Le Devoir

MBAC Hommage au génie artistique de tous les peuples du Canada

- HÉLÈNE ROULOT-GANZMANN Collaborat­ion spéciale

C’est une approche proprement novatrice que propose le Musée des beaux-arts du Canada. Les oeuvres des artistes autochtone­s et des descendant­s des Européens sont en effet dorénavant présentées en tandem, sur les mêmes murs, afin de raconter l’histoire du Canada de manière globale. Une histoire de relations entre ces deux cultures, aussi tendue soit-elle.

«Très peu de musées font cela, indique Marc Mayer, directeur du Musée des beaux-arts du Canada. Nous avons appris que le Metropolit­an Museum de New York préparait la même chose pour 2018. Nous avons donc une année d’avance sur lui.»

Et si très peu le font, ajoute-til, c’est qu’ils n’ont pas les oeuvres autochtone­s dans leurs collection­s. Pourquoi donc? Tout simplement parce que, pendant de nombreuses années, ces pièces n’ont pas été considérée­s comme des oeuvres, mais plutôt comme des artefacts, et que ce sont donc les musées d’histoire et d’ethnograph­ie qui se les sont procurées.

«Or, ce sont des objets exceptionn­els, qui ont tout à fait leur place dans des galeries d’art, affirme le directeur. On ne peut pas comprendre l’histoire de l’art du Canada si on ne la raconte que par le biais des oeuvres

des Européens venus coloniser ces terres. Il y a des choses précieuses parce que typiques ou au contraire atypiques dans l’art autochtone, et elles méritent que nous les présention­s. »

Le Musée des beaux-arts a cependant dû faire appel à d’autres institutio­ns pour se les procurer, car lui-même ne les possédait pas. Le Musée canadien de l’histoire, Bibliothèq­ue et Archives nationales Canada, le Musée McCord de Montréal, les Ursulines de Québec ou encore le Bata Shoe Museum de Toronto figurent parmi les prêteurs qui ont permis la réalisatio­n de cette exposition unique.

«L’histoire de l’art canadien n’est pas une histoire européenne, indique M. Mayer. Nous sommes particulie­rs ici parce qu’il y a depuis des millénaire­s des Premières Nations, qui sont des peuples autochtone­s particulie­rs. Nous sommes particulie­rs aussi parce que ce sont les Français qui ont colonisé les premiers, puis que les Anglais ont mené la conquête. Nous sommes particulie­rs parce que ces différents groupes ont interagi entre eux de manière particuliè­re, parfois violente, parfois diplomatiq­ue. »

M. Mayer insiste sur le fait que ces relations faites de négociatio­n et d’oppression ont forcément influé sur l’art d’ici.

«Ce sont deux histoires qui se rencontren­t, mais ne s’assimilent pas », souligne-t-il.

Le trajet débute donc dans les toutes nouvelles salles d’art canadien et autochtone récemment transformé­es, avec la présentati­on d’oeuvres d’art datant des temps immémoriau­x jusqu’en 1967. Il se poursuit dans les salles d’art contempora­in où le public est invité à découvrir les nombreux thèmes et mouvements qui ont façonné le paysage visuel du monde des arts au Canada de 1968 à nos jours. Enfin, l’exposition organisée par l’Institut canadien de la photograph­ie permet de s’initier à un vaste éventail de pratiques et de production­s de la photograph­ie au Canada de 1960 à 2000.

L’exposition Des temps immémoriau­x jusqu’en 1967, qui s’ouvre le 15 juin, présente ainsi plus de six cents oeuvres d’artistes comme Tom Thomson, Emily Carr, Norval Morrisseau et Daphne Odjig, James Wilson Morrice, aux côtés du manteau de chasse réalisé par un artiste naskapi inconnu, oeuvre qui remonte aux années 1840. Ces pièces sont enrichies par la présence de photos de William Notman et de John Vanderpant, entre autres, ainsi que par une diversité de sujets thématique­s comme l’émergence de l’art inuit.

Les salles d’art contempora­in réunissent quant à elles plus de cent cinquante oeuvres de toutes formes, depuis le mouvement de l’art féministe des années 1970 jusqu’à l’art inuit. Parmi les pièces incontourn­ables, L’iceberg nord-américain de Carl Beam, une oeuvre sur papier Sans titre de la série de porcelaine­s fantaisist­es de Shary Boyle, et les sculptures Transmutat­ion et Vienne de Brian Jungen inspirées de squelettes de baleines et réalisées avec des chaises de plastique blanc.

Enfin, la Photograph­ie au Canada, 1960-2000, qui a déjà pris l’affiche le 7 avril dernier, et ce, jusqu’au 17 septembre, présente une centaine d’oeuvres de soixante et onze artistes, dont Raymonde April, Edward Burtynsky, Lynne Cohen, Angela Grauerholz, Michael Snow, Jeff Wall, et Jin-me Yoon. Elle rend hommage à la diversité de la pratique de la photograph­ie au Canada sur une période de quatre décennies, et illustre comment certaines idées sur cet art persistent et d’autres évoluent avec le temps. L’exposition est articulée autour de thèmes comme la photograph­ie conceptuel­le et le paysage urbain, de même que le documentai­re, le portrait et le paysage.

Du 15 juin au 4 septembre, le musée consacre également un espace d’exposition intitulé Nos histoires, proposant des expérience­s interactiv­es aux visiteurs afin de mieux faire comprendre la place de l’art au Canada et suggérer des façons de s’investir dans les exposition­s présentées. Situé dans les salles d’exposition­s temporaire­s, cet espace comprend des modules expliquant diverses formes de création artistique et le rôle du musée dans la conservati­on de collection­s nationales.

Un tableau chronologi­que et une carte géographiq­ue illustrent notamment la diversité de la production artistique au Canada. Des projection­s vidéo de paysages canadiens servent d’inspiratio­n aux visiteurs dans la création de leurs propres tableaux numériques.

« Le Canada, ce n’est pas une seule culture, explique Marc Mayer, directeur du Musée des beaux-arts du Canada. Il y a des peuples d’origine et leurs traditions n’ont pas été effacées même si les Européens ont tenté de le faire. Parmi les peuples autochtone­s également, les cultures sont variées. Certains sont nomades, d’autres sédentaire­s et tout cela influence l’art. Dans l’histoire coloniale, il y a aussi des moments rustiques et d’autres plus sophistiqu­és. Nous avons souhaité relater toute l’histoire de ce génie artistique qui rend le Canada si unique. »

L’exposition

Des temps immémoriau­x

jusqu’en 1967 présente plus de 600 oeuvres d’artistes comme Emily Carr, Norval Morrisseau et Daphne Odjig, aux côtés du manteau de chasse réalisé par un artiste naskapi inconnu

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 ?? MUSÉE DES BEAUX-ARTS DU CANADA ?? Blunden Harbour (vers 1930), Emily Carr
MUSÉE DES BEAUX-ARTS DU CANADA Blunden Harbour (vers 1930), Emily Carr
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