Le Devoir

Trump conclut un accord commercial avec Pékin

Le président américain enterre la hache de guerre et prône un rapprochem­ent avec la Chine

- JULIEN GIRAULT

Pékin — Donald Trump avait fait de la Chine un épouvantai­l pendant sa campagne électorale. Mais quatre mois après son arrivée au pouvoir, son gouverneme­nt a annoncé un accord avec Pékin, qui va acheter du boeuf et du gaz aux États-Unis, dans l’espoir de réduire un déficit commercial abyssal.

«La Chine vient d’accepter que les États-Unis puissent de nouveau vendre leur boeuf et d’autres produits essentiels en Chine. C’est une “vraie” informatio­n », a tweeté vendredi le président américain.

Alors qu’il avait menacé de droits de douane prohibitif­s une Chine accusée de pratiques commercial­es déloyales pendant sa campagne, M. Trump avait déjà nettement modéré son propos après son installati­on à la Maison-Blanche en janvier et une rencontre avec son homologue chinois Xi Jinping début avril en Floride. Il prône désormais un rapprochem­ent avec Pékin, dont il cherche l’appui dans l’épineux dossier nord-coréen.

Le milliardai­re avait promis en recevant le dirigeant chinois un «plan d’action de 100 jours» pour renforcer la coopératio­n sino-américaine: l’accord annoncé vendredi en signe les «premiers résultats», assure un communiqué commun. «Le fait que nous puissions accomplir de tels progrès en aussi peu de temps montre que nous pouvons viser une coopératio­n accrue pour notre bénéfice mutuel», s’est félicité Geng Shuang, porte-parole de la diplomatie chinoise.

Un triomphe

À Washington, le ton était triomphal : «C’est une performanc­e herculéenn­e. C’est davantage que tout ce qui a été fait dans l’histoire des relations commercial­es sino-américaine­s», s’est exclamé le secrétaire au Commerce Wilbur Ross. À l’en croire, cet accord — qui couvre l’agricultur­e, l’énergie et les services financiers — permettra de «réduire» le déficit colossal des États-Unis avec le géant asiatique (347 milliards de dollars l’an dernier).

Certains experts se montraient pourtant circonspec­ts: cela « n’apportera aucune différence sensible à la balance commercial­e », car les échanges concernés «équivaudro­nt au mieux à quelques milliards de dollars », tempéraien­t les analystes de Capital Economics.

Selon le texte, la Chine autorisera d’ici mi-juillet au plus tard les importatio­ns de boeuf américain. Certes, Pékin avait déjà annoncé en septembre une levée partielle de son embargo vieux de 13 ans sur la viande bovine des États-Unis, mais la reprise des ventes était suspendue à une négociatio­n entre les deux pays. L’embargo chinois avait été adopté après les premiers cas d’encéphalop­athie spongiform­e bovine (maladie de la « vache folle »).

L’accès au marché chinois était jugé crucial pour les éleveurs américains, et Washington en avait fait une priorité. En retour, les États-Unis ont promis de retirer « aussitôt que possible » les barrières aux importatio­ns

de volaille chinoise.

Et Washington va accorder son feu vert aux entreprise­s chinoises pour qu’elles achètent du gaz naturel américain. Les États-Unis ont considérab­lement développé ces dernières années leurs exportatio­ns de gaz naturel liquéfié, qui, pour la première fois l’an dernier, ont dépassé leurs importatio­ns grâce aux ressources dégagées par le gaz de schiste.

Secteur financier

Pékin confirme par ailleurs des ouvertures dans le secteur financier: le régime communiste autorisera d’ici mi-juillet l’accès aux agences étrangères de notation, suivant un projet déjà dévoilé en décembre. La Chine permettra également aux opérateurs américains de systèmes de paiement de s’enregistre­r, étape qui « doit conduire à un accès complet et rapide au marché».

À la suite d’une condamnati­on par l’OMC, Pékin avait déjà annoncé en 2015 son intention de permettre à Visa ou MasterCard d’accéder directemen­t à son gigantesqu­e marché des cartes de paiement, sur lequel le local UnionPay conserve un monopole.

Autre signe de bonne volonté du gouverneme­nt Trump: Washington doit envoyer dimanche à Pékin une délégation au sommet des « nouvelles routes de la soie », cher à Xi Jinping. De même, les « investisse­ments par des entreprene­urs chinois sont autant les bienvenus aux États-Unis que ceux d’autres pays », précise l’accord, et ce, en dépit d’une défiance persistant­e au Congrès envers l’intrusion de Chinois dans des secteurs stratégiqu­es. Les négociatio­ns vont désormais se poursuivre, assure-ton de part et d’autre.

De fait, l’accord n’aborde pas les sujets les plus sensibles (acier, aluminium, pièces automobile­s): autant de secteurs où Washington continue de lancer des enquêtes antidumpin­g contre Pékin et ses firmes d’État, au nom de la défense des emplois américains.

«Ce sera bien plus ardu de s’entendre là-dessus », relèvent les analystes de Capital Economics. Pour eux, en l’état, le déficit commercial demeurera «une source de tensions potentiell­e entre les deux pays », avec l’automobile en particulie­r comme possible « source d’embrasemen­t ».

«C’est une performanc­e herculéenn­e. C’est davantage que tout ce qui a été fait dans l’histoire des relations » commercial­es sinoaméric­aines. Wilbur Ross, le secrétaire américain au Commerce

 ?? JIM WATSON AGENCE FRANCE-PRESSE ?? Les présidents chinois et américain, Xi Jinping et Donald Trump, lors d’une rencontre en Floride, en avril dernier
JIM WATSON AGENCE FRANCE-PRESSE Les présidents chinois et américain, Xi Jinping et Donald Trump, lors d’une rencontre en Floride, en avril dernier

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