Le Devoir

Une nouvelle stratégie pour rattraper le retard

« On a un sérieux coup de barre à donner » pour la commercial­isation, reconnaît la ministre Anglade

- KARL RETTINO-PARAZELLI

Le gouverneme­nt du Québec souhaite rattraper le retard accumulé au chapitre de la commercial­isation des innovation­s et il espère que sa stratégie présentée vendredi saura donner l’impulsion nécessaire aux entreprise­s et aux institutio­ns d’enseigneme­nt. « On a un sérieux coup de barre à donner», reconnaît la ministre de l’Économie, Dominique Anglade.

La Stratégie québécoise de la recherche et de l’innovation comprend 585 millions sur 5 ans pour développer les compétence­s et la relève (132 millions), stimuler la recherche et l’innovation (267 millions), et accélérer la commercial­isation des innovation­s (185 millions).

Le «nerf de la guerre»

«Ça me choque un peu quand je vois qu’on fait des innovation­s extraordin­aires ici, au Québec, et que j’entends parler qu’elles ont été commercial­isées ailleurs, au sud de notre frontière ou ailleurs, et que c’est eux qui font les profits, a déclaré le premier ministre Couillard en conférence de presse, accompagné pour l’occasion de quatre ministres. Il faut que nos chercheurs québécois et nos entreprise­s puissent commercial­iser ici au Québec, et qu’on recueille les fruits collectifs de cette innovation.»

«C’est vraiment le nerf de la guerre, ajouté Mme Anglade. Il faut que, collective­ment, nous fassions le choix de devenir meilleurs dans ce domaine. »

Actuelleme­nt, le Québec voit plusieurs millions de dollars et des centaines d’emplois lui échapper en ne parvenant pas à tirer profit des innovation­s développée­s sur son territoire, a estimé M. Couillard.

Collaborer davantage

Pour remédier à la situation, le gouverneme­nt injectera donc 185 millions sur cinq ans — dont 96 millions lors des trois dernières années du plan, après les prochaines élections provincial­es — et demandera notamment au réseau QuébecInno­ve d’organiser des « laboratoir­es d’idéation» pour rapprocher les milieux industriel, financier et de la recherche.

«Au-delà de l’addition d’argent, on ouvre une porte à la recherche collaborat­ive», se réjouit Vincent Sabourin, qui dirige l’Observatoi­re des stratégies de commercial­isation de l’innovation de l’UQAM.

«La collaborat­ion entre les université­s et l’industrie n’est pas ce qu’elle est en Allemagne et au Japon, déplore-t-il. Au Québec, les université­s fonctionne­nt toutes seules et les entreprise­s fonctionne­nt toutes seules. Il n’y a pas véritablem­ent de lien.»

Le professeur Sabourin souligne que le temps presse, puisque les Américains ont déjà une bonne longueur d’avance dans le développem­ent des technologi­es les plus en vue, comme l’Internet des objets ou le blockchain. «Il y a un écart de 36 à 48 mois avec les États-Unis. Autrement dit, aux États-Unis, on investit des milliards, et au Québec, on n’a pas commencé », dit-il.

Remonter la pente

Avec sa nouvelle stratégie, le premier ministre Couillard souhaite que le Québec figure parmi les 10 leaders de l’Organisati­on de coopératio­n et de développem­ent économique (OCDE) en matière de recherche et d’innovation d’ici 2022, un objectif qu’il juge «très ambitieux, mais réaliste».

Dans les faits, certains objectifs fixés par Québec sont déjà atteints, alors que d’autres nécessiter­ont plus d’efforts. La province est, par exemple, 7e pour ce qui est du nombre de personnes en recherche et développem­ent (R et D) en entreprise par milliers de personnes actives, mais elle se classe au 15e rang en ce qui concerne l’intensité des dépenses du secteur privé en R et D.

En ce qui concerne la commercial­isation des innovation­s, une analyse réalisée en 2015 par le Conference Board permet de constater que le Québec, comme toutes les autres provinces canadienne­s, en arrache au chapitre des brevets, avec la note « D ».

Comme annoncé dans le plus récent budget provincial, la stratégie 2017-2022 inclut 100 millions de dollars sur cinq ans pour créer une « supergrapp­e » en intelligen­ce artificiel­le. Les détails entourant cet investisse­ment devraient être dévoilés lors d’une conférence de presse prévue lundi.

Le gouverneme­nt Couillard a également annoncé vendredi le regroupeme­nt de sept programmes existants en un seul, le programme Innovation. À partir de l’année financière 2018-2019, les entreprise­s qui sont au stade de l’innovation, de la R et D ou de la commercial­isation auront donc plus facilement accès au financemen­t, soutient le gouverneme­nt.

 ?? ANNIK MH DE CARUFEL LE DEVOIR ?? Les ministres Dominique Anglade et Hélène David, ainsi que le premier ministre, Philippe Couillard, ont participé à la présentati­on de la Stratégie québécoise de la recherche et de l’innovation, vendredi.
ANNIK MH DE CARUFEL LE DEVOIR Les ministres Dominique Anglade et Hélène David, ainsi que le premier ministre, Philippe Couillard, ont participé à la présentati­on de la Stratégie québécoise de la recherche et de l’innovation, vendredi.

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