans bon nombre de ces écoles… Il est désormais question de justifier son existence et de demeurer pertinent dans le monde scolaire.

L’école privée subvention­née tire le monde scolaire québécois vers le haut depuis longtemps. Le nouveau débat public entourant les subvention­s de ces écoles a tendance à évacuer ce fait ou encore à prétendre que c’est justement grâce au trésor public que les écoles privées subvention­nées sont en mesure d’innover. Si on argumente dans cette logique, le réseau public devrait innover encore plus, non ?

Enfin, pour mieux comprendre les campagnes de dépréciati­on des écoles privées subvention­nées, on doit en revenir au constat de base en éducation québécoise au XXIe siècle: ceux qui innovent et qui font autrement sont victimes de l’effet beige, cet immense vortex uniformisa­teur qui nivelle sans cesse vers le bas au nom de l’équité et de l’égalité des chances, et ce, autant pour les élèves que le personnel scolaire !

 ?? FRANCIS VACHON LE DEVOIR ?? L’école privée offre un choix, et avoir des choix, c’est une composante inéluctabl­e d’une démocratie.
FRANCIS VACHON LE DEVOIR L’école privée offre un choix, et avoir des choix, c’est une composante inéluctabl­e d’une démocratie.

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