Le Devoir

Rutilant bolide en perte de vitesse

Quand deux solitudes policières se retrouvent pour renouer avec le succès

- ANDRÉ LAVOIE

BON COP BAD COP 2

★★1/2

Canada, 2017, 126 min. Comédie policière d’Alain DesRochers. Avec Patrick Huard, Colm Feore, Mariana Mazza, Marc Beaupré.

Devant Bon Cop Bad Cop (2006), d’Érik Canuel, on ne pouvait que s’incliner devant l’efficacité du concept : les deux solitudes faisaient enfin autre chose que se regarder en chiens de faïence, et leur alliance donnait au cinéma d’ici des allures résolument hollywoodi­ennes. Ce n’était pas la première tentative, mais cellelà a rapporté gros.

Hollywood, par contre, n’aurait pas attendu une décennie avant de reprendre ce filon, surtout à un moment où amener les gens au cinéma s’avère plus laborieux que d’engager des pourparler­s constituti­onnels. C’est dans ce contexte moins euphorique que surgit Bon Cop Bad Cop 2, signé cette fois par un autre pro du film d’action made in Québec, Alain DesRochers (Nitro, Nitro Rush), et mettant en vedette le même duo aussi improbable qu’efficace: Patrick Huard et Colm Feore. Sur papier, ça semblait un brin surréalist­e; à l’écran, ça fonctionna­it à plein régime.

Dans cette variation pas tout à fait sur le même thème et sur le même ton, la chimie opère toujours, évidemment moins étonnante. Les deux policiers, le Québécois David Bouchard (Patrick Huard, un peu moins cabotin) et l’Ontarien Martin Ward (Colm Feore, la grande classe avec un sourire en coin) s’étaient eux aussi perdus de vue, se retrouvant à la faveur d’une spectacula­ire interventi­on policière menée par Ward auprès d’un receleur de voitures volées où Bouchard agit « undercover » (on se croirait dans Omertà).

Les deux comparses retrouvent vite leur relation d’amourhaine, leurs écarts de langage (Huard, aussi scénariste, a refusé la modération), et leurs différence­s culturelle­s, s’avançant dans les méandres d’un milieu criminel dont les bagnoles ne sont qu’une façade, camouflant un complot beaucoup plus vaste, et plus meurtrier.

Ce ne sont pas les exploits échevelés de ces deux flics parlant franglais qui posent problème dans cette seconde mouture qui s’abreuve encore à tous les clichés, dont ceux de la femme-objet et du mécréant à cravate. Dans un souci manifeste de se distancier du côté pétaradant et sans prétention du premier film, le récit est plombé de considérat­ions moralisant­es sur la communicat­ion familiale, ainsi que des drames périphériq­ues cherchant à injecter un supplément d’âme à des héros d’abord conçus pour divertir. Le talent, immense, de Colm Feore est au service d’un homme à la fois miné par la maladie et rongé par le remords d’avoir perdu contact avec son fils: un violon de plus et nous voilà en plein mélodrame.

Ces prétention­s s’entrechoqu­ent avec certaines recettes faciles du cinéma populaire québécois, dont cette affection immodérée, voire aveugle, pour les humoristes. C’est maintenant le tour de Mariana Mazza, jouant davantage son personnage de scène à la vulgarité assumée que celui qu’elle devrait défendre, un crack de l’informatiq­ue à l’ingéniosit­é débordante.

Film à plusieurs vitesses tombant parfois en panne sèche et assorti de quelques moments captant l’essence du concept, soit le choc des cultures dans un fracas rigolo (une escapade dans un poste de police américain laissait entrevoir cet espoir), Bon Cop Bad Cop 2 reflète surtout un compromis digne de ce grand pays: on en donne un peu à tout le monde, mais pas en quantité suffisante pour satisfaire qui que ce soit.

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FILMS SÉVILLE Martin Ward (Colm Feore) et David Bouchard (Patrick Huard) retrouvent vite leur relation d’amour-haine.

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