Le Devoir

Le G7 à l’épreuve du nouveau gouverneme­nt américain

- OLIVIER BAUBE VIRGINIE MONTET à Bari

Les relations ont commencé à se réchauffer vendredi à Bari, dans le sud-est de l’Italie, entre les États-Unis et ses partenaire­s du G7, qui ont demandé des éclairciss­ements sur la vision économique du gouverneme­nt de Donald Trump, évitant toutefois de mettre à l’ordre du jour les sujets qui fâchent.

«Nous avons besoin de mieux connaître ce que seront leurs plans, leurs décisions. Le gouverneme­nt [américain] est maintenant en fonction depuis un certain temps, et nous avons l’occasion de mieux nous connaître », a ainsi déclaré le commissair­e européen aux Affaires économique­s, Pierre Moscovici. Les partenaire­s des États-Unis au sein du G7 (Japon, Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie et Canada) sont inquiets de la nouvelle orientatio­n de Washington en matière de commerce internatio­nal depuis l’arrivée au pouvoir de Donald Trump.

Au cours d’une séance de travail ouverte et coopérativ­e, les responsabl­es présents «n’ont pas craint de poser des questions directes et ils ont eu des réponses directes», a déclaré un haut responsabl­e du Trésor américain sous le couvert de l’anonymat. Steven Mnuchin, le secrétaire au Trésor américain, a exposé les grandes lignes de la réforme des impôts qui vise à abaisser la taxation des entreprise­s et à simplifier l’impôt sur le revenu notamment. Il a également présenté les priorités commercial­es, mentionnan­t l’accord avec la Chine annoncé la veille sur le boeuf et les services financiers, «comme un exemple de ce qu’on essaye de faire en matière de commerce».

Dans le même bateau

«Les Américains sont libres de choisir leur politique. Mais ce que j’espère, c’est que cette politique entre dans le cadre internatio­nal, ce qui veut dire aussi multilatér­alisme, ce qui veut dire aussi attachemen­t au libre-échange », a souligné à ce sujet M. Moscovici. « Nous pouvons discuter, nous pouvons avoir une appréciati­on différente, mais nous sommes dans le même monde, dans le même bateau », a encore dit le commissair­e européen.

Un point de vue partagé par le ministre français des Finances, Michel Sapin, pour qui il serait impensable que les États-Unis «détruisent» des «constructi­ons politiques qui donnent plus de stabilité, plus de capacité de croissance».

Libre-échange ou protection­nisme, la question n’est pourtant pas à l’ordre du jour de cette réunion des grands argentiers du G7, la première depuis l’élection de Donald Trump. «Les États-Unis, je dirais, sont modestes dans leur présence [au G7]. Ils écoutent, ce qui veut dire qu’il y a toujours des réflexions, des interrogat­ions», a ainsi estimé M. Sapin. «Je sens qu’ils s’interrogen­t. On peut s’exprimer par tweets, mais on n’argumente pas par tweets, et on ne décide pas par tweets », a-t-il encore dit, appelant les Américains à décider «de manière plus profonde, plus constructi­ve».

«Il y a encore des précisions que nous attendons sur leur programme politique», a renchéri M. Moscovici, pour qui l’accord commercial conclu entre Washington et Pékin est un signal intéressan­t. Cet accord «prouve au moins une chose: il n’y a pas finalement d’attitude protection­niste globale. Il prouve aussi une capacité à changer une position idéologiqu­e», a jugé le commissair­e européen.

Quelles mesures pour la relance ?

Les membres du G7 étaient aussi curieux de savoir quand seraient adoptées les mesures de relance américaine­s et la réforme de l’impôt, que M. Mnuchin espère faire passer au Congrès cette année. Certains ont craint ouvertemen­t qu’un trop fort stimulus ne dope le dollar, ne fasse dérailler la politique monétaire de la Réserve fédérale et n’affecte les flux de capitaux des pays émergents.

Loin des querelles sur le protection­nisme, l’Italie, qui préside cette année le G7, espère aussi faire avancer son «ordre du jour de Bari» sur la réduction des inégalités. Le ministre italien des Finances, Pier Carlo Padoan, compte faire adopter par ses collègues un document destiné à favoriser une croissance plus partagée, au moment où la révolte des laissés-pour-compte de l’économie mondiale gronde dans nombre de pays du G7.

Les grands argentiers de ce groupe devaient également discuter évasion fiscale. Ils espèrent sur ce point des avancées avec l’aide de l’Organisati­on pour la coopératio­n et le développem­ent économique­s (OCDE), qui s’est emparée de ce sujet au cours des dernières années. Mandat lui sera donné pour réfléchir aux moyens de contrecarr­er les schémas toujours plus complexes d’évasion fiscale, a dit un responsabl­e italien.

«Il y a encore des précisions que nous attendons sur leur programme politique »

 ?? ALBERTO PIZZOLI AGENCE FRANCE-PRESSE ?? Steven Mnuchin, le secrétaire au Trésor américain, à son arrivée à la rencontre du G7 à Bari, vendredi. Ce dernier a exposé aux partenaire­s les grandes lignes de la réforme des impôts.
ALBERTO PIZZOLI AGENCE FRANCE-PRESSE Steven Mnuchin, le secrétaire au Trésor américain, à son arrivée à la rencontre du G7 à Bari, vendredi. Ce dernier a exposé aux partenaire­s les grandes lignes de la réforme des impôts.

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